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Rétrospective: ces pionniers qui ont cru dans la vocation industrielle de Maurice post-indépendance

11 mars 2020, 22:10

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Rétrospective: ces pionniers qui ont cru dans la vocation industrielle de Maurice post-indépendance

Au moment où le pays s’émancipait du joug du colonialisme, certains visionnaires aussi ont voulu en faire autant en prenant le risque d’évoluer là où la réussite n’était pas un pari gagné d’avance. Le défi était immense. Il s’agissait de croire qu’il était également possible de placer l’identité de l’entité naissante et indépendante sur la mappemonde de l’industrie. Bref, lancer des activités ayant une portée et une valeur économiques et commerciales pour la production de biens de consommation courante sur une base industrielle et d’assurer le démarrage d’un segment consacré à la transformation de matières premières ou semi-matières premières. Ils ont vu juste. L’histoire leur a donné raison.

Hier, le champ d’activités du groupe Eclosia se cantonnait aux quatre coins de Maurice. Mais aujourd’hui, c’est un groupe qui opère dans les pays de la région, notamment aux Seychelles et à Madagascar, mais également au Kenya où il développe une activité avicole.

Pourtant, le début n’était pas facile, soutient Cédric de Spéville, Chief Executive Officer du groupe. «Dans les années 60 soutient-il, le groupe s’est construit sur la vision d’une île Maurice indépendante et en marche vers l’autosuffisance alimentaire. Ce qui apparaît aujourd’hui comme une évidence modelée par le temps ne l’a pas toujours été. Il a fallu convaincre, persévérer pour des projets que beaucoup pensaient voués à l’échec.»

Et cela dure depuis ces 50 dernières années. Eclosia est un opérateur incontournable. Le groupe est présent dans six secteurs d’activités industrielles.

«À travers ces six secteurs d’activités – le groupe doit répondre aux défis du monde globalisé dans lequel Maurice s’inscrit – que sont les exigences alimentaires en termes de biosécurité, d’agriculture raisonnée et biologique, à l’insertion de jeunes diplômés sur le marché du travail, en passant par les challenges logistiques de la région, le développement du business d’affaires à Maurice ou de l’émergence de la créativité africaine».

Pour le CEO, la bonne santé du groupe peut facilement s’expliquer. «Eclosia à travers le temps continue de conserver cet esprit pionnier qui l’a toujours caractérisé avec un engagement soutenu sur la voie du développement durable.» Il précise qu’il s’agit de concilier modernité et création de valeurs tant pour le groupe que pour les petits entrepreneurs qui travaillent avec Eclosia. Cette posture consiste également à faire grandir les entreprises, les équipes et les nouveaux projets mais «sans jamais perdre son âme».

À 50 ans, la vieille dame ne fléchit pas. La découverte des fonds marins tant pour les touristes que les Mauriciens reste un projet phare du groupe. Le projet d’océanarium sur le front de mer, à Port-Louis, est sorti de terre.

Odysseo accueillera ses premiers visiteurs fin 2020 – début 2021. Ces derniers pourront alors savourer les richesses et les bienfaits de nos fonds marins. «Avec Odysseo, Mauriciens et touristes feront une immersion dans les profondeurs de l’océan Indien et prendront ainsi conscience de l’urgence de la protection de ses trésors cachés.»

L’art de se réinventer se trouve à l’Ouest

Une vision cohérente et harmonieuse.

Qui l’eut cru ? En raison de sa dépendance presque totale de la culture de la canne et de la production de sucre, personne à l’époque n’aurait imaginé que Medine pourrait un jour s’éloigner de sa vocation première pour devenir un des principaux acteurs du secteur de l’immobilier avec, en prime, la création de nulle part d’une ville intelligente qui a transformé fondamentalement le visage de l’Ouest.

Rien d’étonnant pour les responsables d’une société qui, depuis l’accession du pays au statut de pays indépendant, pensent qu’il n’y a pas de progrès sans que la diversification constitue l’épine dorsale de sa stratégie de développement.

