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Avortement: Sharonne, 34 ans, «Je me suis fait avortée quatre fois»

23 juin 2019, 20:00

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Avortement: Sharonne, 34 ans, «Je me suis fait avortée quatre fois»

Plusieurs cas d’avortement ont été répertoriés cette semaine. Relançant ainsi le débat sur la dépénalisation «complète» de l’IVG, les moyens de contraception, la liberté des femmes de disposer de leur corps, entre autres. Le dossier reste brûlant.

L’actualité a accouché de plusieurs cas d’avortement au cours des deux dernières semaines. Une jeune femme de 19 ans a ainsi avalé du Cytotec pour interrompre sa grossesse alors qu’elle en était à 6 mois et a abandonné le fœtus dans un buisson. Une Malgache de 41 ans a, elle, perdu la vie après une interruption volontaire de grossesse (IVG). De plus, une autre femme, traduite en justice pour s’être fait avorter, a vu sa peine de six mois de prison commuée en 180 heures de travaux d’intérêt général.

Sharonne (nom d’emprunt), 34 ans, est fonctionnaire. Cette jeune femme, habitant les faubourgs de la capitale, a eu recours à l’avortement à quatre reprises. Aujourd’hui mariée, elle explique le pourquoi de ses décisions. «La première fois, nous n’étions pas encore mariés. Il n’a pas voulu qu’on garde le bébé.» Elle parle de son petit ami qui allait devenir son mari. En fait, Sharonne, non plus, ne voulait pas «s’encombrer» d’un bébé. «Une femme a bien le droit de disposer de sa vie, d’en profiter avant d’assumer de telles responsabilités. Je voulais finir mes études, trouver un emploi stable…»

À l’époque, elle prenait également des antidépresseurs et avait peur que cela n’affecte la santé du bébé. «J’ai fait ce qui semblait être le mieux pour tout le monde.» L’IVG a été pratiquée dans une clinique privée. Ce «curetage», elle s’en souvient comme si c’était hier. «Sa inn mark mwa a vi.» À la fois dans son corps et dans sa tête. Elle a beau être convaincue que c’était la bonne chose à faire, parfois, elle est tenaillée par les remords. «Et si…»

Cela ne l’a pas empêchée de revivre le scénario une deuxième fois, toujours avec son petit-ami-mari-en-devenir. «C’était encore un accident. Nous avions ‘oublié’ la capote. Dès que je lui ai annoncé la nouvelle, il m’a dit qu’il fallait qu’on fasse partir. Comme ça. Sans en discuter davantage. Cela a été comme une claque. Je ne voulais plus avoir d’enfant de lui…»

Depuis, elle s’en tient à sa décision, sa rancœur aussi peut-être. Et a avorté deux autres fois, de son plein gré, de son petit-ami-cette-fois-devenu-mari. «Enn fam atann ki boug avek ki li été kontan kan anons li li pé vinn papa! Mo ti pé atann enn lot réaksion de so par.» Sharonne a ensuite sombré dans une plus profonde dépression. Elle a même commencé à ressentir le baby blues. «Plus l’âge avançait, plus je me disais que j’aurais peut-être dû garder les bébés… D’autres fois je me disais que j’avais bien fait. Je ne savais plus où j’en étais.» Aujourd’hui, elle ne peut plus regarder des enfants, les femmes enceintes, les vêtements pour bébé, les jouets. «Sa fer mo leker fermal…»

Cela fait plus de 10 ans qu’elle est avec son époux. «Ironie du sort, aujourd’hui, on ne peut plus avoir de bébé à cause de son état de santé.» Sharonne prend cela comme une «revanche du destin». Il n’en demeure pas moins qu’elle reste une fervente féministe, pro-IVG. «Une femme a le droit de disposer de son corps comme bon lui semble. Il y a également celles qui se font violer. Il y en a d’autres qui ne veulent tout simplement pas d’enfant, c’est leur choix.»

Pour elle, il faut que les hommes prennent plus de précautions, qu’ils s’impliquent davantage. «Zom pa rod met prézervatif. Lerla zis fam ki gagn tit kriminel… Ek zot ena toupé koz gran-gran kozé!»