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Tourism Authority: des logements pour touristes passés au crible

2 mars 2020, 22:00

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Tourism Authority: des logements pour touristes passés au crible

«Lorsque je voyage, je vais dans des auberges de jeunesse. Comme il n’y en avait pas à Maurice, je me suis tournée vers les logements d’Airbnb. Durant mon séjour dans l’île, j’ai résidé dans quatre établissements différents. Les hôtes étaient très aidants. L’île propose de bons hébergements», confie Gabrielle, 26 ans, touriste canadienne de passage en juin 2019. Chambre individuelle en résidence, maison entière, appartement, villa privée avec piscine sur le toit. Autant de logements touristiques confondus désormais offerts à la carte et surtout en ligne. Un des sites de location les plus prisés demeure Airbnb. Cette plateforme, créée en 2008 par des Américains, contient plus d’un million d’annonces de réservations dans pas moins de 34 000 villes et 192 pays du monde. Bien d’autres sites privilégient ces opérations.

Toutefois, ces transactions seront bientôt passées au crible, assure Venee Kowlessur, officer in charge de la Tourism Authority. «Des 5 000 à 6 000 logements disponibles en réservation en ligne, seul un millier dispose d’un permis d’opération émis par la Tourism Authority à des fins d’hébergement touristique. La majeure partie n’est pas conforme. On ne sait pas ce qu’ils proposent, quel est leur niveau de sécurité ou encore l’accès. Face au soulèvement de ces questions, est venu le besoin de contrôle», déclare-t-il. Il ne s’agira pas d’une législation mais plutôt de réglementation. Selon lui, les règlements sont actuellement finalisés par le parquet et seront bientôt institués.

Par conséquent, les 6 000 opérateurs devront s’y plier. Comment y réagissent-ils ? Sunil, un prestataire qui possède un permis de la Tourism Authority, évoque un risque de retrait de ses homologues. «On débourse plus de Rs 50 000 annuellement. Ceci inclut Rs 20 000 annuellement pour le permis de la Tourism Authority et le reste est destiné aux assurances, fire certificate, entre autres. On y rajoute également la déclaration d’impôts. La nouvelle réglementation est un avantage pour moi qui suis déjà certifié. Je comprends que les autres ne veuillent y adhérer à cause de ces coûts», observe le jeune homme, qui gère un complexe de six chambres pour les touristes dans l’ouest de l’île.

Mélissa, qui s’occupe d’un hébergement dans le Sud, abonde dans le même sens. «Les opérateurs sur Airbnb ne vont pas accepter de passer par la Tourism Authority. Le site propose des locations d’hébergements à pas cher comparés aux hôtels. Cela aide à se faire un peu d’argent. S’ils doivent se soumettre aux règlements, ils devront augmenter les prix», affirme-t-elle.

Ce site n’est pas le seul à être dans le viseur des autorités. D’autres sont ciblés car les transactions se font au petit bonheur. Généralement, les prestataires fixent leur tarif. Des frais de service par le site de réservation se rajoutent au tarif journalier. «Pour le rez-de-chaussée de notre maison, le coût était de 15 euros la nuit. Pour un hôtel, ce serait cinq fois plus élevé», soutient Mélissa.

Si ces logements à petits prix font les affaires des visiteurs, ils ne sont toutefois soumis à aucune norme, à l’exception de ceux dotés d’un permis. «L’hébergement doit être sécuritaire. Par exemple, il faut installer des panneaux spécifiques, comme toute interdiction de fumer. Des indications de sorties d’urgence sont aussi nécessaires. De plus, celles-ci ainsi que les escaliers doivent être accessibles même en cas de coupure électrique. Un générateur est aussi requis. Nous devons avoir une certification d’incendie, une assurance pour tout feu et pour les tierces personnes, notamment si un touriste se blesse. Le gros souci, c’est le coût», confie Sunil.

Escroqueries

En effet, la majorité des opérateurs d’hébergements touristiques en ligne ne paient aucun frais. Dans beaucoup de cas, les recettes empochées ne sont pas déclarées. Pire : ces transactions ne seraient pas légales, estime l’avoué Pazhany Rangasamy. «Je ne crois pas que ce soit autorisé. Si c’est comme ça, demain je transforme une chambre chez moi en hébergement pour touristes. Il existe une différence entre un logement commercial et résidentiel. Il faut avoir une licence d’opération en bonne et due forme», affirme-t-il.

Au cas contraire, cela ouvre la voie à des escroqueries, lâche Pazhany Rangasamy. Décriant l’absence de contrôle qui peut nuire au tourisme, l’avoué mentionne une réglementation plus que nécessaire. Une ancienne membre de l’Association of Tourism Professionals of Mauritius est tout aussi critique. «Pourquoi certains opérateurs doivent payer pour des permis et d’autres non ? Nous en avions toujours débattu quand j’étais dans l’organisation. Il faut retracer ces 6 000 prestataires. Tout le monde doit respecter les normes», fulmine-t-elle.

