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Trafic de stupéfiants: comment le plan d’utiliser des enfants a échoué

18 mai 2019, 18:00

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Trafic de stupéfiants: comment le plan d’utiliser des enfants a échoué

L’ADSU est «choquée» qu’on ait utilisé des enfants dans le réseau du trafic de subutex. Elle a sollicité la brigade des stupéfiants en France, dans le cadre de cette enquête.

Il compte 15 ans au sein de l’AntiDrug and Smuggling Unit (ADSU). Et trois comme responsable de cette unité à l’aéroport. Thegarajan Sooben affirme que c’est la première fois que les autorités sont confrontées à un cas d’enfants passeurs, en référence aux deux frères de 6 et 9 ans qui transportaient, sans le savoir, des psychotropes dans leur bagage. Tant et si bien que ceux au sein des unités antidrogue trouvent «choquant que des gens véreux puissent faire une chose pareille».

Ces deux frères qui, depuis, ont été placés dans un abri, sont entrés malgré eux dans l’histoire du trafic de stupéfiants entre la France et Maurice. C’est le samedi 11 mai qu’ils ont été interceptés par des douaniers et des éléments de l’ADSU à leur descente d’avion, à l’aéroport de Plaisance. Ils avaient dans leur bagage des boîtes de jouets qui recelaient 2 310 comprimés de Subutex, 178 cachets de Tramadol et 48 pilules d’Amoxicillin. Des stupéfiants estimés à Rs 3,4 millions.

L’ADSU soupçonne un réseau mauricien à Paris d’être à l’origine d’un trafic de subutex entre la capitale française et Maurice. Voire, d’être le fournisseur des trafiquants locaux. La brigade antidrogue a sollicité la brigade des stupéfiants de Paris dans le cadre de cette enquête. Au parquet de Paris, l’on confirme l’ouverture d’une enquête. Sans plus, pour le moment.

Un Mauricien installé en France est soupçonné d’être l’intermédiaire entre le réseau mauricien à Paris et le père des deux garçonnets. Une semaine aujourd’hui depuis que ce dernier, chauffeur de taxi marron de son état, s’est volatilisé. Il n’a pas un casier judiciaire vierge, ayant été arrêté pour possession de cannabis dans le passé. La brigade antidrogue espère mettre la main sur lui dans l’espoir de remonter la filière à Paris.

En France, l’adresse officielle de la grand-mère paternelle ne serait pas, selon ce qu’a confié un voisin à un journaliste français, la résidence principale de «cette dame très discrète». D’ailleurs, les portes et les volets de la maison sont clos et aucun nom n’apparaît sur la sonnette ou la boîte aux lettres. En revanche, le voisin en question confirme avoir vu «un grand monsieur et deux enfants la semaine dernière, qui lui ont fait coucou depuis leur jardin».

Les deux enfants ont pris l’avion pour la France le 1er mai, soit, deux jours après la rentrée des classes du deuxième trimestre scolaire. Selon des sources policières, c’est la tante de leur père qui les aurait fait venir à Paris pour célébrer leurs anniversaires, les 7 et 10 mai respectivement. Avant que les enfants ne regagnent Maurice aux petites heures, le lendemain, samedi 11 mai. D’ailleurs, les deux frères ont expliqué à la police que c’est la tante de leur père qui leur avait confié les jouets, qu’ils devaient remettre à leur mère.

Un des responsables des unités qui ont participé à l’opération à l’aéroport raconte comment tout s’est déclenché après que des douaniers ont détecté quelque chose d’anormal dans le bagage des enfants. Comme ces derniers voyageaient seuls, la procédure veut qu’ils empruntent le red channel dans le hall d’arrivée. Ce qui a mené à un scanning approfondi du bagage, qui a confirmé les doutes des douaniers.

En présence de l’ADSU, les douaniers ont alors ouvert une boîte de jouet, découvrant ainsi le pot aux roses. Les éléments de la brigade antidrogue se sont ensuite dirigés vers la mère et le beau-fils de celle-ci qui étaient venus récupérer les enfants à l’aéroport. Après leur interrogatoire, la mère et le demi-frère des deux garçonnets ont été embarqués.

Ils ont été reconduits en cellule policière après une deuxième comparution en cour de Grand-Port, hier. La mère, qui travaille depuis une dizaine d’années comme vendeuse dans un magasin à Port-Louis, est incarcérée dans un centre de détention dans le centre du pays. Et l’autre, dans un autre qui est situé dans les périphéries de la capitale. C’est le choc dans l’entourage de la mère des deux enfants. Y compris sur son lieu de travail. «Ce n’est pas évident. Tout le personnel a été consterné d’apprendre ça», confie un proche.

Un membre du personnel d’Air Mauritius, qui avait pris en charge les deux mineurs, le temps du voyage, a participé à un exercice d’identification des boîtes de jouets retrouvées dans leur bagage, au quartier général de la brigade antidrogue aux Casernes centrales, jeudi. Elle doit rester à la disposition de la police dans le cadre de l’enquête.

Ally Lazer : «J’ai des renseignements sur ceux qui contrôlent le réseau de subutex»

<p>Le travailleur social Ally Lazer avait remis un rapport sur le trafic de subutex entre Paris et Maurice à l&rsquo;ambassade de France en 2012. &laquo;Je me suis rendu à Paris fin 2011 et je suis rentré début 2012. Avec l&rsquo;aide des amis mauriciens sur place et un officier de la brigade des stupéfiants, j&rsquo;avais obtenu beaucoup de renseignements sur les personnes qui contrôlent ce réseau, dont une famille mauricienne avec la complicité des médecins français&raquo;, dit Ally Lazer que nous avons sollicité, jeudi. Il estime que ce sont ces mêmes personnes qui en tiendraient les ficelles. D&rsquo;ajouter que même s&rsquo;il n&rsquo;a pas de preuve que son rapport y est lié, il se rappelle qu&rsquo;à la suite de ce document, des membres de cette famille ainsi qu&rsquo;un médecin avaient été arrêtés en France. &laquo;Après 46 ans de combat, je maintiens que le plus gros obstacle dans la lutte contre le trafic de drogue est la corruption. Un membre de cette famille au cœur du trafic de subutex a été arrêté une douzaine de fois pour possession de ce médicament légal en France et illégal ici, entre autres affaires. Sauf qu&rsquo;il n&rsquo;a, à ce jour, pas été condamné&raquo;, affirme le travailleur social. Au cœur de ce réseau, il y aurait également un Mauricien arrêté il y a deux ans à Maurice pour possession de subutex. Ce dernier, qui vit en France, a un contrat d&rsquo;agent recruteur pour embaucher du personnel manuel à l&rsquo;aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle. Toujours selon Ally Lazer, le subutex serait écoulé dans les faubourgs de Port-Louis ainsi que dans les boîtes de nuit au nord du pays.</p>