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Clôture à Pomponette: les dessous d’un bail public

25 novembre 2020, 22:30

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Clôture à Pomponette: les dessous d’un bail public

Après les appels d’offres d’équipements médicaux pour le Covid-19 dans lesquels Soopramanien Kistnen aurait été utilisé pour faire le nombre, le défunt aurait-il été exploité pour extorquer des investisseurs sud-africains dans le projet Clear Ocean à Pomponnette ? Comment a-t-il été impliqué dans la clôture en tôle, lui, qui habitait loin de ce site ? Sa proximité avec le ministre du Commerce, Yogida Sawmynaden, n’y serait pas étrangère.

Clôture commandée par le gouvernement 

Dénoncée par les militants d’Aret Kokin Nou Laplaz et de Rezistans ek Alternativ, car elle privait le public de l’accès à une partie de la plage de Pomponnette, cette clôture aurait été exigée, selon des documents en notre possession, par Showkutally Soodhun, et non des promoteurs. Le ministre des Terres de l’époque l’aurait «proposée» pour faire croire que le projet était en cours alors que tel n’était pas le cas. Bref, pour couvrir, entre autres, le manque de fonds des promoteurs. 

D’où la question : pourquoi le gouvernement a-t-il accordé ce bail à des «investisseurs» qui n’avaient pas le financement nécessaire ? Lors d’une réunion du Conseil des ministres en mai 2018, un ministre avait soulevé l’absence de «preuve de financement» et de «vérification préalable» (due diligence) avant l’octroi de ce bail. On aura tout simplement attendu qu’il s’absente du prochain cabinet pour avaliser le projet. 

Fausses factures et l’utilisation de Kistnen 

Mais revenons à Kistnen. Après avoir été choisi pour construire cette clôture, il aurait présenté plusieurs factures à Clear Ocean et ensuite à Phoenix Trust, réclamant des montants allant de Rs 1,2 à Rs 4,5 millions. A-til été payé pour ces travaux, ou au moins est-ce la vraie facture ? Du côté de Clear Ocean, Rocky Boodhoo maintient qu’elle a réglé en totalité environ Rs 1,3 million depuis le 15 septembre 2018. 

Il n’empêche que nous avons pu voir d’autres factures datées après le 15 septembre 2018 venant de Kistnen/Rainbow Construction pour d’autres paiements. Ces réclamations à Clear Ocean sont d’autant plus préoccupantes qu’il y a eu plusieurs correspondances échangées entre Kistnen, Rocky Boodhoo, Miranda Meyer et des investisseurs sudafricains, où on peut lire l’insistance de Rocky Boodhoo pour qu’on règle au plus vite la/les facture(s) de Kistnen. 

Celles-ci soulignent souvent la proximité de Kistnen avec Yogida Sawmynaden et même le Premier ministre. Ainsi, Rocky Boodhoo dira : «He is very close to PM and Hon. Yogida (they recommend him); please if you can pay him so that he can continue the work so that we don’t have any problem» (sic). Le 21 mars 2018, c’est Miranda Meyer qui écrit à François Conradie, un investisseur sud-africain : «The problem is he (NdlR, Kistnen) is a very close friend of the PM and he is at moment still very kind to us and Rocky is trying his best. We need to pay him Rs 1.2 M by Friday and we tried to convince the investor to give us more capital.» 

«Yogida is very upset» 

Le paiement pour cette clôture semble décidément constituer un enjeu majeur dans ce projet. Mais pourquoi ? Et pourquoi ces différentes factures pour ce même contrat de la part de Kistnen ? Ses factures ont-elles été utilisées pour justifier des réclamations d’investisseurs se trouvant en Afrique du Sud et berner le contrôle des changes de ce pays pour rembourser un homme d’affaires français ou pour d’autres paiements ? Un paiement de Rs 4,5 millions reçu des investisseurs sud-africains et crédité à un ressortissant français correspond exactement à une facture de Kistnen. 

