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Festivals : la part (mitigée) de l’État

1 mai 2018, 02:15

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Festivals : la part (mitigée) de l’État

C’est la «pause» pour le festival Porlwi. L’une des raisons ayant motivé cette décision : en trois éditions, les financements de l’État qui ont diminué de moitié. Nous avons tâté le pouls d’autres organisateurs de festivals pour leur demander quelle est la participation des autorités à ces actions de promotion de la créativité. Bilan édifiant 

Bruno Raya, Live’n’Direk entertainment: «L’Etat exige que l’événement soit gratuit»  

Bruno Raya

Cette société d’événementiel organise plusieurs festivals : Reggae Donn sa, le festival 6/8 consacré au séga typik, et Seggae Zwe. Dans le cas de Reggae Donn Sa, Bruno Raya est catégorique, «en sept éditions, nous n’avons pas eu de coup de main de l’État». Le critère principal pour que l’État aide, affirme Bruno Raya, «c’est que le festival soit gratuit. Si j’ai un gros coup de main, je suis disposé à faire une manifestation gratuite». L’organisateur explique que le budget de Reggae Donn Sa tourne autour de Rs 3 millions.  

Par contre, dans le cas du festival 6/8, organisé durant le mandat du précédent ministre des Arts et de la Culture, Dan Baboo, «nous avons été aidés à hauteur de 70 %, parce que ce festival de valorisation du séga typik l’intéressait. Nous avons trouvé les 30 % restants, pour rester maîtres du projet». Une situation qui oblige l’organisateur à montrer toutes ses factures – podium, sonorisation, cachets – pour que l’État décide de ce qu’il va prendre à sa charge.  

Selon l’organisateur, la différence de traitement de ces deux festivals montre que «les moyens sont là, après c’est une question de volonté. C’est pour cela que parfois les artistes sont déçus. Si j’avais la garantie que cette aide serait renouvelée tous les ans si on faisait une première édition satisfaisante, on aurait pu continuer». Mais il n’y a pas d’acquis en matière d’aide de l’État. Surtout quand on a changé de ministre. Y aura-t-il un festival 6/8 en 2018 ? Laconique, Bruno Raya lâche : «mo pankor pans li». Il est occupé par Seggae Zwe, resté en sommeil quatre ans durant. La première édition avait eu lieu en 2014 à Roche-Bois. «À l’époque, le ticket était symboliquement à Rs 100. Mo pou refer sa pou promouvwar sa lamizik la», affirme l’organisateur. La seconde édition de ce festival est prévue le 7 juillet sur le terrain de foot du CEB à Terre- Rouge. Comme d’habitude il déposera une demande d’aide au ministère des Arts et de la Culture. Avant de préparer la huitième édition de Reggae Donn Sa, en octobre 2018. «Parey mo pou mont mo dosie».  

Avant d’insister que les festivals c’est aussi de la création d’emploi : «autour de 5 000 postes directs et indirects pour Reggae Donn Sa. Même l’État a du travail. Je paye la police, la Mauritius Revenue Authority, la location des stades et leur personnel, les pompiers». Il insiste : «l’industrie musicale peut devenir un pilier de l’économie».  

Jimmy Veerapin, One Live Muzik Festival : «Toujours les mêmes qui sont aidés par l’Etat»  

 

Jimmy Veerapin

One Live Muzik Festival était à sa troisième édition l’année dernière. «Nous n’avons jamais reçu d’aide de l’État. Ce n’est pas faute d’avoir approché le ministère des Arts et de la Culture. Mais à chaque fois nous avons eu la même réponse : il n’y a pas de budget parce que l’argent a déjà été attribué à d’autres organisateurs de festivals», affirme Jimmy Veerapin. Il va plus loin : «selon nos renseignements, ce sont les mêmes festivals qui reçoivent l’aide de l’Etat tous les ans». Les trois éditions de One Live ont eu lieu grâce «à nos efforts personnels, la vente des billets et quelques sponsors. Là encore les sponsors ne sont pas toujours fidèles. S’ils vous aident une fois, ce n’est pas sûr qu’ils reviendront, car ils sont en quête de visibilité. Mon festival n’est pas une grande manifestation. Malgré tout, nous continuons.» En août, l’organisateur prévoit un festival de rock. «Nous sommes toujours en négociation pour le financement.»  

