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Assemblée générale du Mauritius Sugar Syndicate: le sucre mauricien, l’autre son de cloche

1 octobre 2019, 21:21

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Assemblée générale du Mauritius Sugar Syndicate: le sucre mauricien, l’autre son de cloche

Après les doléances des petits planteurs et des syndicats, le gouvernement et le secteur privé ont évoqué, hier, la réalité du terrain et des marchés.

Le secteur sucre de l’industrie de la canne a été, récemment sous les feux des projecteurs après que les petits planteurs et les syndicats ont exprimé leurs revendications. Le Mouvement Ti Planter Cannes et le Joint Negotiating Panel, qui regroupe quatre syndicats, ont clairement fait valoir que ce secteur doit répondre impérativement à leurs doléances. Un autre son de cloche s’est aussi fait entendre, hier à l’Assemblée générale annuelle du Syndicat des sucres à l’hôtel Labourdonnais, au Caudan Waterfront, Port-Louis. La société chargée d’identifier des marchés pour le sucre blanc et les sucres spéciaux mauriciens réunissait ses membres producteurs. Le gouvernement était représenté par le ministre de l’Agro-industrie, Mahen Seeruttun.

Les vœux pieux étaient donc confrontés à la réalité du terrain et aux impératifs des marchés. C’est de la bouche du président sortant du Syndicat des sucres, Hemant Sonoo, lui-même planteur à plein temps dans ses champs à Cluny, qu’est venue cette assertion, qui résume dans une grande mesure la situation présente dans laquelle se trouve l’industrie de la canne. «Oui, c’est un fait que le gouvernement a considérablement contribué à améliorer le sort de ce secteur, en particulier, celui des petits planteurs. Je dois vous avouer, Monsieur le ministre, que ce dont ce secteur a le plus besoin, c’est l’élaboration d’une solution soutenue dans le temps et sur le long terme, la voie incontournable pour assurer la viabilité de ce secteur.»

En effet, selon les informations fournies à cette Assemblée générale, ce secteur est confronté à de nombreux défis. Le gouvernement a pris des mesures courageuses. À titre d’exemple, le paiement d’une compensation de Rs 257 par tonne de canne aux planteurs produisant moins de 60 tonnes de sucre, ce qui équivaut à une rémunération de Rs 3 287 par tonne de sucre. Ces mesures sont courageuses, certes, mais pas assez fortes pour atténuer l’effet de circonstances sur lesquelles le pays n’a aucun contrôle. Parmi les défis évoqués par le ministre de tutelle, on relève entre autres:

- une baisse drastique du prix du sucre sur les marchés européen et mondial ; 

- l’incertitude de la production mondiale résultant en une visibilité réduite sur l’avenir de cette industrie ; 

- la menace de la possibilité des betteraviers européens à démontrer leur capacité à faire chuter globalement les prix ; 

- l’impact direct sur la profitabilité et la viabilité de l’industrie cannière surtout pour les petits/moyens planteurs et métayers qui sont les plus vulnérables;
 
- l’abandon accéléré des terres sous culture de canne ; 

- la nécessité de disposer de la masse critique en termes de tonnage de canne pour que les trois usines puissent opérer de façon optimale afin de produire entre 350 000 à 400 000 tonnes de sucre et d’augmenter la part de bagasse dans la production énergétique ; 

- l’importance pour le Syndicat des sucres de revoir son mode d’opération et sa stratégie de marketing pour répondre aux attentes du jour de l’industrie.

Impôt sur l’importation

«La situation a changé drastiquement aujourd’hui», a averti Mahen Seeruttun. «Il nous faut, à tout prix, diversifier et chercher d’autres marchés, sinon la pilule risque d’être très amère.»

Le Chief Executive Officer (CEO) du Syndicat des sucres, Devesh Dhukira, a évoqué une autre raison dont les pays producteurs de sucre ne sont pas parvenus à mesurer l’impact. Il s’agit des effets du déclin démographique sur la consommation de sucre avec l’organisation sur le plan mondial de campagnes de dénonciation des effets du sucre sur la santé ou encore l’introduction d’un impôt sur l’importation de sucre pour en décourager la consommation. «Alors que la moyenne annuelle en termes de consommation de sucre avait enregistré une hausse de 2 % au tout début de cette décennie, la moyenne des dernières années s’est rapprochée de 1,5 % par an.»

Une autre réalité, mise en avant par Devesh Dhukira, qui constitue une véritable menace pour les revenus des producteurs locaux, est la facilité avec laquelle le sucre en provenance des pays du Marché commun de l’Afrique australe et orientale (COMESA) et de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) pénètre le marché local. «Le tarif douanier étant passé à 80 % en 2018, l’importation de ces pays s’est poursuivie.» Les exportateurs de ces pays vers Maurice bénéficient d’une exemption douanière. Résultat : sur un marché local fort de 36 000 tonnes de sucre pour la récolte de 2018, le Syndicat des sucres n’est parvenu qu’à faire vendre 16 000 tonnes seulement. Autrement dit, les 56 % sont allés aux pays de la région, soit un manque à gagner de Rs 200 millions. «Maurice est sans doute le seul pays producteur de la région où le sucre peut être importé sans frais.» Devesh Dhukira exige que le marché local soit totalement protégé contre les importations préférentielles.

Nicolas Maigrot, CEO du groupe Terra, soutient, pour sa part : «Nous demandons au gouvernement de faire exactement ce que font les autres pays qui exportent plus qu’ils n’importent. Maurice exporte près de 90 % de son sucre. Il est important qu’on puisse également satisfaire les besoins du marché local. Il faut prendre des mesures pour nous protéger contre l’impact de l’exportation vers le marché mauricien de sucres vendus à des prix calqués sur ceux du marché mondial. Ce qui constitue un obstacle pour les producteurs mauriciens de vendre sur le marché local.»