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Ravin Rampersand: «Nous ne pouvons nous permettre de satisfaire tout le monde»

21 août 2019, 13:00

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Ravin Rampersand: «Nous ne pouvons nous permettre de satisfaire tout le monde»

SME Mauritius a de plus en plus de plans pour soutenir les entrepreneurs locaux. Mais, malgré ces programmes et les mesures du Budget 2019/2020, certains promoteurs ont toujours des difficultés. Ravin Rampersand, CEO SME Mauritius Ltd, s’en explique.

Expliquez-nous d’abord votre rôle comme CEO de SME Mauritius Ltd ?
J’ai été recruté en tant que CEO de SME Mauritius Ltd à la mi-juin 2018. Soit environ huit mois après la création juridique de cet organisme dans le cadre de l’accord de 2017 selon les dispositions de la Small and Medium Enterprise Act 2017.

Responsable d’environ 58 employés vis-à-vis du conseil d’administration, je suis actuellement responsable de la direction et de la gestion de cette institution d’appui du gouvernement aux petites et moyennes entreprises (PME) à Maurice. Mes principales tâches consistent à formuler des stratégies, mettre en oeuvre les politiques, conseiller le conseil d’administration, gérer les ressources et agir en tant que principal responsable de la mise en oeuvre des politiques et l’interface entre l’organisme et ses parties prenantes.

De plus, je veille à ce que nous atteignions nos objectifs grâce à la mise en oeuvre de plans et de soutiens efficicaces aux PME. Mon rôle est aussi d’être à l’écoute des PME et de définir avec mon équipe la meilleure approche pour atteindre un maximum d’entrepreneurs existants et potentiels, à différents stades de leur cycle de vie et ayant des capacités et des besoins différents. Je suis heureux de dire qu’un an après, nous avons de bonnes raisons d’être satisfaits.

Depuis la mise en place de cette institution, quels changements ont été apportés au niveau de l’entrepreneuriat ?
Le principal changement réside dans la manière différente dont SME Mauritius Ltd opère ; sa rapidité d’exécution, sa flexibilité et sa capacité d’adaptation en ce qui concerne le service aux entrepreneurs. Nous avons la ferme intention de perpétuer cette différence d’approche, de répondre aux demandes de la communauté des PME au lieu de l’approche axée sur l’offre qui était depuis longtemps la culture et dans notre proactivité à saisir et à enregistrer le potentiel de l’entrepreneuriat ainsi que les besoins de nos PME, que ce soit en matière de formation, de soutien, de facilitation ou de programmes.

SME Mauritius Ltd tente d’être proche des entrepreneurs. Il y a des interactions régulières, des visites sur le terrain, des consultations, des formations et du networking qui visent à améliorer constamment la connectivité entre les PME et nous-mêmes.

Quelques exemples de changements tangibles que nous avons apportés à l’entrepreneuriat sont les priorités sectorielles et thématiques que nous avons adoptées, telles que revitaliser le secteur de l’artisanat et introduire l’hologramme du produit authentique mauricien pour différencier l’artisanat local et améliorer sa résilience face à des importations moins chères – plus de 50 artisans en ont bénéficié à ce jour –, revitaliser le secteur du cuir avec l’aide d’experts d’Africa Leather et de Leather Products Institute et la mise en place d’un satellite sur le cuir ainsi que renforcer la capacité de l’extraction de la fibre de banane grâce à une formation de 12 instructeurs. D’autre part, pour le domaine de l’agroalimentaire, nous avons formé plus de 160 entrepreneurs potentiels pour l’aquaponique.

Notre approche ciblée se poursuivra dans le secteur de la joaillerie en novembre avec une série d’activités, à commencer par une exposition à Ébène et une formation connexe par des experts. SME Mauritius Ltd a également veillé à ce que les PME du secteur des services soient aussi incluses de manière à développer des approches thématiques sous la forme de programmes visant à répondre à leurs besoins. Nous avons, par exemple, la certification, le mentoring et l’online visibility scheme Par le biais du «Productivity and Hand Holding and Mentoring Scheme», nous avons essayé d’améliorer les capacités internes et la compétitivité de 150 PME.