Le Français, qui avait avancé Rs 15 millions à Clear Ocean, commençait à montrer des signes d’impatience. Rocky Boodhoo, se sentant menacé, écrira au Sud-africain François Conradie à son tour le 9 mai 2019. «Subject: Payment of Lease and T… «Yogida is very upset with me and you Francois, he, PM, Soodhun and minister of Tourism are having problems with other members of Parliament because they have been on our side and I have been informed that EDB will ask your ambassador to do a due diligence on all of you, your financial status, etc, etc.» Las d’attendre, le Français portera plainte contre Rocky Boodhoo après que ce dernier lui a remis un chèque en bois. Rocky Boodhoo passera trois jours à l’ombre avant d’être cautionné par un consultant… 

Dans une facture, Soopramanien dira qu’il a déjà encaissé Rs 1,9 million, mais on n’a pas pu en retrouver la trace. Certaines factures totalisant plusieurs millions ont été adressées non à Clear Oceas mais à Phoenix Trust, une coquille vide appartenant à Miranda Meyer. Ce qui semble prouver que Kistnen n’aurait pas reçu ces paiements, sauf peut-être, Rs 1,3 million utilisées pour régler l’achat des tôles d’une quincaillerie appartenant au frère d’un directeur de banque… Ce qui est sûr, c’est que, s’il avait reçu autant d’argent, ses proches l’auraient su, comme ils nous le disent. Mais pourquoi Miranda Meyer a-telle emprunté de l’argent du Français et (non d’une banque) ? Il semble que ce serait pour payer la location de son bureau à Ébène. Mais encore ? Nous y reviendrons. 

Ce qu’il faut retenir, c’est que Kistnen a été probablement utilisé pour présenter des fausses factures aux investisseurs sud-africains. Et il allait en parler à l’ICAC comme pour les magouilles sur l’achat d’équipements Covid-19, entre autres. S’il y a une personne autre que Kistnen qui est impliquée dans toutes ces affaires, c’est bien Yogida Sawmynaden. Il ne répond plus à nos appels. Showkutally Soodhun n’est aussi pas revenu vers nous.

 

 


Sécurité rapprochée réclamée pour la famille du défunt

<p>Comme la <em>Major Crime Investigation Team</em> (MCIT) n&rsquo;est pas revenue vers la famille Kistnen, elle s&rsquo;est en contact avec celle-ci. La veille, quand l&rsquo;épouse du défunt, Simla Kistnen, a téléphoné aux Casernes centrales, la MCIT lui a répondu qu&rsquo;il n&rsquo;y avait rien de nouveau dans l&rsquo;enquête. Le lendemain, elle s&rsquo;est rendue avec son neveu à la MCIT, accompagnés de leurs hommes de loi, Mes Sanjiv Teeluckdarry, Rama Valayden et Anoop Goodarry. Après environ 30 minutes, ils en sont ressortis. Pour Me Sanjiv Teeluckdarry, il y a bien des circonstances suspectes autour de la mort de Soopramanien Kistnen. S&rsquo;il dit laisser les policiers faire leur enquête, il a laissé entendre qu&rsquo;il mène, de son côté, une enquête parallèle. Les avocats, dit-il, comptent écrire au bureau du Directeur des poursuites publiques et au magistrat siégeant à la cour de Moka pour réclamer une enquête judiciaire.&nbsp;</p>

<p>Quant à Rama Valayden, il demande aux autorités d&rsquo;obtenir les images des caméras de <em>Safe City</em>, des compagnies privées et des maisons individuelles aux alentours. L&rsquo;avocat invite les autorités à rechercher un ordre du juge au plus vite pour que les opérateurs téléphoniques soumettent toutes les données concernant les échanges de Kistnen juste avant sa mort. Rama Valayden demande qu&rsquo;une sécurité soit accordée à la famille Kistnen car<em> &laquo;cette affaire implique des hommes puissants&raquo;.</em></p>