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Crédibilité

11 juillet 2021, 08:41

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Crédibilité

Que retenir d’un pays qui, déjà en position de vulnérabilité sur sa crédibilité, se permet, à travers son ministère des Finances, de jouer avec la crédibilité de son office national des statistiques (Statistics Mauritius) ? 

Si vous n’avez pas pris connaissance de l’incident ; un taux de croissance de 4,4 % présenté par Statistics Mauritius pour 2021 n’aurait apparemment pas plu au ministère des Finances, duquel dépend nominalement l’office national des statistiques. Il faut insister sur le mot «nominal», car l’ingrédient principal de la crédibilité de Statistics Mauritius est très certainement l’indépendance professionnelle de ses officiers !

Ce taux estimé de 4,4 % est en l’espace de quelques jours escamoté, à la sauvette, pour être remplacé par 5,4 %, un chiffre qui colle mieux à l’optimisme du dernier Budget. Le nombre de touristes que Statistics Mauritius estimait à 160 000 jusqu’à décembre 2021 doublait en conséquence à 325 000… 

Résultat ? Le président du Statistics Board, garant de la crédibilité des statistiques nationales, démissionne, soulignant par la même son désaccord fondamental sur cette intervention inopinée. Le ministère tente de se défendre en suggérant que 4,4 % c’était le «worst case scenario», plutôt que le «taux réel de croissance que le pays est en mesure de réaliser en 2021» ! «… est en mesure…» ? Oui, on parle de prévisionnel, de 1 % de différence et pourtant on prend le risque d’intervenir… De montrer que l’on CONTRÔLE ! 

C’est dire la prédisposition de l’esprit derrière cette intervention : «Ce chiffre ne me convient pas, DONC je vais intervenir, PEU IMPORTE les conséquences !» Le ministère intervient d’ailleurs plutôt stupidement, puisque je ne vois vraiment pas l’investissement privé, par exemple, s’exciter et se défoncer pour un pour cent de prévisionnel de plus. Car c’est l’IRR qui compte et la CONFIANCE qui décidera…

De toute façon, si «le taux réel de croissance» se révèle être au-delà de 4,4 %, le gouvernement aurait alors été en position de pavoiser de manière concrète qu’il a fait mieux que les prévisions officielles ! Occasion ratée… 

A contrario, le ministère (QUI ?) a entraîné le gouvernement dans la gadoue d’encore plus de doute et risqué la crédibilité des statistiques nationales, en étalant son appétit d’intervention et de contrôle partout, sans respect pour l’indépendance et l’intégrité des institutions ! 

La crédibilité d’un pays est la somme totale de la crédibilité de tous ses intervenants et de toutes les décisions qu’ils prennent en son (et notre) nom.

Quand un pays licencie le conseil d’administration de l’office des «STANDARDS» nationaux pour y installer la protégée politique du gouvernement, en l’occurrence Sandhya Boygah, on est en droit d’être interpellé par le message qui est ainsi transmis, n’est-ce pas ? En fait, ce conseil d’administration, se croyant en position de prendre des décisions indépendantes, avait refusé la candidature de Mme Boygah, parce qu’elle ne se qualifiait pas. Un nouveau conseil d’administration, présidé par Sanjiv Mulloo, de Quad Printing, règle l’affaire et on nomme Mme Boygah, comme CEO, après tout. Conséquence ? Celle qui avait l’expérience pratique et qui avait fait l’intérim depuis… huit ans, Mme Nanhuck, démissionne dans la foulée ! Pourquoi, en effet, ayant été désavouée dans ses compétences, demeurer à son poste pour soutenir celle qui vient la coiffer à «son» poste ; la coiffure étant d’ailleurs une des seules prétentions tangibles et connues de Mme Boygah ?

La crédibilité d’un pays se tisse autour des raisons menant à la démission de Gilbert Gnany, à la nomination de Mme Boygah, au renouvellement du contrat de M. Beekharry, à la nomination de M. Nilamber à la State Bank, à l’épisode Pack & Blister, aux nominations faites sur l’Electoral Supervisory Board, à l’affirmation que «moralité pa ranpli vant», à la prétention que «as far as I know, I do not know…», à…

Quand on ne voit plus cela, on ne parle plus de déviance, mais de culture… 

***** 

Du côté de la République démocratique du Congo, «The Economist» rapportait dans son numéro du 5 juin dernier, qu’un communiqué du gouvernement affichait un bilan de 32 parlementaires morts de Covid-19 jusque-là. Au sein de cette population de plus de 80 millions d’habitants, le nombre total de morts n’était apparemment que de 786. Ce chiffre est encore plus incroyable dans le classement de «Worldometers» qui indique 167 morts au total. Que dire de la crédibilité de tels chiffres ? Devons-nous comprendre que l’on sait bien mieux compter au Parlement ? Sans insinuations malveillantes, bien entendu ! 