Dans la même veine, Jocelyn Kwok, Chief Executive Officer (CEO) de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM), déclare que la régularisation est impérative. «La réglementation n’est pas simplement une question de mise aux normes et de contrôle. Il s’agit aussi et surtout de réguler le secteur. Par exemple, donner des permis à combien d’opérateurs, quelles sont leurs chances de pouvoir mener du business viable, quelle capacité ou taille de l’offre par rapport à la demande, quels impacts sur l’environnement, etc.», indique-t-il.

Pour le CEO de l’AHRIM, comparés aux opérateurs offrant des hébergements non conformes, les prestataires de logements réguliers font l’effort de s’enregistrer et travaillent dans un cadre défini, se soumettant aussi aux inspections régulières par les autorités. «Attention, tous les hébergements proposés par Airbnb et d’autres ne sont pas forcément hors la loi. Mais certains, qui choisissent de le rester, échappent à toutes ces conditions et contraintes d’opération», ajoute-t-il. Par exemple, 200 hébergements n’ont pas renouvelé leurs licences durant ces deux dernières années. Ont-ils cessé d’opérer, se demande Jocelyn Kwok.

De plus, l’impact de l’informel est énorme car le volume d’affaires des opérateurs officiels diminue d’année en année. En effet, ces logements à faible coût constituent une rude compétition aux hôtels. «On n’est plus sur un level playing field. Un peu d’informel ne fait de mal à personne mais trop d’informel menace toute la destination», confie notre interlocuteur.

Combien ça coûte ?

$ 12 la nuit. Tel est le tarif minimum pour réserver une villa pour dix visiteurs à Flic-en-Flac. Sur Airbnb, cette localité affiche 287 offres d’hébergements en ligne. Pour d’autres régions telles que Grand-Baie, Port-Louis, Chamarel ou encore Rose-Hill, ce taux dépasse les 300 respectivement. Rodrigues est aussi de la course, avec 200 opérateurs. Et le coût maximal ? Le plus cher que nous ayons trouvé est à $ 420 par nuit pour une villa pour huit personnes située dans le Sud avec une piscine de 250 m². En ville, notamment à Rose-Hill et Port-Louis, les prix commencent à partir de $ 16 la nuit. Par contre, en zone côtière, le tarif est plus élevé, avoisinant les $ 40-80 par nuit.

Hébergement en ligne : Pour le meilleur et pour le pire

«La villa est somptueuse. Je ne pensais pas pouvoir séjourner un jour dans un logement si exceptionnel. N’hésitez pas à réserver. C’est une perle», écrit sur le site Airbnb une touriste, en décembre 2019, après son séjour à Maurice. Celle-ci a été charmée par un hébergement à Grand-Baie qui coûtait $ 100 par jour. Idem pour une autre étrangère qui, en février 2020, a bifurqué sur une villa de luxe dans le Sud. «La piscine est extraordinaire. Le plan de la villa permet d’avoir quatre chambres bien isolées avec beaucoup d’intimité pour chaque couple», mentionne-t-elle. Au passage, elle a pu profiter des services spa et cours de tennis d’un hôtel voisin.

Mais pour d’autres voyageurs, l’expérience leur a laissé un goût amer. Pour un studio à Flic-en-Flac, par exemple, un couple anglo-saxon énumère divers bémols : un mauvais matelas, une salle de bains sale, une réservation avec balcon non respectée, des ustensiles de cuisine vieillots et dangereux ainsi qu’un réfrigérateur défectueux. Rodrigues n’est pas épargnée. Le côté trop nature ne passe pas pour une touriste. «L’hôte était inactif. Il y avait de la saleté et la poussière ainsi qu’un problème d’hygiène et d’entretien. Les draps étaient déchirés et vieux», critique-t-on. Dans un autre cas, c’est l’usage d’Internet qui est décrié. «On devait y avoir accès à 1 heure du matin mais le routeur n’était même pas branché. L’omniprésence des parents de l’hôte à la fenêtre, le manque d’équipements en cuisine et le plein tarif imposé à mon enfant a fait qu’on a écourté le séjour», écrit une autre cliente, mécontente.

La réglementation dans le monde

Dans les prochains mois, Maurice devra se mettre à la régularisation comme d’autres pays du monde. La Tourism Authority confirme qu’Airbnb dispose de règlements en France sous l’autorité de la mairie parisienne. D’ailleurs, sur son site, l’organisme précise les aspects juridiques et de taxation pour tout hôte qui s’y inscrit. Ainsi, des législations restreignent le droit d’héberger des voyageurs à titre payant sur de courtes périodes. Dans de nombreuses municipalités, l’hôte doit s’enregistrer, obtenir un permis ou une autorisation avant de publier toute annonce ou d’accepter des voyageurs. Certains types de réservations de courte durée peuvent même être interdits, indique le site d’Airbnb. Des sanctions telles que des amendes entre autres peuvent aussi être appliquées. En Allemagne, une autorisation est nécessaire pour la location d’un logement entier depuis le 1er mai 2016. La règle ne concerne pas la mise à disposition d’une chambre dans le logement habité par le bailleur. Les contrevenants s’exposent à une amende pouvant aller jusqu’à 100 000 euros. Du côté de l’Espagne, il est interdit de louer un logement entier. Par contre, deux chambres au maximum peuvent être réservées en présence du propriétaire à une fréquence de moins de quatre mois par an. Aux États-Unis, notamment en Virginie, une licence professionnelle est exigée.