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Judiciaire

Valentine Mayer quitte la magistrature

25 avril 2024, 18:00

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Valentine Mayer quitte la magistrature

La magistrate Valentine Mayer, qui siège actuellement au tribunal de Port-Louis, a annoncé son intention de démissionner de ses fonctions judiciaires. Elle aurait déjà soumis sa lettre de démission et restera en poste jusqu’à la fin du mois de juin pour finaliser les affaires en cours. Selon nos informations, elle prévoit de prendre un congé sabbatique, laissant ainsi en suspens la question de son retour éventuel dans la pratique privée ou d’une réorientation professionnelle. Au cours de sa carrière, Valentine Mayer s’est distinguée de par sa rigueur et la perspicacité de ses jugements, ce qui lui a valu le respect et l’admiration de ses pairs. Son départ soudain surprend donc de nombreux collègues et professionnels du droit. Bien que les raisons précises de sa décision n’aient pas été divulguées, au sein de la communauté juridique, on soutient que la magistrate «enaurait ras le bol de certains aspects du système». Contactée, Valentine Mayer n’a pas souhaité s’exprimer.

Titulaire d’un baccalauréat ès arts en politique et relations internationales, Valentine Mayer a été called to the bar en Angleterre, à l’Honorable Society of the Middle Temple, en novembre 2013, et a ensuite été admise au barreau mauricien en septembre 2015. Elle a été associée à ENSafrica (Maurice), la branche locale du cabinet d’avocats africain. Elle est spécialisée dans les contentieux civils. Tout en traitant un large éventail d’affaires dans différents domaines du droit, ses principaux domaines de pratique sont le droit de la concurrence, du travail et de l’environnement. En juin 2021, elle avait été nommée Temporary District Magistrate et est actuellement magistrate au tribunal de PortLouis après un passage au tribunal de Rose-Hill.


Ses jugements phares

L’Affaire Balaghee

La magistrate Mayer a annulé la charge provisoire ouverte par l’Independent Commission against Corruption (ICAC) contre Kritanand Balaghee, arpenteur au Sugar Insurance Fund Board, pour abus et retard excessif, thèse de la défense. Presque cinq ans se sont écoulés depuis les faits, en 2018, sans que l’enquête ne puisse être complétée et que le dossier soit transmis au bureau du Directeur des poursuites publiques. Cette incapacité à boucler un dossier est d’autant plus troublante qu’il y a eu une Private Notice Question de l’ex-leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, sur la question et que les conclusions probantes du Fact Finding Committee Domah sont à l’ICAC depuis août 2019. Excédée par le long retard pris par l’ICAC et la demande d’un délai de deux mois supplémentaires pour boucler l’enquête, la magistrate Mayer n’a eu d’autre choix que d’accéder à la demande de l’arpenteur.

Affaire Sherry Singh

La magistrate Valentine Mayer a accepté, le 28 mars, de rayer l’accusation provisoire contre Deyendranath Persand, de Tradeway International Ltd, dans l’affaire de cuivre de Mauritius Telecom (MT) pour absence de soupçons raisonnables. Dans son jugement, elle a indiqué que la théorie de la police concernant l’implication de Deyendranath Persand dans le complot demeure floue. De plus, ce dernier n’était pas le directeur de la compagnie Tradeway, mais le Logistics Manager quand le délit aurait été commis. Ainsi, il n’y a aucune indication qu’il pouvait prendre des décisions en ce qui concerne la négociation du contrat avec MT et le prétendu accord visant à sous-estimer le rendement de cuivre. La magistrate a aussi noté que l’enquête policière n’a pas révélé l’implication de Deyendranath Persand dans l’acquisition des propriétés. Deux semaines après la radiation des charges, Deyendranath Persand a été de nouveau arrêté.

Affaire Vimen Sabapati

Le 27 septembre dernier, la magistrate Mayer a ordonné la remise en liberté conditionnelle de Vimen Sabapati après cinq mois de détention. Mais vu la gravité du délit reproché et les appréhensions de la police, une série de conditions strictes ont été imposées par le tribunal. La magistrate a pris note que les preuves contre le prévenu, notamment la drogue retrouvée dans son véhicule, semblent a priori solides. Cependant, elle a aussi conclu que le prévenu a fait de graves allégations contre les éléments de la Special Striking Team.

Elle a estimé que le simple fait que la police pense que l’enquête révélerait l’existence d’autres témoins potentiels ne peut être un argument pour justifier le prolongement de la détention du prévenu. La magistrate n’a également pas été satisfaite de l’argument que l’accusé puisse commettre d’autres délits en liberté ou prendre la fuite. Cette décision de lui accorder la liberté conditionnelle fait d’ailleurs l’objet d’une contestation déposée par le commissaire de police devant la Cour suprême.


Symptôme d’un système judiciaire à bout de souffle

Au sein de la magistrature où les mutations et réaffectations sont monnaie courante, la démission d’un magistrat reste un événement rare et significatif. Historiquement, les rares cas de démissions parmi les magistrats ont principalement été motivés par une transition vers la politique. Des figures telles que sir Anerood Jugnauth, Maneesh Gobin, Soodesh Callichurn, Satish Faugoo et Raj Pentiah ont toutes franchi le pas de la salle d’audience au champ politique, souvent en quête d’un impact plus large sur la société à travers le spectre législatif.

Cependant, le départ de Valentine Mayer secoue la communauté judiciaire pour des raisons bien différentes. Un magistrat qui choisit de démissionner pour des motifs professionnels est un cas de figure qui, bien qu’exceptionnel, met en lumière les failles et les frustrations au sein du système judiciaire actuel. Cette démission inattendue soulève des questions profondes sur l’état de notre justice et les conditions de travail de ceux qui la rendent. Notre système judiciaire, conçu pour garantir équité et justice, se trouve aujourd’hui submergé par un nombre croissant de dossiers. Les tribunaux croulent sous les affaires à tel point que la gestion quotidienne devient une lutte constante pour les magistrats. La solution souvent adoptée face à cet engorgement est le report des audiences, une mesure palliative qui ne fait qu’ajouter à la frustration des justiciables et des professionnels du droit. Les magistrats sont souvent pris dans un étau entre leur désir de rendre la justice efficacement et les limitations structurelles qui entravent leur capacité à le faire.