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Parents d’enfants LGBTQ: entre acceptation et rejet

19 mai 2019, 17:30

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Parents d’enfants LGBTQ: entre acceptation et rejet

Les lesbiennes, gay, bisexuels, trans et queer (LGBTQ) ont toujours existé. Sauf qu’ils ont longtemps vécu cachés, quand ils n’étaient pas contraints par leurs familles à se cantonner à des modes de vie ne correspondant pas à leur identité du genre. Maintenant que la norme est au coming out, leurs familles ont du mal à les comprendre, oscillant entre l’acceptation pour un mode de vie «passager» et le rejet s’il devient permanent.

C’est le cas de la tout juste quinquagénaire Sonia, mère d’une fille trentenaire et d’un fils d’une vingtaine d’années. Extérieurement comme intérieurement, Sonia paraît une femme moderne. Cela se reflète dans sa façon de se vêtir et de se coiffer mais aussi dans l’activité qu’elle pratique, que l’on pourrait comparer à du counseling car elle est souvent sollicitée pour ses conseils.

Mais on sent bien qu’elle n’est pas à l’aise, non seulement avec le vocable approprié, qu’avec l’idée que son fils non-binaire – dont l’identité du genre n’est ni homme, ni femme –, puisse choisir de vivre avec un homme. Elle utilise des expressions comme «sa pa le dir ki nou koumsa», au lieu de dire lesbienne ou encore «sa kalite dimounn la» pour les personnes à l’identité queer.

Sonia a appris que son fils est non-binaire tout récemment. Elle ne l’a pas appris de la bouche de ce dernier mais de proches venus lui révéler que son fils travaillait avec «sa kalite dimounn la», soit au sein d’un mouvement défendant les droits de la communauté LGBTQ. Quand on lui dit que son fils est gay, elle monte sur ses grands chevaux. «Je leur ai demandé comment ils pouvaient faire de telles accusations car j’ai accouché de mon fils à l’hôpital et biologiquement, il est normal. Lorsque j’étais enfant, ma cousine et moi on s’attrapait les mains, on se faisait des câlins mayé, mais palé dir ki nou koumsa. À cette époque-là, on ne disait pas lesbienne. On ne savait même pas ce que cela signifiait.»

Devant de telles dénonciations qu’elle juge sans fondement, elle réplique que de nombreux couples hétérosexuels pratiquent le sexe anal. Et qu’elle connaît des femmes qui sont malheureuses car quand elles refusaient un rapport anal, leurs maris menacent de prendre une maîtresse qui acceptera de le faire. Sonia essaie d’expliquer à ses proches que ce n’est pas parce que son fils travaille pour cette association qu’il fait partie de la communauté LGBTQ. Pour les faire taire, elle menace de les poursuivre en justice.

Si elle tient le coup et fait front, dès qu’ils ont le dos tourné, Sonia reconnaît être sous le choc. «Je sais que j’ai accouché d’une fille et d’un garçon.» Elle interroge tout de même son fils, qui avoue qu’il est non-binaire et lui explique de quoi il en retourne. Il évoque même de possibles relations homosexuelles. Sonia l’accepte car elle le met sur le compte d’une tendance en vogue chez les jeunes. «De nombreux jeunes vivent des relations homosexuelles et il n’y a pas que mon fils dans le cas. Fode pa fer li en piblik. Lavi zenes koumsa. Certains le font pour de l’argent, d’autres pour le plaisir et d’autres encore par folie. Ena pe fer li akoz lamour. Il a le droit de mener sa vie de jeune. Mais à l’heure des choix de vie, il doit se marier à une femme.»

Et si son fils choisissait de faire sa vie avec un homme ? Là, Sonia se raidit. Comme de nombreux autres parents, elle rejette totalement l’idée. «Jamais je ne l’accepterai car je n’ai qu’un unique garçon. Les enfants d’aujourd’hui oublient les sacrifices qu’ont faits leurs parents et dès qu’ils ont 18 ans, ils coupent le cordon ombilical, kouma enn zanimo pe kas la corde.»

