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Police: Hommes et femmes égaux face aux dangers

29 novembre 2020, 21:14

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Police: Hommes et femmes égaux face aux dangers

«Linn rod fer koumma zom...» Des commentaires comme celui-ci, vus sur les réseaux sociaux, n’ont pas manqué de susciter l’indignation dans le sillage du meurtre atroce de la Woman Police Constable Dimple Raghoo. Et ce, alors qu’hommes et femmes doivent faire face aux mêmes risques : ceux du métier…

Le meurtre atroce de Dimple Raghoo – écrasée sous les roues d’une voiture conduite par un trafiquant de drogue – donne froid dans le dos. Un acte criminel qui met en lumière le rôle des femmes dans la force policière. Pourquoi intègrent-elles la profession ? Quels sont les risques du métier ? Participent-elles, comme les hommes, aux opérations périlleuses comme celle qui a coûté la vie à leur collègue ?

«On est vraiment attristés par la mort tragique de Dimple Raghoo. Je la connaissais bien. C’était une battante et une personne vraiment brave», déclare l'inspectrice Indira Bhugobaun. D’après la police, Dimple Raghoo est la première policière à décéder en service. Des cas antérieurs concernaient davantage des hommes, ajoute-t-elle. En service depuis 24 ans, elle est en charge de l'unité de prévention de la  criminalité qui opère depuis 1989. Pourquoi avoir choisi ce métier ? «C’était mon rêve mais c’est aussi pour servir la patrie et protéger la nation», répond Indira Bhugobaun.

Elle intègre la police le 1er juin 1996 et évolue dans le département des poursuites, l'unite antidrogue (ADSU), la division des enquetes criminelles (CID), entre autres. Indira Bhugobaun détient détentrice une licence en police studies et a suivi divers cours professionnels dans le domaine.

Qu’en est-il de la nature de la profession ? «Si vous aimez le travail, rien n’est difficile. Il faut bien garder cela en tête. Tous les métiers comportent des risques. C’est comme ça partout. On sort de la maison, il peut nous arriver n’importe quoi en chemin. Dans certains départements toutefois, les risques sont accrus», confie l’inspectrice. À l’instar de l’ADSU, où les officiers sont confrontés à des malfrats et dealers de drogue difficiles à gérer. «C’est un travail d’équipe. Il faut un planning important et le soutien des chefs hiérarchiques et collègues.»

De son côté, Sweetie, une autre policière, est dévastée. Son amie, Dimple Raghoo, avec qui elle a fait ses premiers pas dans la police en 2007, n’est plus. «Je ne suis pas motivée. Je n’ai pas juste perdu mon amie mais également un autre proche qui exerçait comme policier», déplore-telle, d’une voix saccadée. Inspirée par ce dernier, la jeune femme d’une trentaine d’années voulait exercer cette profession depuis qu’elle est ado. «Je voulais reprendre le flambeau. Après ma formation, j’ai été postée à la division central, puis j’ai été approchée par l'ADSU que j’ai rejoint en 2010.»

Elle y travaillait  avec Dimple Raghoo. De par leur personnalité, les deux policières maîtrisent rapidement les rouages du métier. «Nous n’avons jamais été du genre à nous cacher ou à ne faire que de la paperasserie; nous avons toujours été des gens de terrain. Par rapport aux autres policières, nous étions plus fonceuses. Mais il nous faut plus d’équipement et de protection contre le danger», lâche la policière…

Menaces de mort

Les policières font-elles forcément partie des missions risquées comme les "livraisons contrôlées", au même titre que leurs homologues masculins ? Sweetie répond par l’affirmative. «On a été formé pour ça. On peut le faire. Il n’y a pas de distinction à l’effet que c'est un travail d’homme ou de femme. On nous donne des ordres et on fait le travail», précise-t-elle.

À ce propos, Indira Bhugobaun constate que plusieurs femmes sont à la tête de postes de police tandis que d’autres règlent la circulation routière à moto ou occupent d’autres fonctions stratégiques. «On est entraîné moralement et physiquement pour toute opération. Ce n’est pas comme avant, où on disait que les policières devaient exécuter des tâches de bureau uniquement. Depuis 1989, tout a changé. On est égaux en termes de responsabilités.» L’inspectrice ajoute que l’apport des éléments féminins dans la police est vital, d’autant que beaucoup de délits, y compris ceux de drogue, impliquent des suspectes.

Mais les risques se multiplient surtout face à l’ampleur que prend le trafic de drogue, avoue Sweetie. «On est vraiment en danger. Maurice est petit. Tout le monde connaît tout le monde. Le fait d’être affectée à l’ADSU nous expose aux menaces de mort ou des menaces de s’en prendre à nos proches. On est également surveillé par les trafiquants.» Sweetie explique que les malfrats disposent de beaucoup de moyens; certains possédant des véhicules récents et sophistiqués. Comparativement, la force policière n’est pas si bien équipée, constate-t-elle.

L’inspectrice Indira Bhugobaun, responsable de la Crime Prevention Unit.

Ainsi, si une carrière dans la police intéresse de nombreuses Mauriciennes, certaines décrochent au bout de quelques années, ayant du mal à s’adapter. «Les dangers, difficultés et le salaire sont des facteurs décourageants. Par exemple, on devrait avoir des chaussures et des uniformes plus adaptés pour des opérations en forêt, entre autres», explique-t-elle. Comme elle, Ranjeeta est également policière. À 18 ans, elle postule à la suite d'un pari et d'une plaisanterie avec son frère aîné, qui lui aussi veut être policier. «Finalement, ma candidature a été retenue mais pas la sienne. J’ai commencé juste après mes études secondaires. J’y suis depuis 13 ans», raconte la constable. Mariée et maman d’une fillette, elle travaille dans un poste au centre du pays. «Je viens d’être ‘placée sur un système de rotation de 7 heures à 15 heures; de15 heures à 23 heures et de 23 heures jusqu’au lendemain matin, ce qui est difficile surtout pour la famille. J’ai dû faire des arrangements pour séjourner chez un proche, ne pouvant rentrer à la maison avec ces horaires»

Dans d’autres départements comme la CID ou l’ADSU, les policières peuvent être appelées à tout moment. De par sa profession, Ranjeeta reste marquée par plusieurs événements. De service le 30 mars 2013, elle a vécu les inondations meurtrières et elle a dû assister à l’autopsie de deux victimes du drame ce soir-là. «C’est toujours gravé dans ma mémoire. En tant que femme, on doit faire face à des mentalités diverses. Par exemple, si vous servez une contravention à un conducteur, il refusera de l’accepter et essaiera de vous rabaisser. Il faut savoir parler et rester ferme», déclare la policière.

Comme nos autres interlocutrices, elle confirme que «tout le monde doit être présent, hommes comme femmes, pour les opérations». Revenant sur le décès de Dimple Raghoo, elle souligne que cette dernière «s’était fait des contacts, démantelait des réseaux de drogue et elle était aussi efficace que ses collègues masculins».

Le mot de la fin revient à Indira Bhugobaun, qui dit noter un engouement des Mauriciennes pour une carrière dans la police. «Il y a pas mal de stages dans la police et aussi des questions des étudiantes, impatientes de connaître les dates de recrutement. Si on intègre cette profession juste pour avoir un emploi, cela ne vaut pas la peine. Pour être policière, il faut que ce soit par vocation…»

En chiffres 

<p>1 141. C&rsquo;est le nombre de femmes exerçant dans&nbsp;la police en 2020, selon le service de presse de la police, pour 11 586 hommes. Ce qui équivaut à quelque 10 % de la force.</p>