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Elections en RDC: affluence et couacs pour un vote historique

30 décembre 2018, 20:12

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Elections en RDC: affluence et couacs pour un vote historique

Des files d’attente grossissaient au fil de la journée dans les bureaux de vote dimanche en République démocratique du Congo, où se tiennent des élections générales historiques, entre espoirs de changement, peur de nouvelles violences, nombreux retards et problèmes techniques.

«Je me sens libéré», a déclaré à l’AFP Victor Balibwa, fonctionnaire de 53 ans, un des premiers électeurs à avoir voté à Lubumbashi (sud) à l’ouverture des bureaux.

Trois fois reportées, ces élections à un tour doivent désigner le successeur du président Joseph Kabila, au pouvoir depuis l’assassinat de son père en janvier 2001.

C’est la première fois que le Congo peut rêver d’une transmission pacifique du pouvoir d’un président à l’autre depuis l’indépendance en 1960.

Le pape François a prié dimanche pour la RDCongo, appelant tous les acteurs à assurer un déroulement «régulier et pacifique» des élections.

A Kinshasa, le président sortant Joseph Kabila a voté avec son «dauphin» désigné, son ex-ministre de l’Intérieur Emmanuel Ramazani Shadary.

Ils ont été suivis une heure plus tard par l’un des deux principaux candidats de l’opposition, Martin Fayulu.

- «Colère» -

«C’est grand jour pour le Congo parce que c’est la fin de la dictature, c’est la fin de l’arbitraire, c’est la fin (...) de 18 ans du système Joseph Kabila», a déclaré M. Fayulu.

L’autre principal candidat de l’opposition, Félix Tshisekedi, a voté en milieu d’après-midi dans un quartier de Kinshasa. «A nous la victoire», a-t-il lancé en faisant le signe V avec ses doigts.

Aucun incident majeur n’a été relevé jusqu’à présent dans cet immense pays à l’histoire agitée, où le vote a été reporté en mars dans deux régions, officiellement pour cause de violences (Beni-Butembo dans l’Est et Yumbi dans l’Ouest).

Objet de toutes les polémiques depuis plus d’un an, la «machine à voter» a connu de nombreux couacs dimanche.

Ainsi, le chef de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) a éprouvé en personne la colère des électeurs face aux retards dans les bureaux de vote et aux dysfonctionnements multiples de cette machine.

Plusieurs heures après le début du vote, Corneille Nangaa a fait le déplacement dans un bastion de l’opposition à Kinshasa où les opérations de vote étaient toujours impossibles faute de matériel électoral.

Dans cette scène symbolisant toutes les tensions post-électorales en germe, M. Nangaa a apporté les listes électorales qui manquaient, hué par des centaines d’électeurs qui demandaient sa démission et le départ du président Kabila.

- «Il faut attendre le technicien» -

«Il n’y a pas de machines et les quelques machines qui sont là, elles ont des problèmes, elles ne marchent pas, et nous n’avons pas de matériel électoral», a déclaré Pesible, un électeur.

«Il y a cinq à six bureaux où les machines ne fonctionnent pas» a témoigné à Lubumbashi un «témoin» (observateur d’un candidat). «Il faut attendre le technicien».

Dans un bureau à Kinshasa, l’écran tactile s’est enrayé au deuxième bulletin de vote, a constaté une journaliste de l’AFP.

Le vote «avec la machine est très compliqué. J’ai appuyé sans trop savoir pour qui. Je n’ai pas vu le numéro ni le visage de mon candidat», regrette une dame d’un âge avancé en sortant de l’isoloir.

Dans un premier rapport partiel, des observateurs de la puissante Eglise catholique font état de retards, incidents et même d’installations de bureaux de vote dans des «lieux prohibés».

Les électeurs qui ont pu voter ne cachaient par leur enthousiasme et leur soif d’autres horizons.

«Ça m’excite de voter, de pouvoir enfin choisir. C’est mon premier vote!» s’exclame Rachel, 18 ans, étudiante à Goma, dans ce pays où la majorité des 80 millions d’habitants ont moins de 25 ans.

Au total, les 40 millions d’électeurs inscrits ont le choix entre 21 candidats - dont la plupart n’ont même pas fait campagne.

- Fermeture des frontières -

Le président Kabila a renoncé à briguer par la force un troisième mandat interdit par la Constitution.

Sa décision est intervenue avec du retard, puisque les élections ont été reportées trois fois depuis la fin de son second mandat il y a deux ans, en décembre 2016.

Les résultats provisoires seront annoncés le 6 janvier, avant d’inévitables contentieux devant la Cour constitutionnelle.

Des sondages donnent le «dauphin» perdant et prédisent la victoire de M. Fayulu.

Kinshasa a refusé toute aide logistique des Nations unies, présentes depuis 20 ans au Congo, de même que toute mission d’observation occidentale.

Le pouvoir a annoncé la fermeture de ses frontières terrestres, lacustres et fluviales le jour du vote avec ses neuf voisins, de Brazzaville à l’Angola en passant par le Rwanda.

En revanche, internet n’était pas coupé, contrairement à ce qui se passe lors des journées de fortes tensions.

La campagne avait été rattrapée par la violence, avec une dizaine de morts selon une association de défense des droits humains, ce que nie le pouvoir.

Samedi soir, les deux candidats de l’opposition ont refusé de signer un document destiné à prévenir les violences post-électorales, en claquant la porte d’une médiation conduite par des observateurs africains.