Publicité

Dinosaure ou renouveau ?

16 décembre 2017, 08:29

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Dinosaure ou renouveau ?

Lundi prochain, après le décompte des voix, le pays saura si les habitants de Belle-Rose-Quatre-Bornes ont voté pour un «dinosaure», terme qui désigne un parti politique traditionnel ou pour le renouveau incarné par Jack Bizlall, Tania Diolle ou Kugan Parapen.

Roshi Bhadain, un pur produit du MSM et principal meneur dans la cuisine, jusqu’au moment où il apprit à sa plus grande déception qu’il ne serait pas ministre des Finances sous le nouveau Premier ministre Pravind Kumar Jugnauth, relève d’une catégorie hybride, combinant un héritage de parti traditionnel, dont certaines de ses méthodes outrageantes, tout en s’affichant comme dirigeant un parti proposant le renouveau.

Roshi Bhadain a provoqué l’élection partielle et si, à l’issue du scrutin du 17 décembre, le pays connaît de profonds bouleversements politiques, l’histoire du pays reconnaîtra son rôle de détonateur. Prétendant avoir embrigadé 100 000 jeunes à Maurice comme à l’étranger, le mouvement de Bhadain pourrait de ce fait revendiquer un following à rendre jaloux l’État islamique avant sa débandade aux mains des Russes. Si Bhadain pouvait compter sur le soutien massif des jeunes et convaincre les autres votants d’épargner à Quatre-Bornes et Belle-Rose les effets néfastes du métro léger sur leur vie quotidienne, il pourrait bien se faire élire. Son agressivité fortement dopée par une élection spectaculaire ferait de lui le véritable leader de l’opposition au Parlement, du moins sur le plan de la bellicosité verbale. Son parti prétendrait alors pouvoir challenge tous les partis traditionnels.

Chez les candidats des dinosaures, l’élection d’Arvin Boolell, de Nita Juddoo ou de Dhanesh Maraye aurait un impact direct sur trois prétendants au poste de Premier ministre, à savoir Navin Ramgoolam, Paul Bérenger et Xavier-Luc Duval. Ce qui compte dans un scrutin dans notre système électoral, c’est la victoire, pas le pourcentage de votants. Donc, vue comme une victoire absolue, l’élection de l’un ou de l’autre équivaudrait à un soutien à la candidature du leader du parti aux fonctions de Premier ministre.

Une victoire de Maraye serait encore plus significative car Xavier Duval est le dernier venu dans la course premier-ministérielle. Le PMSD aura alors prouvé qu’il a pu se construire un électorat gagnant. Des fonctionnaires qui ont eu des échanges avec le leader du PMSD quand il sévissait à l’hôtel du gouvernement ont été exposés à certaines confidences – et statistiques ! – sur la stratégie personnelle future de l’homme politique allié de Navin Ramgoolam puis des Jugnauth.                                                                                          

L’élection de Nita Juddoo contribuerait grandement à requinquer Paul Bérenger, qui a essuyé des critiques par rapport à son âge, ses défaites électorales et son long passage dans l’opposition. C’est d’une position de force que Paul Bérenger pourrait alors négocier une alliance avec le MSM. Ou, dans l’éventualité d’une performance en solo du MMM aux prochaines élections, trouver une formule de partage du mandat premier-ministériel entre lui et Pradeep Jeeha qui, incontestablement, serait l’élément le plus crédible pour cet exercice.

Une victoire travailliste prouverait que les électeurs mauriciens mettraient sur le compte de persécution politique débile tous les déboires qu’aura vécus Navin Ramgoolam depuis sa défaire en 2014. Il se présenterait alors comme le démolisseur programmé des Jugnauth et de leur cuisine.

Quant à l’élément renouveau dans cette élection partielle, une victoire de Kugan Parapen ébranlerait l’establishment dinosaure. Ce serait comme l’élection de Dev Virahsawmy, en septembre 1970, lors de l’élection partielle de Triolet - Pamplemousses. Toutefois, la joute du n°5 s’était déroulée dans un environnement totalement différent de ce qui se passe dans le n°18. Lors de la partielle du n°5, les électeurs exprimaient ouvertement et violemment leur opposition au gouvernement PTr-PMSD, pourchassant littéralement les ministres. Le ras-le-bol était palpable.

Tania Diolle incarne une combinaison de l’ancien et du nouveau. Son élection ne représenterait pas un upset aussi conséquent que celle de Kugan Parapen. Dans le cas Diolle, sa contribution personnelle serait un facteur déterminant, pas le soutien de son leader Alan Ganoo. Navin Ramgoolam a d’ailleurs déjà lancé une offre publique d’achat (OPA) sur Tania Diolle. L’encadrement d’un grand parti ferait d’elle une femme politique d’avant-plan.

Si la grande majorité des workers soutenaient – avec raison d’ailleurs – la candidature de Jack Bizlall et s’ils constituaient la composante déterminante au n°18, le leader syndical inoxydable l’emporterait. On assisterait alors à l’émergence d’une force foudroyante mobilisant workers et Mauriciens de gauche. Malgré son âge, comme Bernie Sanders aux États- Unis et Jeremy Corbyn en Grande-Bretagne, Jack Bizlall pourrait aussi créer le buzz chez des jeunes, mais à condition qu’il maîtrise personnellement les médias sociaux.

Quels que soient les qualités et les défauts des uns et des autres, une bonne partie de la bataille, le jour même du scrutin, est remportée par la capacité d’un parti à organiser le mouvement de ses partisans vers les bureaux de vote et, cela, d’après les manoeuvres de mobilisation que les Américains appellent GOTV – get out the vote.