Viennent alors les certitudes qu’une vie homosexuelle est vouée à l’échec. «Mo garanti ou ki mo garson pou kapav fer so la vie ar enn fam. Si enn zenfan linn gaign sa gou-la, li pou dir samem bon mais lorsqu’il épousera une femme, il verra que c’est mieux.» Elle cite l’exemple d’une jeune de 13 ans qui se disait lesbienne mais qui, une fois mariée à un homme, file le parfait amour.

Et si obliger son fils à épouser une femme les rendait tous deux malheureux ? «Il doit épouser une femme. Pourvu ki li enn bon tifi. Si sa pas marse, ena divors.» C’est ce qu’elle voudrait comme avenir pour son fils ? «Je connais mon fils et je sais qu’il ne rendra pas une femme malheureuse. Vous vous imaginez : si les hommes vivaient tous avec des hommes et les femmes avec des femmes, le monde courrait à sa perte…»

Comme quoi, on est encore loin du compte pour que l’identité du genre soit reconnue et acceptée par ceux qui disent vous aimer…

Najeeb Fokeerbux, fondateur de la Young Queer Alliance : «Il y a eu évolution sociale»

Cette attitude des parents qui oscillent entre acceptation et rejet, déclare Najeeb Fokeerbux, fondateur de l’organisation Young Queer Alliance et président de l’African Queer Youth Initiative, s’applique tout aussi bien aux personnes hétérosexuelles qu’à celles de la communauté LGBTQ. «C’est l’attitude typique des «fami pa kontan». Il y a quelques années, c’était pareil lorsque les parents n’aimaient pas le petit copain ou la petite amie que leur fille ou fils s’était choisi(e). Ils trouvent toujours quelque chose qui cloche avec le choix de leur enfant lorsqu’il refuse un mariage de raison.» Il blâme la société qui conditionne les parents à avoir des attentes particulières pour leurs enfants. «Ils tiennent à ce que leurs enfants épousent telle ou telle personne ou fassent le métier qu’eux veulent pour lui. Ils ne réalisent pas que leur enfant a une identité à part entière, qu’il a sa vie à vivre et ses propres attentes et rêves.» Dans le cas du témoignage susmentionné, explique-t-il, la mère a des attentes particulières par rapport à son fils unique qui conservera et transmettra le patronyme familial. «Elle se laisse influencer par la société, par ce que disent ses proches. Elle accepte que son fils soit non-binaire mais veut qu’il vive ses choix en cachette.» Najeeb Fokeerbux estime toutefois que la société mauricienne commence à évoluer dans le bon sens et l’acceptation vient progressivement. «Elle est plus tolérante envers les personnes LGBTQ. Et il y a un processus de dialogue qui se noue en général entre les parents et leur enfant LGBTQ, qui fait son coming-out. Tant qu’il y a ce dialogue, il y a des possibilités pour les parents de ne pas le rejeter, d’écouter les attentes et de comprendre leur enfant. Le jeune doit continuer à dialoguer avec ses proches pour démystifier et briser les tabous associés aux personnes LGBTQ, pour leur faire comprendre son identité et sa vie relationnelle.» De leur côté, précise-t-il à l’intention des parents, ils doivent comprendre que leur enfant vient de découvrir son identité du genre et qu’il ne va pas rencontrer l’amour de sa vie immédiatement. Il va faire différentes rencontres et faire des expériences comme n’importe quel autre jeune hétérosexuel.

Cependant, ajoute Najeeb Fokeerbux, il y a encore des parents qui mettent leur enfant à la porte lorsqu’il leur avoue qu’il a une identité sexuelle différente. «Ce n’est que des années plus tard, lorsqu’il a un emploi stable, qu’il a réussi sa vie, qu’il est un citoyen productif de la société et qu’il est heureux, c’est là que les parents finissent par accepter ses choix de vie.» En attendant cette étape d’acceptation, Najeeb Fokeerbhux rappelle aux personnes LGBTQ rejetées et mises à la porte par leurs familles qu’il existe des associations de soutien à leur intention.