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Marchands ambulants: la touchante histoire du couple Chamerally

29 décembre 2019, 19:30

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Marchands ambulants: la touchante histoire du couple Chamerally

Assise sur une chaise près de la gare du Nord à Port-Louis, Nazziah Chamerally plie des nappes pendant que son époux, Amanoullah, sert les clients qui accostent. Les gouttes de pluie dégoulinent le long de leur visage mais cela ne les dérange guère, c’est le cadet de leurs soucis. Ils travaillent tout en jetant un coup d’oeil de droite à gauche… Ils surveillent la police qui les surveille… «Bizin alé-vini. Galoup gos-drwat. Li pa fasil ditou pou gagn lavi.»

Ce couple est marchand ambulant depuis un an. Parents de cinq enfants, dont trois toujours mineurs et deux mariés, les malheureuses circonstances de la vie ont fait que, dorénavant, ils doivent «tracer» afin de pouvoir joindre les deux bouts. «Avant, nous travaillions dans une compagnie. Nous avons fait quatre années là-bas. Et lorsqu’elle a mis la clef sous la porte, nous nous sommes retrouvés sans emploi. Nous avons essayé d’en chercher d’autres mais nous avons aussi commis des erreurs dans la vie et nos certificats de moralité ne sont pas clean…» Nazziah reconnaît ses erreurs avec beaucoup d’humilité. D’ajouter que son mari et elle ont toujours bossé ensemble. «Nounn koumansé par vann légim. Apré tigit-tigit bann lezot lartik. Nou asté magazin nou vendé. On a toujours tout fait ensemble. Dans tous les malheurs, on se soutient, on s’épaule. Nou koné ki pou nou resi pou grandi nou zanfan, nou dé lamé bizin bat ansam.»

Pendant que deux de leurs clientes ont du mal à se décider sur la couleur de la nappe qu’elles choisiront pour orner la table le jour du réveillon, nous leur posons cette question qui semble faire mal. «Que faites-vous le 31 de votre côté ?» Tout en comptant ses sous, la quadragénaire se confie avec un sourire gêné et des yeux remplis d’émotions. «Pas grand-chose…» Elle marque une pause, son époux lui jette un regard empreint d’affection. Plutôt timide, Amanoullah laisse à son épouse le soin de raconter ce que sera leur réalité la nuit du 31 décembre…

«Nous ne pourrons pas faire la fête. Cette année, cela a été très dur pour nous d’avoir des sous. D’ailleurs, à Noël, nous n’avons même pas pu offrir de cadeaux à nos enfants.» En effet à cause de la dure réalité des marchands ambulants depuis fin novembre, le couple n’a pas pu récolter beaucoup d’argent.

À force de devoir jouer à cache-cache avec les autorités, ils ont perdu des clients. L’endroit qui a été alloué aux marchands ambulants par le gouvernement pour qu’ils puissent travailler est bien trop bondé, la concurrence est rude, rameuter des acheteurs n’est pas chose aisée. «À Noël, nous avons acheté quelques petits jouets auprès d’autres marchands pour notre benjamin. Li ti dir mwa li anvi gagn kado. Nos deux plus grands n’en ont pas reçu… Ils disent qu’ils comprennent car nous devons acheter leur matériel scolaire…»

Afin d’y parvenir, pendant que la majorité des Mauriciens feront la fête le jour du réveillon, Nazziah et Amanoullah arpenteront donc les rues jusqu’à ce qu’il n’y ait plus personne. «Nou pou trasé ziska dernié ler kouma nou’nn fer pou Nwel. Ledikasion nou zanfan inportan ek nou ena lakaz pou payé nou pa kapav pares. Nous espérons cependant pouvoir rentrer tôt pour embrasser nos petits… »

Toutefois, «si Dieu le veut», ils espèrent pouvoir se faire plaisir le 1er janvier. «Nou pann kapav sorti avek nou zanfan ditou sa lané-la. L’un d’entre eux m’a même demandé pourquoi nous ne sommes pas partis au Waterpark, comme ses amis. Ça fait mal, vous savez. Nous espérons vraiment que le premier jour de l’an, nous aurons suffisamment de sous pour faire quelque chose… pour passer du temps en famille…», dit la maman.