Cette foi dans l’importance de la diversification s’est matérialisée de différentes manières. Une posture qui aura valu à Medine d’être perçu comme un groupe précurseur dans chacun de ses secteurs d’activités. Il a notamment réalisé le premier développement résidentiel de type.

Integrated Resort Scheme, le «Ta-marina Golf & Spa Boutique Hotel» et accueille annuellement plus de 400 000 visiteurs à «Casela Nature Park», le premier parc de loisirs du pays.

En 2011, avec pour toile de fond la problématique de la sécurité alimentaire, Medine initie un ambitieux programme agricole. Une initiative qui, d’ailleurs, lui a permis de s’imposer aujourd’hui comme leader dans la production de fruits et légumes issus de l’agriculture raisonnée.

À partir de l’an 2000, l’intérêt que Medine a affiché pour la diversification comme moteur de développement lui a permis de façonner son destin autour de quatre pôles d’activités. Ce sont l’agriculture, l’éducation, les loisirs et l’immobilier.

Cinq ans après, la vision de Medine en termes de développement foncier est fin prête. Celle-ci sera cohérente et harmonieuse. Cet engagement est attesté dans le Medine Master Plan 2005/2025.

Pour joindre l’action à la parole, Medine décide d’appliquer cette approche sur une importante partie de son patrimoine foncier, soit d’une superficie de quelque 100 000 hectares. Ce plan directeur subira toute une série de transformations sans pour autant se départir du projet initial visant à doter l’Ouest d’une nouvelle ville, pour déboucher sur une nouvelle orientation stratégique. Celle-ci allait s’articuler autour de la création d’Uniciti. C’est le nom conféré à la ville intelligente imaginée et réalisée par Medine. Son principal vecteur est l’éducation et ce, à travers la création d’un Education Hub international et intégré.

Réalité

Enfin, l’ambition du groupe à faire de plain-pied de cette ville la manifestation de l’entrée de Maurice dans l’économie du savoir s’est réalisée. L’originalité est qu’à Uniciti Education Hub, la prise en charge est totale. Elle va de la crèche à la formation aux entreprises et avec l’enseignement supérieur pour fer de lance. Uniciti Education compte aujourd’hui 2 700 élèves et étudiants et vise la barre de 5 000 étudiants en 2025.

Le développement de la ville va s’accélérer dans les trois prochaines années avec, notamment, l’extension de projets résidentiels, la construction de nouvelles résidences pour étudiants, la création d’une gare routière et d’un immense parc de 15 hectares au cœur même d’Uniciti.

La substitution à l’importation tous azimuts

Moroil a été l’origine du premier marécage artificiel de la région.

Moroil est l’exemple type de la détermination de bon nombre d’opérateurs mauriciens à s’inspirer de l’esprit d’émancipation qui, en 1968, a animé les politiques pour se lancer dans des activités industrielles de substitution aux importations. C’est ainsi que MOROIL s’est lancée dans la production d’huiles comestibles raffinées et conditionnées localement.

La démarche est des plus osées. Car il s’agissait de faire subir à l’huile brute un certain nombre de traitements. L’objectif étant sa transformation en un produit commercialisable tant par son aspect que par ses qualités organoleptiques et sa stabilité.

«Ces produits raffinés ont pour nom MOROIL TOURNESOL, qui est une huile de tournesol raffinée, MOROIL SOJA, une huile de soja raffinée, et enfin RANI, qui est la marque d’une huile végétale raffinée», soutient André Espitalier-Noël, Managing Director de MOROIL.

L’entreprise naissante va devoir se confronter à deux réalités inconnues jusque-là. Il s’agit de l’importance incontournable de tenir compte dans son mode d’opération du respect des normes internationales les plus contraignantes et de la notion de prix compétitifs.

Sur le plan de la première obligation, le résultat s’est soldé par une réussite nonnégligeable. «Les produits de MOROIL portent la certification du Mauritius Standards Bureau (MSB), organisme chargé, entre autres, de la normalisation des produits, de Hazard Analysis and Critical Control Point (HACCP) en termes de prévention et de maîtrise des risques dans des produits alimentaires et enfin du label SA 8000 qui certifie qu’une entité opère dans le respect de ses obligations sociales et éthiques», explique le Managing Director.

