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Couverture de la situation sanitaire: La stratégie de la MBC décriée

14 novembre 2021, 21:00

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Couverture de la situation sanitaire: La stratégie de la MBC décriée

Depuis lundi, une vidéo en live de l’activiste Raouf Khodabaccus devant l’hôpital Jeetoo interpelle. Ce tableau dramatique dépeignant la situation du Covid-19, a fait l’objet d’une plainte d’un médecin de l’hôpital et d’un reportage le lendemain de la MBC qui questionne la véracité de ses dires. Cet incident suscite des interrogations sur la stratégie de couverture médiatique de la situation sanitaire par la MBC. Quel est son fil conducteur? Est-ce délibéré ? Explications.

Arrêté sous une charge de knowingly transmitting false message, puis libéré sous caution le 11 novembre après sa comparution en cour de district de Port-Louis, l’activiste Raouf Khodabaccus, 60 ans et habitant Port-Louis, n’en démord pas. «Je ne me suis pas fait passer pour un infirmier. Je me suis rendu à l’hôpital Jeetoo pour aider ces patients que je voyais à l’entrée et qui avaient besoin d’aide», martèle-t-il. Lundi, il a diffusé une vidéo sur Facebook indiquant qu’une «centaine de patients» attendaient à l’hôpital et prévenant les parents de «ne pas envoyer leurs enfants à l’école le lendemain face à l’évolution sanitaire».

Responsable d’une petite société de menuiserie, il affirme que la police et des infirmiers l’ont autorisé à «donner un coup de main» sur place. Or, son initiative lui a valu un interrogatoire du Central Criminal Investigation Department (CCID), suivi d’une inculpation après qu’un médecin de cet hôpital a porté plainte contre lui le lendemain, stipulant que seuls 35 patients étaient devant l’établissement et non une centaine, comme précisé dans la vidéo de l’activiste. Dans la même soirée, la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC) a diffusé un reportage remettant en question l’authenticité de la vidéo de l’activiste. Dans ce sujet de 2 minutes 55, mention est faite que, selon le ministère de la Santé, le live «veut faire croire que la situation du Covid-19 est alarmante à l’hôpital Jeetoo» et que «deux hommes se faisant passer pour des employés de l’hôpital propagent de fausses nouvelles».

Il y est aussi dit que cette vidéo serait fabriquée pour décourager le dépistage. Après visionnage de la vidéo polémique, la MBC va étayer des «irrégularités», dont un 4x4 blanc stationné pendant 2 minutes et des phrases comme «Termin lor la, termin lor la», présumant selon elle, une possible «mise en scène». Mais Raouf Khodabaccus rétorque que le véhicule en question transportait une dame âgée malade qui avait du mal à bouger ainsi qu’un Français et une autre personne qui avaient du mal à l’en sortir. Il leur a porté assistance en leur apportant un brancard. Par conséquent, Raouf Khodabaccus, dont la prochaine comparution est fixée le 14 décembre, précise qu’il a aussi porté plainte contre la MBC et le médecin de l’hôpital. «Ces deux instances ont utilisé mon live sans ma permission et ont dénaturé les images, induisant la population en erreur. Ma vidéo montrait physiquement le nombre de personnes», insiste-t-il.

L’activiste n’est pas le seul à critiquer la couverture médiatique de la MBC sur le Covid-19. Lundi, Lalit a publié un article intitulé The responsibility of the press and radio-TV in a pandemic. Le parti politique déplore l’insuffisance de reportages et d’analyse sur la pandémie. «Par exemple, nous n’avons pas vu des sujets sur des personnes guéries du virus, les conditions de travail des infirmiers, attendants et médecins dans les Covid wards et l’enthousiasme des individus autour de la vaccination. Sa constante éloge de Pravind Jugnauth et du gouvernement MSM érode sa crédibilité», précise Lalit.

Le trop-plein d’optimisme dans la couverture télévisée est relevé par Roberta, une téléspectatrice de 52 ans. «On dirait que tout va toujours bien. Même les témoignages sur le Covid-19 et d’autres sujets illustrent des gens toujours contents. Cela me laisse sceptique», confie-t-elle. Sunil, 42 ans, ne reste pas non plus de marbre. «Nous sommes tous inquiets de la progression du Covid-19, surtout ces derniers jours à Maurice. Mais le discours est souvent tout autre à la télévision. Which is which? On est perdu», avance-t-il.