****** 

La crédibilité s’établit autour de FAITS, ce qui, malheureusement, et de plus en plus souvent, s’éloigne de la PERCEPTION. En voici un exemple récent, déclenché par le bloggeur anonyme «Anil S.» qui m’interpelle personnellement (Excusez des «thumbos» dans ma réponse, résultant de l’adrénaline de circonstance) :

«Anil S • il y a 3 jours
I fail to understand why and how l’express has become so anti MSM and anti government.
When have you lost your hard fought reputation as an independent press?
I have noted not a single editorial pro government since MSM is in power as far as 2014.
How come, Mr Forget ?
Hate breeds hate, Sir.

Philippe Forget • il y a 3 jours 
Not a single one ? You are wrong ! I personally supported the minimum wage initiative. L’express supported Clean Mauritius campaign (even though we had already got boycotted for the corresponding ad campaign). L’express supported the initiatives on Diego Garcia. L’express supported the first Lutchmeenaraidoo budget – including the pivotal idea of a privatised port development ‘from pte aux sables to Baie-du-Tombeau’ – at least until it turned out the ‘miracle’ was not there and that most of it was ‘effet d’annonce’. I thought government was right to close BAI before things got worse (however asset realisation was truly botched up !) L’express supports government’s vaccination campaign. L’express promoted n is still promoting ‘gestes barrières’. I called its Covid-19 management a ‘triumph’ resultswise, even though there were major failures on sourcing and supplies and a few more planning wise. L’express is NEVER anti any government as long as they do right for the country ! L’express has a duty, however, to highlight n criticise what is wrong, dishonest, unfair, stupid ! If we look anti-government, it is because we act as government’s mirror of itself. We reflect who they ARE and what they DO. It is really difficult to be pro government when it fiddles figures, attacks liberties, wants to control all supposedly independent institutions, becomes nepotic, takes decisions that are useless, wasteful or that we cannot afford (Côte- D’Or, unfunded pensions at Rs 13 500, loss-making metro, Safe City, Pack & Blister etc…) . I hate nobody. I am just so angry with sub standard leadership which wastes away the chances we have as a country ! This anger is party blind. Labour, MSM or MMM will get pats on the back when they do right and slaps on the wrist when do they do wrong . THAT is l’express’s mission. And how I do wish congratulations outnumber criticisms… fast!»

Le problème ne s’arrête pas là, car en politique, la montée en puissance du «spin» (vous vous souvenez de la prétention du camp Johnson que le Brexit allait apporter 350 millions de livres sterling de plus au NHS ? De l’affirmation de Trump que les Mexicains allaient payer pour «le mur» ?) vient aggraver le problème du ‘trou’ délibérément créé entre les faits et la perception. 

Mais tout n’est pas la seule affaire des partis. Les individus aussi peuvent s’y mettre maintenant grâce aux réseaux sociaux et promouvoir des rumeurs et de la «fake news», de QAnon aux États-Unis à La Kwizin News à Maurice. Vendredi, cette dernière annonçait, faussement, que deux employés de Caractère Ltée avaient été testés positifs au Covid. Viral ? Évidemment ! Mais QUI déclenche une telle irresponsabilité, menaçant des gagne-pain ? Un individu voulant se faire valoir ? Un groupe souhaitant mal à La Sentinelle qu’il croit être anti-MSM, comme Anil S. ? Un groupe lui-même «fake» voulant faire mal au MSM en faisant passer des «fake news» sous leur nom ? Des esprits tordus voulant démontrer à l’express la sagesse des propositions récentes de l’ICTA de contrôler tout ce qui se concocte de pourri sur le Net ?

Allez savoir ! Mais la crédibilité restera toujours collée aux seuls faits et notre devoir citoyen est donc d’exiger la transparence et de rechercher les faits, là où ils pourraient se trouver. La «new normal» c’est aussi de faire l’effort de s’accrocher au crédible, de ne pas se laisser prendre stupidement par le «fake». Encore moins de le relayer !