Le Certification scheme. conforme aux normes internationales telles que l’ISO, HACCP et Travelife ont, en outre, amélioré l’exportation des produits et la durabilité des services d’accommodement des PME. CeIles-ci ont également bénéficié d’une présence numérique progressive pour améliorer leurs capacités d’accessibilité et de commercialisation grâce à une plus grande visibilité de leurs produits et services.

Ce ne sont là que quelques exemples de changements tangibles à notre approche et une suite de ces changements. Ces derniers seront la transmission des connaissances, des compétences et l’ensemencement d’une nouvelle attitude et culture d’entrepreneuriat.

Que pensez-vous des mesures budgétaires 2019/2020 ?
Les mesures prises en faveur des PME dans le dernier Budget ont été largement rassurantes et abordent les défis des entrepreneurs existants et potentiels, principalement la finance. Elles apportent un répit à ceux qui ont des difficultés à obtenir des prêts ou à en assurer le service. Par ailleurs, la décision d’étendre certaines facilités aux entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre Rs 50 milllions et Rs 100 millions est également bienvenue car il s’agit de la reconnaissance que ces entreprises moyennes ne peuvent être laissées à elles-mêmes et ont besoin d’un soutien à un stade crucial de leur développement.

Dans quelle mesure ontelles été benefiques aux petites et moyennes entreprises ?
La plupart des PME vous diront que toute mesure facilitant l’accès des PME au financement est la bienvenue car c’est la clé de leur croissance et de leur développement.

Toutefois, il faut lire les mesures annoncées dans ce Budget en parallèle avec celles des trois Budgets précédents. Alors que le Budget de 2017-2018 mettait l’accent sur l’élaboration des infrastructures institutionnelles ainsi que les infrastructures physiques et numériques pour soutenir les PME et les orienter à l’exportation, celui qui a suivi a mis l’accent sur la création de ressources humaines pour le secteur des PME, avant d’être renforcé cette année par un engagement renouvelé en faveur des mesures de redressement comme l’accès au financement. Ce sont des Budgets successifs qui visent à relever des défis précis et qui, une fois agrégés, visent à améliorer la croissance soutenue des PME.

Que fait-on concrètement à SME Mauritius Ltd pour promouvoir les entreprises locales ?
Personne n’est dupe de privilégier l’importation avec tant d’efforts entrepris pour ce secteur. Bien qu’il puisse y avoir 125 000 PME à Maurice, dont environ 30 000 sont enregistrées, pas tous de ces 30 000 produits sont prêts à être exportés.

Nous pouvons distinguer quatre principaux types de PME à Maurice, chacune ayant ses spécificités et ses modes de fonctionnement. Il y a d’abord les microentreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à Rs 2 millions, qui ont été classées dans cette catégorie pendant des années et n’innovent pas ; elles ont plus tendance à survivre sur le marché local. Il y a après les PME innovantes avec de nouveaux produits et services, souvent appuyées par la technologie et désireuses d’investir dans le marketing national et international. Ensuite on trouve les entreprises qui exportent déjà et qui ont besoin d’un coup de pouce pour le développement de nouveaux produits et services. Le dernier groupe est pris en charge par le SME International Fair Grant Scheme.

Les besoins des PME dans ces différents segments et à différentes étapes de leur cycle de vie sont différents. Certains ont besoin de mentorat et de counselling, pour d’autres, un simple code-barres pour être approvisionné dans des supermarchés. Certains ont besoin d’un support B2B et de networking, ou de marketing numérique, ou simplement d’un renforcement de leurs références selon les normes internationales.

