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Bernard Perrier, plongeur professionnel: «Pour la plupart des pêcheurs, il faut (hélàs) tuer les requins»

1 mars 2023, 17:00

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Bernard Perrier, plongeur professionnel: «Pour la plupart des pêcheurs, il faut (hélàs) tuer les requins»

Il est un des rares plongeurs qui a la chance de pouvoir plonger tout autour de l’île Maurice. Cela fait 30 ans que Bernard Perrier explore les vies sous-marines. Il nous raconte son parcours et ses expériences avec les requins, moins nombreux.

Bernard Perrier a commencé la plongée à l’hôtel La Pirogue en 1993 sous la houlette de Thierry de Chazal, directeur du centre Sun Divers, et de son moniteur, Philippe Appadu, qui lui avait fait passer son niveau 1 CMAS (Confédération mondiale des activités subaquatiques) et avec qui, 30 ans après, il continue de plonger. Du niveau 2 au monitorat 2 étoiles BSAC/ CMAS, il le fait au Mauritius Underwater Group.

Il a eu énormément de chance durant son apprentissage de côtoyer les grands de la plongée, comme Thierry de Chazal, Pierre Szalay, président de la Mauritius Scuba Diving Association (MSDA), Hugues Vitry, feu Daniel Pelicier, l’un des pionniers de la plongée à Maurice, pour ainsi dire notre «Cousteau national». Et aussi Kevin Gallagher, moniteur 3 étoiles BSAC, et Philippe Gaschy, directeur de Sdi/ Tdi (Scuba Diving International/Technical Diving International) pour l’océan Indien. C’est en les côtoyant qu’il a appris comment diriger une plongée et tant d’autres choses.

Aujourd’hui, Bernard Perrier détient plus de 400 points GPS de tous les sites des centres de plongée, les passes et des sites de plongée où il mène des explorations assidues, dans des endroits entre Souillac, Pointe-d’Esny et Bain-Bœuf. Il a suivi plusieurs cours de plongée qui développent le savoir-faire, et il met tout ce qu’il a appris en pratique. «Il ne faut surtout pas plonger dans un seul coin de l’île, il faut faire le tour des centres et se lier d’amitié avec les moniteurs qui vous feront découvrir des choses que par vous-même vous ne pourriez imaginer qu’elles existent, les insolites, poisson crapaud, poisson fantôme, poisson feuille, Rhinopias, hippocampe. Quand on en voit on ne peut pas rester insensible», explique le plongeur.

En 1993, il y avait en permanence des requins bouledogue à la passe du puits de Belle-Mare, à la passe St-Jacques au Morne et à la première fosse aux requins, le «Pigeon House Rock», près de l’île Plate. À l’époque de Daniel Pelicier, il y avait des requins-tigres sur Rempart l’herbe, site de plongée au large de Flic-en-Flac. «Le comble dans tous ces sites mentionnés, cela fait des années qu’on n’y voit pas un seul requin», souligne Bernard Perrier.

Dans des pays tels que Tahiti, les Bahamas, le Mexique, les Galápagos, île Coco, des requins, il y en a par milliers et cela ne pose aucun problème au plongeur comme au pêcheur. Quand vous regardez les documentaires, à la passe Fakarava, à Tahiti, vous voyez du tigre, du bouledogue, du marteau et toute autre variété de requin, aucun pêcheur ou plongeur n’a jamais été attaqué. Pour Bernard Perrier, il semble que ce soit à La Réunion et à Maurice que la présence de requins soit source d’un scandale. Pour la plupart des pêcheurs, il faut tuer les requins. Il pense qu’à ce niveau, il y a toute une éducation à faire. Les spécialistes français des requins à La Réunion cherchent toujours à comprendre pourquoi il y a eu plus d’attaques à l’île sœur qu’à Maurice.

«On a quand même encore de la chance de voir des requins à la deuxième fosse à l’arrière de l’île aux Serpents, à la cathédrale de Nab Reef entre île aux Serpents et île Ronde et dans d’autres sites dont je tairai les noms car du jour au lendemain, il pourrait n’y avoir rien à contempler, comme la plongée au fusil est toujours d’actualité dans nos eaux jour et nuit. Au royaume des ‘aveugles’, certains s’en donnent à cœur joie en bénéficiant de hautes protections, une autre mafia. Dimans éna maryaz, bizin enn curry. Secret de polichinelle», précise Bernard Perrier.

En deux fois, il a senti qu’il y avait du danger et par la divine intervention du ciel, les requins ont fermé leurs gueules au moment où ils étaient en train d’attaquer. La première fois, c’était à Rivière-Noire. Le skipper s’était trompé et avait largué les plongeurs sur un fond de 40 mètres, tout en descendant les palmes en avant.

Un requin gris des récifs montait avec la gueule grande ouverte pour le happer et, à la dernière minute, il a bifurqué. L’autre fâcheuse expérience s’est déroulée à la fosse aux requins. Le plongeur avait l’avant-bras en sang car il s’était fait piéger par la houle qui l’avait plaqué contre les coraux. Un requin qui semblait attiré par le sang a bougé la tête dans les deux sens puis a rebroussé chemin. En principe, avant d’attaquer, les requins font une sorte de danse, ils se cabrent et font signe de leur nervosité, mais là, ce n’était pas le cas.

Dans le passé, un grand requin blanc a été filmé par un plongeur en vacance à l’île Maurice. «En plongée, on ne sait jamais ce qu’on va rencontrer, on peut croiser des requins sur n’importe quel site. C’est comme nous sur terre, on ne fait pas le même circuit tous les jours, cela varie de jour en jour. En toute modestie, sans être un docteur en science marine, je peux dire que les requins vont et viennent à leur gré, là où il y a de la nourriture, soit pour aller pondre dans les eaux moins profondes», explique-t-il.

Malgré son parcours, ses connaissances, son expérience, Bernard Perrier ne reste qu’un simple plongeur contraint par les mêmes lois de la physique que celui qui vient tout juste de commencer à plonger et a toujours suivi les mêmes mesures de sécurité. «Nul n’est infaillible, tout vient d’en haut, par les bénédictions et grâces du Très haut», conclut le professionnel.