Crédibilité amochée

Décrivant la station nationale comme un «instrument entre les mains du pouvoir», Dev Sunnassy, leader de 100% citoyens, dit comprendre qu’un État doit ventiler des choses positives pour ne pas paniquer les compatriotes. «Cela dit, la crédibilité en pâtit. Une couverture médiatique qui ne restitue pas tous les faits n’inspirera pas confiance aux habitants», déclare-t-il. Lorsque la couverture médiatique des uns est comparée à celle des autres, médias traditionnels et sociaux y compris, la perception change. «Il faut en finir avec ce système d’usage de la MBC par le gouvernement. Peut-être que cela prévalait dans les temps anciens mais désormais, ce n’est plus possible. La transparence n’apporte-t-elle pas plus de confiance finalement ? Ce sera d’ailleurs à l’avantage de l’État de la prôner comme cela se fait en France et ailleurs avec leurs chaînes télévisées», poursuit-il.

Quelle est donc la stratégie de la MBC pour la couverture de la pandémie ? Les discours trop optimistes véhiculés par certains reportages ou démentant d’autres sujets polémiques sont-ils justifiés ? Pour Anooj Ramsurrun, directeur général par intérim, et Rama Armoogum, responsable Administration & Corporate de la MBC, la rédaction s’attelle à «rapporter les faits comme ils sont et à faire remonter la vérité».

Concernant la publication de Raouf Khodabaccus, la MBC s’est attardée sur la véracité de sa vidéo et s’est basée sur la position du ministère de la Santé par rapport à sa plainte. «Depuis le début de la pandémie en mars 2020, la MBC a diffusé tous les jours le press brief du comité national de communication sur le Covid-19 pour sensibiliser et informer la population des précautions. Plusieurs émissions étendues ont été diffusées depuis 2020 et 2021. D’ailleurs, divers médias ont repris nos images pour les publier», déclare Rama Armoogum. Chiffres à l’appui, la station de radio et de télévision soutient avoir pleinement assuré la couverture médiatique (voir hors-texte), prenant ainsi à contre-pied la missive de Lalit lors du journal télévisé du 10 novembre 2021.

Anooj Ramsurrun, directeur général par intérim de la MBC.

Les démentis, comme dans le cas de la vidéo de l’activiste, sont-ils délibérés ? «Après la diffusion de cette vidéo qui a fait un buzz sur l’Internet, le ministère a déclaré qu’il s’agissait de fausses nouvelles. La MBC n’est pas là pour démentir et encore moins pour noircir les choses pour la population. Sommes-nous mandatés pour semer la confusion ? Ce faisant, n’allons-nous pas payer les conséquences de ces fake news ? Nous ne faisons que rapporter les faits», répond Anooj Ramsurrun. Pour lui, il incombe de «set things right» et de ne pas accentuer cette négativité à profusion. Notre interlocuteur stipule qu’on ne peut pas prendre pour argent comptant toute information véhiculée en ligne. «Il est de notre devoir d’informer le public à travers le ministère de la Santé de ce qui s’est passé. On n’est pas le substitut de la cour ni de la police. Quel péché du monde avons-nous donc commis?», conclut-il.

4 297 reportages réalisés de 2020 à 2021

Lors de son journal télévisé du 10 novembre, la MBC affirme que 4 297 reportages ont été diffusés sur le Covid-19 de mars 2020 au 10 novembre 2021 au JT de 19 h 30. En mars 2020, 2 270 reportages ont été consacrés au nouveau coronavirus. D’avril à mai 2020, 900 sujets ont été réalisés. Une trentaine d’émissions – Focus – en direct ont été dédiées à la pandémie, indique la MBC. Les sujets étaient focalisés sur la sensibilisation, les gestes barrières, les conférences de presse journalières du comité national de communication sur le Covid-19, les zones rouges et les variants, entre autres. Selon l’organisation, des entrevues ont aussi été réalisées avec des spécialistes et d’autres sujets consacrés aux «frontliners». Et il ne faut pas oublier l’immanquable rendez-vous des enfants avec des photos, vidéos et dessins illustrant le virus. En mars 2021, avec la deuxième vague du Covid-19, 476 reportages télévisés ont été entrepris. «La MBC a fait beaucoup plus que les autres médias pour promouvoir la vaccination et les précautions avec des clips qui passaient à longueur de journée sur les chaînes publiques», affirme l’organisation.