Tout ce qui précède doit être fait simultanément face à la concurrence des importations. Et comme dans tout pays suivant les règles du commerce mondial, nous devons nous y conformer. La tâche est donc pour le moins intimidante.

«Nous avons la ferme intention de perpétuer cette différence d’approche, de répondre aux demandes de la communauté des PME au lieu de l’approche axée sur l’offre»

Il n’y a pas de taxe sur les produits fabriqués à Maurice. Estimez-vous que c’est une mesure positive pour relancer l’industrie locale ?
Je ne dirais pas suppression totale des taxes sur les produits fabriqués à Maurice, mais certainement, une façon de réduire les coûts des intrants ou de la conformité pour donner aux entreprises locales un répit et du temps pour se restructurer et s’adapter aux nouvelles réalités du marché.

Certains pensent qu’il n’y a pas de marché pour le secteur du cuir à Maurice. Il semblerait que plusieurs fabricants se sont convertis en importateurs. Qu’en pensez-vous ?
Nous devons accepter la réalité que le marché mauricien est restreint et sur-échangé sur de nombreux produits et services. C’est pourquoi, contrairement à beaucoup d’autres pays, nous sommes condamnés à rechercher constamment le pilier suivant. La seule issue est l’innovation et l’exportation sur des marchés très différenciés et des niches.

Pour le secteur du cuir, le problème est à deux volets. D’une part, il n’y avait pas d’offre de matières premières et, d’autre part, il n’y avait pas de demande en raison du prix élevé. Lorsque nous parlons de pénurie d’approvisionnement, il ne s’agit pas d’une pénurie de cuir et de peaux brutes. Nous en avons en abondance et nous en exportons en Afrique du Sud alors que nous aurions pu les transformer en cuir localement fini, pour la transformation ultérieure en un produit. La National Leather Value Chain Strategy a été récemment lancée conjointement avec le ministère de l’Activité économique et SME Mauritius Ltd pour s’en occuper. Pour que ce secteur soit compétitif, nous essayons de réduire les coûts de production.

Selon les mesures budgétaires 2019/2020 le prêt bancaire pour une microentreprise a augmenté à Rs 500 000. Mais il y a toujours l’accès aux finances qui pose problème. Qu’en pensez-vous ?
SME Mauritius Ltd facilite et conseille le financement mais n’est pas titulaire d’une licence bancaire. Les raisons de ces infructueuses demandes de prêts proviennent souvent de dossiers incomplets ou peu convaincants.

Quels sont les secteurs commercialement porteurs en Europe ? 
Les bijoux haut de gamme, les services techniques et professionnels, le textile. Ces services basés sur la connaissance ont certainement une chance d’y arriver.

Et quid de l’avenir des PME ?
Je tiens à assurer aux PME mauriciennes que l’équipe de SME Mauritius travaille activement pour leur apporter le soutien nécessaire. Nous travaillons sur des stratégies clés pour être plus proches des PME en saisissant leurs besoins. Comme je l’ai dit, nos projets seront de plus en plus nombreux. Nous sommes cependant conscients que nous ne pouvons nous permettre de satisfaire tout le monde.

J’insiste sur le fait que les PME doivent redoubler d’efforts pour proposer des produits de meilleure qualité. C’est grâce à cette différence que les PME pourront concurrencer et démarquer leurs produits des concurrents. Il faut penser globalement et agir localement pour faire face à une concurrence féroce sur le marché local. Les PME, mais aussi celles du monde entier, sont prêtes à s’emparer de n’importe quel marché existant.

Je voudrais également encourager la jeune génération à saisir toutes les opportunités offertes par SME Mauritius et d’autres parties prenantes pour promouvoir l’entrepreneuriat. Les PME sont l’avenir de notre pays et contribueront certainement à l’épanouissement de notre économie. Mon rêve est que chaque famille ait une activité secondaire qui assurera non seulement son propre épanouissement économique mais aussi celui de Maurice.