Publicité

Expulsion de squatters: un moment très mal choisi

11 juin 2020, 18:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Expulsion de squatters: un moment très mal choisi

Les squatters des terres de l’État à Riambel sont expulsés par la police et leurs cases en tôle rasées avec l’aide des militaires de la Special Mobile Force. Certes, ces squatters ont occupé ces terres illégalement depuis plusieurs années et il faut les expulser. Mais pourquoi maintenant ? Le moment est très mal choisi...

Le gouvernement aurait pu, pour raison humanitaire, at- tendre l’été et ne pas raser ces fragiles bicoques dès que les deux mois et demi de confinement pénibles se terminent. Surtout que cette opération sauvage n’a pas résolu le problème vu que ces squatters sont toujours sur place. Alerté par l’ONG DRIP sur cette situation dramatique, je suis allé cet après-midi (NdlR, hier) leur rendre visite et apporter vêtements chauds, couvertures et nourriture. Ce que j’ai vu est choquant et débile. Ces pauvres démunis squattent toujours le même endroit mais dans des conditions encore plus misérables. Ils ont seulement fait un déménagement forcé de leurs cases délabrées à des petites tentes offertes par des bons samaritains. Sinon ils auraient dormi ces derniers jours à la belle étoile sous la pluie et le froid hivernal. Les familles nombreuses ne peuvent pas tous entrer dans une petite tente.

Les enfants ont pu heureuse- ment dormir le soir dans un container voisin appartenant à Caritas où ils sont un peu plus à l’abri du vent glacial qui souffle sur la côte sud. Nos dirigeants qui ont pris la décision d’expulser ces squatteurs démontrent qu’ils ont le pouvoir, mais pas l’intelligence ni le cœur de le faire au bon moment. Le pire c’est qu’à chaque élection législative, certains politiciens demandent aux squatters de voter pour eux en leur promettant de légaliser leur situation. Plus grave encore, comme la plupart des squatters de Lil Moris appartiennent à la communauté afro-mauricienne, cela provoque la frustration et la colère de cette communauté.

Ce n’est pas pour rien que ce bidonville des squatters de Riam- bel s’appelle AFRICAN TOWN. Et les commentaires racistes sur les réseaux sociaux, venant d’autres communautés, font peur et enveniment les choses. On peut lire que ces squatteurs méritent leur sort car ces «BLACKS» n’aiment pas travailler, font trop d’enfants, ne pense qu’à faire la fête, etc. Il y a deux ans de cela, le ministre du Logement et des terres aurait même laissé entendre que cette communauté ne va pas avoir droit à des logements sociaux car c’est connu que souvent ses hommes sont des drogués et ses femmes des prostituées !

N’oublions pas non plus que la plupart de ceux qui subissent la brutalité policière sont aussi issus de cette communauté. Souvenez-vous qu’au début du confinement, pour être resté dans la rue devant chez eux, deux afro-mauriciens ont été tabassé sauvagement et illégale- ment pour non-respect du couvre-feu sanitaire devant leurs parents et enfants dans leur maison à Cité Vallijee puis, en toute discrétion, à la station de police. Pendant le confinement, cinq hommes sont retrouvés morts en prison, soit la moitié des dix morts du coronavirus !

African Town était le nom donné à ce bidonvillle de Riambel, village côtier du Sud. On devrait l’appeler maintenant African Camp.

Pour rappel, nous ne sommes pas aux USA mais bien à Lil Moris. Et n’oublions pas qu’en 1999, le rasta Kaya, star du seggae et idole du peuple, avait été incarcéré à Alcatraz, la prison pour criminels dangereux. Son crime... avoir fumé un pétard lors de son concert pour la dépénalisation du cannabis. Sa mort suspecte en prison a déclenché les émeutes les plus violentes et meurtrières de l’histoire de Lil Moris. Ces émeutes avaient surpris et choqué tous les Mauriciens et ont failli dé- générer en bagarres raciales.

Monsieur le Premier ministre et membres du gouvernement, aujourd’hui, la situation politique, économique et sociale du pays est beaucoup plus grave et catastrophique qu’à la mort de Kaya. Des émeutes ne seront pas surprenantes si vous provoquez des étincelles. Ne jouez pas avec le feu. Vous risquez de flamber toute LIL MORIS. BLACK LIVES MATTERS ! PA DIR PANN DIR !