Publicité

La loterie verte renaît et migre vers l’électronique

15 mars 2020, 20:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

La loterie verte renaît et migre vers l’électronique

Après 78 ans d’existence et deux ans de «mort subite», le billet vert fera bientôt sa grande réapparition. Lottotech Ltd, nouveau gestionnaire de la loterie, qui n’a pas encore annoncé sa date de lancement, finalise en ce moment les modalités.

Du papier, la loterie verte migrera vers l’électronique. Lottotech finalise actuellement le concept du jeu. Selon les détaillants, on nous indique que le premier lot devrait être de Rs 5 millions et que le ticket serait vendu à Rs 30 l’unité. «Sept numéros devraient être sélectionnés ainsi qu’une couleur. Il devrait y en avoir quatre au total, c’est-à-dire rouge, bleu, jaune et vert. Pour valider une série, il faudra jouer une couleur et sept chiffres», explique l’un d’eux. «Mais si vous avez les bons numéros et la mauvaise couleur, vous ne gagnez pas. Alors, pour maximiser les chances, les gens pourraient avoir à jouer quatre fois, donc pour chacune des couleurs. Cette formule aura un coût plus élevé», déclare un autre opérateur.

D’après un autre revendeur, le nouveau billet vert gagnant serait accompagné d’un bonus. Celui-ci comprendrait l’attribution d’une somme de Rs 50 000 par mois pendant 20 ans au grand gagnant. «Cette innovation va sûrement intéresser les jeunes car les gains sont sur la durée. Auparavant, on voyait surtout des personnes âgées qui restaient accrochées aux billets verts», souligne un détaillant.

Pour ceux décrochant quatre bons numéros, ils devraient remporter Rs 150. D’autres gains seraient prévus pour une combinaison de la bonne couleur avec les quatre chiffres gagnants. Idem pour cinq couleurs. Du côté de Lottotech, une source nous affirme que les modalités pour la vente de la loterie verte sont actuellement en cours.

En attendant que la nouvelle formule ne soit élaborée et communiquée, les détaillants s’y préparent. «Le billet vert, c’est comme un patrimoine qui a disparu. On devrait utiliser les mêmes appareils que pour l’émission des tickets du loto pour la nouvelle loterie verte.» D’après une source de Lottotech Ltd, des rencontres avec les détaillants sont programmées. «Il est important d’avoir le feedback pour évaluer les propositions de formules. On doit notamment déterminer le concept du jeu, du tirage, sa fréquence et la technologie à être intégrée. Car avant, tout se faisait manuellement. On songe aussi à la machine pour l’impression des tickets du loto mais il faudra revoir tous ces aspects pour la finalisation», précise notre interlocuteur.

Government Lotteries : les employés réintégrés

Que sont devenus les employés de la «Government Lotteries», société qui gérait le tirage de la loterie verte ? Au nombre d’une quarantaine, ces derniers ont été intégrés au sein de Lottotech Ltd. «Ils font désormais partie de plusieurs équipes. Nous avons dispensé des formations et remises à niveau comme le procédé entourant la loterie verte était manuel. Ils sont désormais mieux outillés technologiquement pour progresser au sein de la compagnie», avance-t-on à Lottotech Ltd.

À l’origine des 78 ans d’existence du billet vert, la «Government Lotteries» avait chapeauté le dernier tirage le 5 octobre 2018. Cette société avait prévu la remise des chèques gagnants au plus tard le 21 novembre 2018. Elle a ensuite fermé définitivement le 30 novembre 2018. Quant au prix du billet, il est passé de Rs 5 à Rs 10 l’unité, offrant des gains allant jusqu’à Rs 10 millions.

Entre-temps, comment la loterie verte a-t-elle marqué les générations ?  Suresh Guranna, 54 ans, responsable du Guranna Pool House à St-Pierre, nous parle de ces sept chiffres qui lui ont porté chance le 5 octobre 2018 : 2 7 3 0 4 5 2. S’il avait vendu tous les billets du 793e et dernier tirage de la loterie verte, il ne pensait alors pas faire partie des sacrés gagnants «Mo’nn gagn enn call dépi Bala, mo tonton, ki ti pé asisté tiraz. Linn zis dir mwa ki monn gagn prémié lot Rs 10 millions. Monn bien kontan.»

Cette coquette somme est revenue à une association de 11 personnes dont il faisait partie. Cela équivalait à Rs 909 000 pour chaque gagnant. Une aubaine qui lui a permis de réaliser divers projets. «Monn rési fer bann inovasion. Monn investi dan lakaz ek biznes. Monn fer enn mezzaninn dan mo magazin», raconte le détaillant qui a vendu plusieurs billets gagnants allant de Rs 10 000 à Rs 300 000.