Nouveau projet

Couplés à une politique de continuité d’approvisionnement, ces labels en assurance de qualité ont permis à MOROIL de s’attribuer la confiance et la fidélité de nombreux consommateurs, distributeurs et utilisateurs professionnels. «Aujourd’hui, MOROIL propose, outre sa gamme d’huiles végétales, une sélection de produits alimentaires de qualité provenant de divers pays, reconnus pour leur industrie alimentaire ainsi que pour leur gastronomie.»

Pour ne pas permettre à l’usure du temps de freiner ses possibilités de développement, MOROIL a passé en revue sa stratégie et la pertinence de ses installations physiques existantes. Une démarche qui a débouché sur la nécessité de recourir à l’apport de technologies appropriées pour améliorer sa gestion et relever le niveau d’efficacité de la société, l’investissement substantiel dans l’achat de nouveaux équipements ou encore dans la mise en route d’un nouveau projet aux normes internationales.

«MOROIL croit en l’avenir industriel de Maurice et n’a de cesse de progresser pour répondre aux exigences du consommateur. L’expérience que nous vivons actuellement dans le monde avec le Covid-19 nous fait prendre conscience de la nécessité d’avoir une industrie mauricienne solide sur qui nous pouvons compter quels que soient les aléas mondiaux.»

Terra sauvé par la diversification

Terra s’est diversifié et a trouvé de nouveaux relais de croissance qui se sont développés progressivement pour s’adapter aux évolutions. Nicolas Maigrot (photo), directeur général de Terra, relève que le groupe s’est orienté vers la distribution de marques à travers Grays et innove avec la production de rhum «made in Beau Plan».

La production de sucre restant son activité principale, Terra fabrique des sucres spéciaux depuis 1979. À travers une vision basée sur l’efficience et l’utilisation au maximum des ressources disponibles, la Centrale thermique de Belle Vue (Terragen) est intégrée au groupe depuis 1996.

L’usine de Beau-Plan est reconvertie en musée et Sugarworld Ltd (l’Aventure du Sucre) devient la nouvelle activité de loisirs du groupe en 2001. C’est en 2008 que le groupe ancre sa stratégie de Responsabilité sociale des entreprises (CSR) avec Terra Foundation pour des actions sociales liées à la pauvreté, l’éducation, la culture, le sport, entre autres.

En effet, 2012 représente une année charnière pour le groupe puisqu’il adopte une nouvelle identité et, présent en Bourse depuis 1990 en tant que compagnie sucrière, il est coté en tant que conglomérat d’investissement.

En 2015, le groupe renforce ses activités vers l’immobilier, notamment avec le début du projet de Smart City de Beau-Plan. L’année suivante, le pôle immobilier du groupe (anciennement Sagiterre) devient Novaterra et matérialise la vision du développement de Beau-Plan et de la région.

«L’un des plus gros défis auxquels le groupe a fait face reste l’abolition des quotas de sucre en 2017. Cet obstacle nous a forcés à nous réinventer. De nombreuses mesures ont été adoptées pour gagner en efficience et réduire les coûts associés à la plantation et à la production de sucre. Terra est le premier producteur et exportateur de sucres spéciaux au monde avec 88 000 tonnes en 2019», déclare-t-il.

Il souligne que les prix de vente n’ont jamais été aussi faibles et qu’il est indispensable de repenser son contexte en travaillant de pair avec les autorités. Les effets de l’industrie sucrière ne s’arrêtent pas au sucre mais s’étendent aussi à la bagasse, qui doit être valorisée à son juste prix, ou la paille de canne permettant la production d’énergie, ou encore la mélasse, qui permet de fabriquer des rhums de qualité.

«Nous restons convaincus que le sucre a encore un avenir pour Maurice et concentrons nos efforts pour surmonter les difficultés actuelles», estime Nicolas Maigrot.

