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Réguler jusqu’où ?

15 septembre 2021, 14:00

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Dans son dernier «Financial Stability Report», la Banque de Maurice écrit que «the Global Business sector is estimated to have contracted, in Gross Value Added terms, by 10.7 percent in 2020, reflecting the global impact of the COVID-19 pandemic coupled with the listings of Mauritius by FATF and EU». De plus, «over the year ended March 2021, the number of new applications and new licences issued has recorded a decline», de 26 % et 30 % respectivement.

Le coronavirus a bon dos. En fait, les services offshore, financiers et professionnels, sont les moins perturbés par cette pandémie, n’étant pas des marchandises à transporter. Leur croissance future dépend plutôt de la sortie du pays de ces deux listes. Pour cela, nos autorités doivent démontrer aux inspecteurs du FATF que nos lois contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme sont effectivement appliquées. Mais jusqu’où doit-on réguler sans mettre en péril l’activité offshore ?

Lutter contre les délits et les actes illégaux est essentiel au succès d’une juridiction offshore. Premièrement, les transactions illégales donnent lieu à la corruption qui abaisse le niveau de confiance nécessaire à une société civile pour fonctionner. Deuxièmement, elles diluent la tolérance des juridictions onshore envers les centres financiers offshore. Lesquels ont le choix entre adhérer à des normes réglementaires, américaines et européennes, qui amoindrissent leurs arguments de vente, ou les rejeter et se retrouver exclus des principaux marchés internationaux.

La petite île Maurice est trop vulnérable pour résister aux pressions extérieures. Son secteur offshore a une vie précaire, ne fût-ce que parce que ses réalisations peuvent être endommagées d’un trait de plume. Si les entreprises internationales s’engagent dans l’offshore en raison d’une loi fiscale ou d’une régulation locale particulière, celle-ci peut être révoquée.

Au demeurant, la tendance vers plus d’échange systématique d’informations sur les clients ne sera pas renversée. Les exigences croîtront pour plus de clarté sur le contrôle effectif des structures d’entreprises, et pour plus de régulation des prestataires des services offshore. Sur ce plan, pourtant, les juridictions à faible fiscalité, comme Maurice, ont un meilleur bilan que les pays à forte imposition.

Si l’île Maurice doit faire en sorte d’être perçue comme coopérant avec les juridictions onshore, elle gagnera à établir un équilibre entre une coopération suffisante et le maintien de son avantage compétitif, comme arrivent à le faire les îles Caïmans. Primo, dans tous ses efforts de coopération, le gouvernement caïmanais insiste sur le principe de double incrimination : il aidera les autres juridictions à obtenir des informations sur des fonds aux îles Caïmans seulement si les activités visées par une enquête sont illégales là-bas aussi. Deuxio, il n’assiste les gouvernements étrangers qu’en réponse à des demandes d’information spécifique : il ne va pas à la pêche aux renseignements sur les fonds ou les activités d’un suspect. Et tertio, il a élargi les domaines qui offrent un avantage compétitif au-delà de la fiscalité, par exemple en rendant les règles comptables favorables aux opérations des sociétés d’assurance captives.

Le centre offshore mauricien doit lui aussi savoir s’adapter, trouver de nouveaux clients dans les marchés émergents et se tailler de nouveaux créneaux de vente, dont quelques-uns hors de la finance. Maurice peut développer le tourisme médical et aspirer à devenir un centre d’arbitrage international. Afin de réduire sa dépendance du marché et de la clientèle indiens, l’île doit se positionner comme le siège régional des affaires en Afrique. Le pays doit tisser des relations fortes avec le continent et bâtir une expertise suffisante sur l’Afrique pour devenir sa porte d’entrée préférée.

Il faut, bien sûr, diversifier nos services financiers dont la grande faiblesse est le manque de profondeur, de substance et de capacité du marché des capitaux. Cela affecte la structure de l’offre de services et de l’écosystème de marché, les clients ne recevant pas toute la gamme de produits financiers dont ils ont besoin. Il convient d’introduire divers instruments de créance titrisés et de développer un véritable marché obligataire. Enfin, il faut attirer des individus très fortunés et des institutions financières globales : leur seule présence promeut la réputation de la juridiction, la banque d’investissement et la gestion de patrimoine.

Tant que les prestataires des services financiers travailleront en vase clos, il sera difficile d’intégrer les activités onshore et offshore. Il faut une plus grande fusion de ces services pour générer de la synergie entre eux. C’est alors que Maurice pourra devenir, comme Singapour et Hong Kong, une juridiction «midshore» qui combine des caractéristiques onshore (compétences spécialisées) et offshore (fiscalité légère et obligation du secret), dans les limites de la régulation.