Laura Hébert, Kaz’Out Festival : «Nous recevons de plus en plus d’aide de l’Etat»  

Laura Hébert

«Nous recevons de plus en plus d’aide de l’État». Propos de Laura Hébert, directrice de Kaz’Out Festival. En 2015, le ministère des Arts et de la Culture a soutenu la manifestation. «L’année dernière, il nous a offert trois billets d’avion pour des professionnels réunionnais. Leur présence était importante pour mettre en avant les artistes locaux». Ces trois billets équivalent à environ Rs 30 000. «Ce n’est pas une grande aide mais c’est un soutien quand même.»  

Par contre, ce qui serait d’une grande aide, c’est, «de pouvoir toucher l’argent des billets avant le festival». Dans le cas présent, l’organisateur doit défrayer de sa poche et demander un remboursement auprès du ministère. Un processus qui prend du temps, car il demande la présentation d’un dossier. «Il faudrait alléger les procédures». Pour l’édition de novembre 2017, le dossier a été déposé en janvier. C’est aussi l’année dernière que Kaz’Out a été soutenu pour la première fois, par la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA). «Ils ont fait la promotion du festival sur leur site web.» Les préparatifs pour la cinquième édition vont bon train. «Nous espérons avoir plus de soutien du gouvernement, surtout de la MTPA. Un représentant de l’institution basé à La Réunion ou en Afrique du Sud pourrait parler du festival. L’année dernière, Kaz’Out a attiré plus de 3 000 festivaliers».  

Gavin Poonoosamy, Mama Jaz : le festival est fini, les négociations se poursuivent  

Gavin Poonoosamy

Mama Jaz s’est achevé le dimanche 29 avril. À vendredi, Gavin Poonoosamy affirmait : «Nous sommes toujours en négociation pour avoir de l’aide. L’État a soutenu les deux précédentes éditions». Notamment sous forme de billets d’avion pour des musiciens mauriciens qui vivent à l’étranger. Citant des chiffres, Gavin Poonoosamy explique que Mama Jaz a eu «Rs 30 000 la première année, Rs 75 000 la deuxième. J’attends avec impatience ce que l’on me réserve cette année». Mais ce qui changerait vraiment la donne, serait «une salle pouvant accommoder 1 000 personnes en configuration debout, avec une belle profondeur de scène et une acoustique propice». L’organisateur souhaite que l’État définisse une politique culturelle claire. 

Paul Olsen, Opera Mauritius : «Il faut tout débourser d’abord pour être payé ensuite»  

Paul Olsen

«En dehors de La Traviata, nous n’avons pas sollicité l’État comme sponsor. Notamment à cause de certaines conditions qu’il souhaite imposer», soutient Paul Olsen d’Opera Mauritius. Il indique que parfois l’État demande qu’il n’y ait pas de billetterie et que la manifestation soit gratuite. Ensuite, dit-il, il faut prendre à sa charge toutes les dépenses et ce n’est qu’après la manifestation qu’il faut envoyer des réclamations pour être payé.  

«Nous avons déjà eu droit à une contribution de la Mauritius Tourism Promotion Authority.» L’organisme a pris à sa charge le déplacement de deux journalistes de France et d’Allemagne. «C’est très apprécié parce que cela nous donne une visibilité internationale. Cela nous permet de figurer dans de grands magazines. Une fois, nous avons eu un contingent de 50 journalistes mais ils n’étaient pas venus que pour nous.»  

Du ministère des Arts et de la Culture, Opera Mauritius a bénéficié de cinq billets d’avion, sous l’International Development Grant Scheme for Performing Artists, poursuit Paul Olsen. C’était pour le déplacement des chanteurs Véronique Zuël, Jean Michel Ringadoo et des musiciens de l’Ensemble 415. «Le plafond de la subvention est de Rs 200 000. Nous avons tout payé et au retour, nous avons demandé des remboursements, ce qui a été fait.»  

La dernière collaboration en date d’Opera Mauritius, avec les autorités, c’est le récital de Barbara Hendriks, dans le cadre des 50 ans de l’Indépendance. «Opera Mauritius est une ONG qui a agi comme prestataire de service, pour monter l’opération pour l’État. Ce concert était à la fois subventionné par l’État et il était payant pour le public. Dans ce cas précis, l’État a payé à l’avance.»