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Jeux de hazard: qui touche vraiment le gros lot ?

14 août 2019, 11:21

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Jeux de hazard: qui touche vraiment le gros lot ?

Jouez plus... et c’est l’État qui gagnera plus. Mesures gouvernementales ou pas, les jeux de hasard restent très populaires chez les Mauriciens. Pour cause, ce business a rapporté pas moins de Rs 7,2 milliards en 2018. Toutefois, les opérateurs s’accordent à le dire; cet argent ne reste pas bien longtemps dans les caisses des maisons de jeu ou encore dans les poches des parieurs, c’est l’État qui touche le jackpot.

Si l’initiative ‘nation zougader’ de l’ancien ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo, a eu un impact sur les revenus des opérateurs qui ont vu leurs recettes baisser, c’est également les taxes imposées année après année et les facilitator centres qui affectent le business. Pour 2018, c’est Lottotech qui réalise le chiffre d’affaires le plus élevé avec un peu plus de Rs 2 milliards. Cependant, ce chiffre est également en baisse. En 2015, la compagnie avait un chiffre d’affaires d’environ Rs 2,6 milliards, chiffre réduit à environ Rs 1,8 milliard en 2016 et Rs 1,92 milliard en 2017.

«Nous sommes loin de notre performance de 2014, les mesures budgétaires ont eu un impact direct sur notre chiffre d’affaires et nous en ressentons encore les conséquences. Le retrait des cartes à gratter et l’interdiction de faire de la publicité nous ont fait perdre 30 % de notre effectif», dit-on du côté de Lottotech.

S’ajoutent à cela les taxes imposées par l’État sur les opérateurs et les parieurs. Des Rs 2 milliards du chiffre d’affaires de Lottotech pour 2018, Rs 485 millions ont été restituées au Consolidated Fund et Rs 33 millions, qui représentent la somme qui n’a pas été réclamée par des gagnants du loto, ont été reversées au National Solidarity Fund. Avec le taux de la taxe revu par le récent Finance Bill, les choses ne s’amélioreront pas.

Il nous revient que sur Rs 100 misées par un joueur, Rs 49 sont destinées aux gagnants, Rs 25 au gouvernement, Rs 6 en commission aux détaillants, Rs 4 pour le salaire des employés, Rs 10 pour les coûts directs et indirects et Rs 6 pour les profits, profits qui sont partagés entre les actionnaires. Gamma, qui est l’actionnaire majoritaire, récolte Rs 3,37 des Rs 6 qui restent, la State Investment Corporation (SIC) obtient Re 1,12 et les petits investisseurs Re 1,5. Si les taxes augmentent, que peut-on dire de la tendance de la consommation ? Il ressort que si la moyenne de jeu par semaine avec un seul tirage était de Rs 60, cette somme est passée à Rs 90. «Lottotech prône le jeu responsable, nous n’incitons pas les gens à jouer plus, s’ils participent au loto c’est qu’ils voient cela comme un divertissement», ajoute notre source à Lottotech.

L’imposition d’une taxe gouvernementale est chose normale, et l’État sera gagnant que le parieur gagne ou perde. «Ce sont des taxes obligatoires, plus vous jouez, plus l’État en sort vainqueur mais parier n’est pas une activité productive, il ne faut pas que les gens s’endettent. Cet argent que l’État récolte, il doit le redistribuer dans les activités sociales : l’éducation, la santé ou le sport», explique l’économiste Éric Ng.

Les jeux de hasard les plus populaires demeurent les mises sur les matchs de football, les courses hippiques et le loto. Si les courses hippiques sont disputées au cours d’une saison et le tirage du loto est effectué deux fois par semaine, le football fonctionne 7/7. Si les courses hippiques peuvent rapporter environ Rs 700 millions par saison, concernant le football c’est bien plus avec les gros opérateurs, selon un bookmaker.

Pour les courses hippiques la compétition s’accroît avec les facilitator centres qui augmentent aussi. Il s’agit en fait de places of public entertainment qui permettent aux bookmakers d’opérer par la communication à distance. Ces facilitator centres n’opèrent pas selon les mêmes règles que les gros opérateurs. Une mesure qui fait grincer des dents les bookmakers est la décision du ministère des Finances d’amender la Gambling Regulatory Authority (GRA) Act, pour interdire aux bookmakers d’opérer hors de l’enceinte du Champ-de-Mars. «Certains bookmakers peuvent rapporter Rs 2 millions par journée mais il y a les frais d’opération et les taxes», dit ce bookmaker.

Le bookmaker lui a des frais d’environ Rs 250 000 par semaine. Quid des gros opérateurs? «Nous payons Rs 24 000 par semaine par centre d’opération ensuite il y a 10 % de taxe, 2 % qui sont prélevés des profits et les Rs 3,5 millions à payer pour la licence. Nous sommes devenus des vaches à lait pour l’état» précise un opérateur. Pour lui, le Finance Bill ajoute à la difficulté avec les nouvelles mesures qui toutefois ne concernent pas les facilitator centres qui eux n’ont pas les mêmes contraintes ni nécessitent différentes autorisations des diverses autorités.

Où se positionne la Gambling Regulatory Authority (GRA) dans tout cela? «Tel qu’indiqué dans la GRA Act (2007), l’une de nos principales prérogatives est de protéger les parieurs. Notre rôle est de veiller à ce que les jeux de hasard et d’argent se déroulent de manière intègre, dans la transparence et l’impartialité. La création de l’Integrity and Compliance Division, qui comprend également l’Anti money Laundering Unit, a depuis septembre 2018 abattu un travail colossal, surtout au niveau des courses hippiques. Les tests inopinés (out-of-competition testings) effectués sur des chevaux ont permis de déceler plus d’une vingtaine de coursiers positifs en début d’année», explique Chhayan Ringadoo, CEO de la GRA.

Les récents amendements à la GRA Act accordent aussi un peu plus de liberté d’action à l’organisme. «Les nouvelles dispositions du Finance Bill viennent renforcer les pouvoirs de la Police des Jeux et de nos inspecteurs. Ils seront, par exemple, habilités à effectuer des «test bets» lors des inspections pour vérifier si l’opérateur se conforme aux normes et ils seront en mesure de procéder à des fouilles sur des personnes suspectes. De plus, nos inspecteurs pourront désormais avoir accès aux appels téléphoniques avec l’autorisation de la Cour, si ces données sont nécessaires au bon déroulement d’une enquête.»

Il est toutefois à noter que la GRA n’a accordé aucun nouveau permis d’opération depuis le début de l’année.