Publicité

Respirateurs artificiels ‘dans le coma’: now what ?

25 février 2021, 14:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Respirateurs artificiels ‘dans le coma’: now what ?

Depuis leur livraison, le 31 juillet 2020, les respirateurs fournis par la firme espagnole Pack & Blister ne cessent d’alimenter la polémique. Leur acquisition, effectuée sous Emergency Procurement à travers la State Trading Corporation le 2 avril 2020, a été payée le 3 avril 2020. Or, huit mois plus tard, ces dispositifs sont toujours inopérants. 

À ce stade, la situation entourant cette transaction, conclue sans appel d’offres, ne semble pas se décanter. En dépit des tentatives, l’État et la firme espagnole n’ont pas encore trouvé d’accord. À titre d’exemple, en novembre 2020, des experts venus de Turquie n’ont pu redonner leur souffle aux 50 respirateurs. Idem le 18 février 2021: la proposition de Pack & Blister pour dépêcher un technicien et un anesthésiste avec un des dispositifs en Turquie pour une vérification a été refusée. Le ministère de la Santé préfère que leurs experts se déplacent pour la mise en marche des respirateurs.

Face à cette discorde, quels sont les recours? Les conditions post-livraison ne devraient-elles pas être préétablies avant toute finalisation de contrat? D’après Raj Hemansing Prayag, Chairman du Central Procurement Board (CPB), «le fournisseur est tenu de respecter les spécifications de l’équipement et de soumettre tous les résultats des tests, entre autres, comme preuve de conformité pour acceptation par l’acheteur». 

Selon lui, diverses clauses des Standard Bidding Documents émis par le Procurement Policy Office s’appliquent lorsqu’un contrat est attribué sur appel d’offres. Par exemple, la section 19 de ces règlements stipule que le «bidder» doit produire la preuve de conformité en termes de spécifications techniques des produits. Dans la même veine, le «Termination of contract» figure à la section 35, notamment si un fournisseur «fails to perform any other obligation under the contract» entre autres. 

Mais qu’advient-il lorsqu’une commande est passée en urgence sans recourir à l’appel d’offres ? «Le CPB n’était pas impliqué dans l’acquisition de ces produits sous l’Emergency Procurement. De ce fait, nous ne sommes pas au courant des documents émis», précise notre interlocuteur. 

Pour Lormus Bundhoo, ancien ministre de la Santé, tout dépend des termes et conditions de la commande et de la livraison. «Même si l’acquisition a été faite en urgence, cela n’exempte pas le fournisseur des risques de défectuosité des équipements et de non-conformité avec les spécifications. Ce dernier doit faire provision d’une garantie couvrant d’éventuelles anomalies après-vente.» D’ajouter qu’il est crucial que des garde-fous soient insérés dans des contrats réguliers ou en Emergency Procurement.

De son côté, l’État a demandé au State Law Office (SLO) un avis juridique. «C’est un dossier bien ficelé qui a fait l’objet d’une étude approfondie pour les recours légaux», déclare Zouberr Joomaye, porte-parole du National Communication Committee sur le Covid-19. D’après lui, le contrat de Pack & Blister englobait 5 millions de masques chirurgicaux, 1 million de masques KN-95, 100 000 équipements de protection et les 50 respirateurs artificiels. Seule cette dernière catégorie est inutilisable, ajoute-t-il. «Dix respirateurs ont pu être fournis localement. Quant à la cinquantaine importée et inopérante, le SLO a dit qu’on avait un recours pour retourner les équipements et réclamer notre argent, puisque ce n’était pas conforme à ce qui était commandé.» 

À ce sujet, le ministère de la Santé affirme que normalement, des «defaulting suppliers» peuvent être disqualifiés ou suspendus pendant une certaine période, selon la Public Procurement Act, par le Procurement Policy Office en cas de maldonne. Cela dit, cette disposition s’applique uniquement pour les fournisseurs mauriciens. Or, comme le producteur est étranger, la SLO entre en jeu. «Puisque les spécifications approuvées au début ne correspondent pas aux appareils livrés, on a demandé leur remplacement conformément à ce que nous avions demandé ou d’avoir un remboursement si cela n’est pas possible. Face à leur réticence, nous nous sommes tournés vers le Sollicitor General pour la marche légale à suivre. Cette démarche est en attente», explique-t-on au ministère. 

Maurice peut-elle recouvrer le montant dépensé pour ces dispositifs dysfonctionnels ? Quelles conditions sont nécessaires pour une telle réclamation ? Pour Kris Valaydon, avocat, il faut d’abord identifier si le contrat comporte des failles (vices cachés) et le délai de notification de tout défaut du produit pour toute exigence de remboursement ou de dédommagement. «Parallèlement, il faut déterminer s’il y a eu publicité mensongère au sens où l’on a acheté un produit sur catalogue qui n’arrive jamais ou a été abîmé pendant le transport au destinataire. S’il manque quelque chose comme des roues etc. aux produits, ceux-ci sont considérés défectueux et non-conformes.» Au cas échéant, il faut en présenter les preuves. 

D’après lui, les conditions d’achat d’un bon produit restent inchangées même en Emergency Procurement. «On ne peut faire de compromis sur la qualité des équipements. Il se peut qu’en situation d’urgence, l’État n’ait pu trouver plusieurs producteurs. Mais avoir plusieurs produits défectueux, c’est impossible.» 

Qu’en est-il de la garantie? Celle-ci doit prévaloir même en cas d’acquisition en urgence. Sur cette question, le ministère de la Santé confirme qu’une garantie de deux ans, en sus d’une période supplémentaire, est prévue pour ce contrat. Hélas, le problème reste entier jusqu’à présent. 

Selon l’homme de loi, en l’absence d’un consensus, les deux parties peuvent solliciter un tribunal d’arbitrage. Cependant, l’instance appelée à assumer ce rôle devrait figurer dans le contrat en cas de contentieux entre les deux pays. «Est-ce que ce sera la Chambre de Commerce de Maurice, celle de La Réunion ou un autre à l’international ? Tout doit être certifié dans le contrat de vente.»