Comme lui, Vinessen, chauffeur de 55 ans, joueur invétéré de la loterie verte, a également connu cette joie. Après avoir obtenu un lot de consolation de Rs 2 500, il gardait l’espoir de décrocher un plus gros pactole. «Mo ti pé touzour met enn ti kas dé koté pou zwé. Ti anviron Rs 200-300 Mo ti abitié zwé lotri ver dépi bien lontan. Sa zwé-la ti bien popiler. Lakaz, mo bann frer ousi ti pé zwé. Mo ti asosié mwa avek bann kamarad travay», explique-t-il. En octobre 2018, la chance lui sourit puisqu’en association, il décroche le jackpot, pratiquement Rs 1 million. «Avek sa larzan-la, mo finn ranbours bann det kouma bann loans. Monn rési asté enn ti loto bo marsé ek gard léres pou lédikasion bann zanfan», déclare-t-il.

Un rêve qui s’est également réalisé pour une détaillante qui compte 25 ans au service du billet vert. Grâce au premier lot décroché en association en 2017, son époux a pu acquérir un terrain et y construire une maison. «Lotri ver inn touzour enn tradision pou bann morisien. Éna bokou ki fer bann abonnman sak mwa», indique-t-elle. En effet, comme l’explique Suresh Guranna, qui a pris les rênes de la tabagie de son oncle, Bala, opérant à St-Pierre depuis 1965, les joueurs sont fidélisés aux chiffres fétiches qu’ils n’hésitent pas à réserver. «Bann-la rod bann niméro sinbolik. Li kapav enn dat laniverser ou maryaz, plak loto, niméro téléfonn. Zot démann nou rézerv sa pou zot», confie-t-il.

Dans d’autres cas, les joueurs se fient au hasard, surtout lorsque leurs chiffres clés sont indisponibles. À l’instar d’Ernest Louis, 80 ans, qui continue avec d’autres billets au Coronation de Port-Louis. «Sak fwa mo vinn rod 1149901. Parfwa, pa gagné. Mo kontinié ziska zordi. Mo sir ki enn zour mo pou gagné», affirme-t-il.

De son côté, Nadège, 55 ans, a toujours privilégié son numéro de téléphone résidentiel. Et cela a fini par lui sourire. «Une fois, j’ai décroché que Rs 25 000 en association avec mes enfants. Nous étions aux anges. On s’est fait plaisir avec des achats et de bons repas. Le reste était pour les dépenses courantes», indique cette ancienne enseignante.

Au sein des familles comme dans les usines et autres lieux d’emploi, ce jeu était des plus populaires. «À la quinzaine, on mettait vite un peu d’argent de côté à plusieurs pour jouer. Parfois, on devait dépanner d’autres collègues qui avaient d’autres dépenses. C’était devenu un petit rituel. Cela s’était perpétué chez moi. Je jouais avec ma maman et ma sœur», se rappelle Nivedita, 66 ans, ancienne machiniste. La tradition s’est vite perpétuée chez son fils, Vishal, 40 ans. «En fait, on conserve toujours l’espoir au fond de nous qu’on décrochera le jackpot. On a tous des rêves et la loterie verte nous en rapproche. Moi, si je gagne, ce sera une maison pieds dans l’eau», espère-t-il.

Même s’il n’a pas été chanceux jusqu’à présent, ce technicien n’en démord pas. Jouant jusqu’à la fin du billet vert en 2018 sous la gestion de Government Lotteries, il attend ce retour avec impatience. «Peu importe la formule, c’est un jeu mauricien qui a traversé le temps. J’y suis, j’y reste», ajoute-t-il. Le rituel s’est d’ailleurs perpétué à ses proches dans la même tranche d’âge et plus jeunes. «On se donnait souvent rendez-vous au marché de Port-Louis pour choisir ensemble nos numéros. J’espère qu’on pourra bientôt recommencer», déclare Jemima, 25 ans, étudiante.

D’ailleurs, fidélisés au billet vert, beaucoup de joueurs avaient décroché après la disparition du jeu, précisent les détaillants. D’autres se sont orientés vers le billet blanc de Serge Henry, d’autres loteries ou le loto. Selon Suresh Guranna, ces autres jeux leur ont permis de remonter la pente lorsque la loterie verte a tiré sa révérence. «On vend environ un million de billets de loterie par mois», précise Satish Moher, responsable de Coronation, détaillant en opération depuis plus de 70 ans, à Port-Louis.