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Le métro du naïf

5 août 2017, 10:52

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Le commun des mortels du pays, ou plutôt le naïf mauricien, se perd un peu plus chaque jour, quand il entend parler de Metro Express.

Métro, expliqué dans un langage bien simple, est un train qui roule sous terre dans les grandes métropoles, d’où l’origine du mot. C’est pour assurer la fluidité du passage des rames, en évitant les obstacles de surface. Or, à Maurice, nous appelons métro ce qui semble être un tramway. C’est comme appeler une Yaris une Rolls Royce. L’ancien gouvernement était plus modeste, se contentant d’alléger son métro. Le présent gouvernement se fait carrément vantard en appelant le système du nom grandiloquent de Metro Express.

Pour le naïf mauricien, «express» a deux significations. Soit c’est le journal l’express. Soit, c’est le bus qui part d’une destination à une autre, avec à peine quelques arrêts. Or, notre Metro Express ne desservira pas moins de 19 stations. Il est vrai que le tram ne s’arrêtera que 20 secondes pour déposer et ramasser des passagers. Avec le ratio croissant des seniors - appelés à voyager gratuitement? - par rapport au reste de la population et le comportement généralement rebelle du citoyen moyen, on voit difficilement le train démarrer brusquement une fois l’échéance de 20 secondes atteinte. Gare à une situation où un mam d’un groupe d’excités revenant d’une partie de beuverie, ou sous l’effet d’intoxicants, reste à quai alors que les autres sont déjà à l’intérieur du train. On pourrait bien assister à une séance de damaging property by band.

Toujours «express» ce métro ? D’après les normes acceptées, un train à grande vitesse au Japon et en Europe fait plus de 200 km/heure. Notre train prendra idéalement 41 minutes pour compléter le trajet Curepipe–PortLouis, en roulant à 25 km/h dans les villes et à 80 km/h ailleurs.

Mais le naïf se pose toujours la question, ce train de surface, qui ne sera ni métro ni express, disposera-t-il d’une voie libre? D’après le plan de l’ancien gouvernement, le train aurait roulé sur des pilotis, de Curepipe à Port-Louis. Or, pour réduire le coût de Rs 24 milliards à Rs 18 milliards, le présent gouvernement a choisi de placer son métro sur le coaltar, avec une voie sur pilotis à quelques endroits seulement. Mais ne sait-on pas que la voie publique mauricienne représente un phénomène unique au monde, pas aussi chaotique que celle de nos «frères» indiens, mais avec ses propres vices qui ne sont pas moins dévastateurs ? À moins que la voie dédiée à notre métro ne soit barricadée et sécurisée au point de la rendre inaccessible non seulement aux motos envahissantes mais même aux chiens errants les plus entreprenants au temps de leurs noces publiques, notre tram va bien vite entrer en compétition avec des véhicules de tout genre, avec des conducteurs de tout genre.

Que ne voit-on pas ? L’ado de 15 ans qui a subtilisé les clés de la moto pendant que son père savoure sa sieste post-Phoenix ou post-map Maurice, le jeune qui veut dompter la machine et s’extasier en écoutant son échappement trafiqué, l’ouvrier qui veut rentrer chez lui le plus vite possible. Sans compter l’anarchie de tous les jours, le dernier bolide allemand voulant dépasser tout le monde, le recon du petit fonctionnaire qui bloque la voie rapide faute de puissance pour venir à bout d’un autobus express lancé, lui, à toute allure, le camion agonisant de 30 ans qui tire désespéré- ment un container de 40 pieds. Et un carambolage impliquant cinq véhicules ?

Quand le naïf contemple l’autre scénario où le Metro Express roule comme au Japon, comment se pourrait-il alors que tous les employés du transport public conservent leur emploi mais que de nouveaux jobs soient aussi créés grâce au nouveau projet ? On modernise, on rend un système plus efficient tout en conservant les emplois et en créant même de nouvelles opportunités d’embauche ? Avec une telle formule, British Leyland serait toujours alive and kicking. N’y a-t-il pas quelque chose de trop angélique dans ce modèle ?

Tout est aussi béat le postulat que les autobus resteront mais leur nouveau rôle consisterait à feed le métro. Si on prend l’exemple de Quatre-Bornes, des autobus sillonneront Berthaud, La Source, Palma, Bassin, cité Kennedy pour alimenter le métro. Les usagers paieront-ils un extra pour ce trajet sur leur carte Oyster pour rallier la station de Quatre-Bornes, ou le service sera-t-il gratuit ? Si c’est gratuit, qui en assurera les frais ? La compagnie Metro Express ? Où le bourgeois de Sodnac va-t-il garer sa voiture, et à quel prix, pour prendre le train ?

Cet avenir paradisiaque qu’on nous propose, c’est trop beau pour être vrai. Même si on passe une loi à la Kim Il Sung pour interdire l’accès à Port-Louis aux voitures et motos et que tout le monde soit contraint de voyager par le tram, comment générer assez de revenu pour rentabiliser le système, payer les intérêts et rembourser le capital, créer de nouveaux emplois tout en garantissant ceux des compagnies d’autobus, rendre le trafic plus fluide en introduisant les rames du tram sur une voie déjà très congestionnée et réduire les accidents ? Un Prix Nobel attend sûrement en 2019, avant les élections générales, ce chef qui aura réalisé un tour de force exceptionnel et remarquable, à l’échelle planétaire, en matière de gestion économique et d’innovation technologique.