Ciel Textile met pleins feux sur l’automatisation

Guillaume Dalais, CEO, Knitwear Cluster chez Ciel Textile Ltd.

CIEL a évolué dans le textile. Tout à commencer par la diversification de l’entreprise. Après l’acquisition de Deep River Sugar Estate Co Ltd en 1912, survient celle de Ferney Sugar Estate et les opérations sont centralisées à Deep-River–Beau-Champ (DRBC) en 1970. Deux ans plus tard, l’entreprise entre dans le textile avec l’acquisition de Floréal Knitwear.

Suivant l’incorporation de CIEL Investment Ltd, entre 1978 et 1989, CIEL Textile est consolidée à travers diverses acquisitions et l’expansion internationale débute avec la création de Floréal Madagascar. En 1994, il y a l’incorporation d’Aquarelle Clothing Ltd qui se rend subséquemment en Asie et l’acquisition de Harris Wilson.

De 2005 à 2007, l’entreprise textile externalise ses opérations en Inde, en Chine et au Bangladesh et en 2010, des usines sont lancées à Bangalore, en Inde, et au Bangladesh. Six ans plus tard, Tropic Knits ouvre une nouvelle usine en Inde.

CIEL Ltd décide en 2017 d’augmenter sa participation à 88,48 % dans CIEL Textile Ltd car cette dernière contribue à environ deux tiers du chiffre d’affaires. Le secteur textile fleurit. En effet, pour réussir, l’entreprise met l’accent sur les talents, le digital et l’automatisation et la durabilité.

Guillaume Dalais, Chief Executive Officer, Knitwear Cluster chez Ciel Textile Ltd, énonce que pour ce qui se passe en Chine et dans le monde actuellement, c’est l’opportunité pour Maurice et la région de l’Afrique.

«Maurice a un rôle important à jouer dans le ‘regional hub’ avec la production d’articles comme tissus, fils, entre autres. Nous pouvons donc avoir une place prédominante.»

Quant au prix du produit fini, il explique que «les accessoires coûtent de plus en plus cher, de même que le transport et la logistique, ce qui ajoute un coût au prix du produit fini actuellement».

Phoenix Beverages : «S’adapter aux besoins évolutifs des consommateurs»

Patrice Sheik Bajeet, Senior Manager Marketing.

Phoenix Beverages, née à l’aube de l’indépendance de Maurice, a évolué au rythme du développement du pays. Son histoire débute en 1931 avec la création de Phoenix Camp Minerals, qui importe la boisson Coca-Cola à Maurice. Connue à l’époque comme Mauritius Breweries Limited, la compagnie est incorporée en 1960. Trois ans plus tard, la brasserie et l’emblématique Phoenix Beer voient le jour.

En 2003, Mauritius Breweries Limited devient Phoenix Beverages Limited, avant d’être renommée PhoenixBev Limited en 2017. Aujourd’hui elle compte 1 500 personnes et commercialise divers produits comme l’eau plate aux boissons pétillantes, de la bière, du vin, du jus de fruits, du malt, entre autres.

«Beaucoup se soucient de leur santé et nos boissons à faible teneur en sucre ou encore nos jus, avec de vrais morceaux de fruits, viennent, par exemple, répondre à cette demande spécifique. Car les consommateurs sont aujourd’hui plus informés et recherchent le meilleur rapport qualité et prix», explique-t-il.

Il confie que la bière nationale est le plus grand succès, devenue au fil du temps une boisson emblématique du pays. D’ailleurs, Phoenix Beer a été primée pour son goût sur le plan régional et à l’international.

À ce jour, 57 ans après, PhoenixBev s’adapte toujours au marché et aux enjeux de la société, tels que l’environnement, que ce soit pour l’eau, le recyclage du plastique des bouteilles, l’éducation, entre autres, à travers une série d’initiatives.

Pour maintenir et rehausser la qualité des produits, l’équipement et la technologie sont revus. Cette stratégie permet de conquérir des marchés au-delà des frontières de Maurice et de préserver l’image de l’entreprise vis-à-vis des médias sociaux qui modifient rapidement la perception des marques.