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Retour de voyage: l’amertume des Chagossiens

13 novembre 2019, 20:30

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Retour de voyage: l’amertume des Chagossiens

«Mo ti éna zis 8 an kan mo’nn kit Diego. Mo’nn rési rétourn lor later mo bann gran fami. Mo pa sir mo pou kapav réalé», confie Marcel Medor, 74 ans. La voix un peu tremblotante, ce natif de Diego Garcia est encore tout ému par ce retour sur son île. En effet, le 28 octobre, il s’est envolé pour les Chagos. Tout comme 25 de ses compatriotes. Retraité de la Cargo Handling Corporation, il a d’abord fait escale à Dubaï pendant trois jours. Puis l’avion a mené la délégation à Bahreïn où ils ont passé encore trois jours. Ensuite, cap sur l’archipel. Et là, grande fut leur émotion : «Mo’nn al tousel san mo fami. Mo léker ti kontan ler monn rétrouv mo later. Lamer finn inpé abandoné. Simitier mem népli trouvé. Inn vinn bwa mé bann lakaz ankor lamem.»

Marcel Medor raconte également que les habitations forment une petite agglomération avec quelques infrastructures. Il est ainsi reparti à la découverte de son pays natal. Ainsi, pendant ce séjour d’une douzaine de jours, les Chagossiens ont vécu dans des appartements construits par les autorités britanniques. Renouant avec la section 27, son lieu d’habitation aux Chagos, Marcel Medor et ses compatriotes ont participé collectivement aux diverses tâches sur place. Les aînés de la délégation préparaient des repas typiques avec l’aide des autres. Du coup, il garde en mémoire le bouillon de poisson, pêché sur place puis mitonné à la chagossienne et accompagné de «bred lalang vas», entre autres.

«Chagos sé enn paradi. Mo bann gran paran inn touzour dir mwa sa. Mé ti bizin gété pou krwar.»

Comme lui, Patrick Armoogum, 56 ans, a vécu ce retour aux sources. Issu d’une famille d’origine chagossienne, cet artisan en rotin a plein de souvenirs du voyage. «Chagos sé enn paradi. Mo bann gran-paran inn touzour dir mwa sa. Mé ti bizin gété pou krwar.» Ne connaissant pas l’île personnellement, sa famille la lui a contée en images. Hélas, avec le temps, plusieurs de ses proches sont décédés. Rentré à Maurice le 6 novembre, il a hâte de décrire son carnet de voyage à Philomène, sa tante septuagénaire, toujours en vie. Ainsi, après les escales, l’arrivée à Diego Garcia fut émouvante : «Ler désann lor later-la, mo’nn trouv enn ta plas ki touzour lamem ek kinn kontigné viv avek létan.» Il cite notamment une chapelle construite par Didor Alexis, son grand-père. Celle-ci, qui a d’ailleurs été restaurée en 1995, est toujours utilisée depuis pour des messes. Patrick Armoogum a aussi visité des lieux proches de la demeure de ses aïeux dont Pointe-Canon, qui regroupe deux canons ayant survécu avec le temps. Selon lui, plusieurs sites ont été préservés, ce qui le rend fier et témoigne de l’existence des Chagossiens dans l’île.

Si ces derniers ont pu revoir leur île, tel n’a pas été le cas pour d’autres compatriotes. Claude Lafoudre, chanteur, n’a pu partir. «Mo’nn rési sirmont enn konzésion. Enn sans mo pann bloké par sa maladi-la. Mé la mo bien sagrin. Zamé mo pa finn rétrouv mo péi.» Âgé de 60 ans, ce dernier, né à Peros Bahnos, une autre île de l’archipel, a vécu en France, en région parisienne. Habitant de Cassis à Maurice, il ne décolère pas. «Mo ti anvi trouv later mo finn né. Mo non pa ti lor lalis. Mo mem pa koné kifer. Mo pa dakor.» De son côté, Hansley Mandarin, dont les grands-parents sont d’origine chagossienne, confirme que plusieurs natifs vivant à Maurice n’ont pu s’y rendre. Idem du côté de ceux vivant aux Seychelles.

Selon Pierre Prosper, président du Comité Chagossiens Seychelles, des discussions sont en cours pour une décision. «Nous ne voulons pas commenter dessus pour l’instant. Nous en discutons avec les Seychelles et le groupement des Chagossiens à Maurice. Nous sommes très intéressés mais nous allons étudier cela.» D’après lui, 175 natifs des Chagos seraient répertoriés aux Seychelles. En 2020, un sondage aura lieu pour revoir les chiffres exacts.

Avis des Nations unies : l’échéance arrive à terme dans neuf jours

<p style="text-align: justify;">Le 22 novembre marquera la fin du <a href="https://www.lexpress.mu/article/353443/resolution-aux-nations-unies-sur-chagos-32-nouveaux-pays-sengagent-aux-cotes-maurice">délai accordé aux Britanniques</a>. Maintiendront-ils leur position malgré l&rsquo;avis consultatif de la Cour internationale de justice et la résolution des Nations unies sur le dossier Chagos ? Pour l&rsquo;instant, la question reste entière. Nous avons essayé de joindre Olivier Bancoult, leader du Groupe Réfugiés Chagos, mais en vain. Rappelons que le 22 mai dernier, Maurice a fait part de sa volonté de récupérer sa souveraineté sur les Chagos lors de sa représentation à l&rsquo;Assemblée générale des Nations unies. La Cour internationale de justice avait, quant à elle, prononcé son jugement à cet effet en février dernier.</p>