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Journée des monuments et sites: Patrimoine À l’heure du décès…

18 avril 2019, 22:36

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Journée des monuments et sites: Patrimoine À l’heure du décès…

Il n’y a pas que Notre-Dame de Paris qui a brûlé. Chez nous, de larges pans de biens communs ont pris le chemin de l’aller sans retour. Alors que nous marquons aujourd’hui la Journée des monuments et des sites, nous ne pouvons que nous souvenir à regret du patrimoine perdu. Un florilège non exhaustif. Comme ces flamboyants que l’on abat et qui ne sont pas remplacés.

Les démolitions 

Existe-t-il un inventaire du patrimoine disparu ? Pour cela, Thierry Le Breton, responsable de l’association SOS Patrimoine et membre du conseil d’administration du National Heritage Fund (NHF), estime que la principale difficulté à répertorier les monuments réside dans la définition même du terme «patrimoine».

«Qu’est-ce que l’on considère comme patrimoine ? Cela ne concerne pas que l’État, mais aussi ce que le secteur privé a démoli au nom du développement. Il y a les édifices religieux datant du XIXe siècle qui ont été remis à neuf avec du béton et toutes les traditions qui ont disparu.» Ce défenseur du patrimoine confie qu’au NHF, il a «proposé qu’un relevé des baitka d’origine soit réalisé car elles ont contribué à l’éveil politique de la population».

En matière de patrimoine, la définition devrait aussi comprendre les édifices démolis. Parmi les destructions les plus frappantes qui ont soulevé l’indignation celle de La School, qui a abrité le collège Royal puis plus tard le zone directorate du ministère de l’Éducation. L’édifice en bois a été démoli en 2017 pour faire place à la nouvelle Cour suprême. À la place d’Armes, la boulangerie du Roy devenue Imprimerie du gouvernement a fait place au siège de la State Bank. Ont également disparu : le Merchant Navy Club, des fortifications navales dans des régions côtières. 

Les fouilles du chantier du Metro Express ont mis au jour des vestiges du chemin de fer. On ne sait pas encore ce qu’il en adviendra. Le tort de toutes ces structures: elles ne sont pas classées patrimoine national, donc pas protégées par la loi.

Les tombes vandalisées

Qui a peur des morts ? Pas les vandales qui hantent la partie historique du cimetière de l’Ouest. L’un des derniers exemples en date : la tombe du lieutenant de frégate, le Britannique Archibald Litchfield, décédé en 1817 et enterré à Cassis. C’est Philippe La Hausse de Lalouvière, ancien président du National Heritage Fund, qui signale cet acte de vandalisme. Selon lui, cet officier avait été la coqueluche des jeunes filles de Port-Louis. «Après sa mort, elles ont continué à fleurir sa tombe.» Le comble, c’est que ce monument funéraire est classé patrimoine national. Le cimetière de l’Ouest abrite une série de tombes officiellement protégées par la loi, dont celles de Lislet Geoffroy, Louis l’Echelle, Prosper d’Epinay, Charles Baissac ou encore Onésipho Beaugeard.

Outre la tombe du lieutenant de frégate Litchfield, le cimetière de l’Ouest abrite une série de sépultures protégées par la loi.

Pain maison dehors 

Le patrimoine est aussi dans l’assiette. «Le pain maison n’est plus comme autrefois.» Commentaires qui reviennent aux oreilles de Philippe La Hausse de Lalouvière, directeur général des Moulins de La Concorde et défenseur du patrimoine. «Le pain très dur, dont on jetait la mie, s’est transformé en pain rond.» La pâte a pris : Philippe La Hausse de Lalouvière qui dit travailler sur le pain maison explique avoir vu ce type de pain à Maputo, au Mozambique et au Portugal. «Peut-être qu’il a été apporté par les esclaves.» Les kolkote et autres gato kanet sont aussi parmi les traditions culinaires qui se sont raréfiées.

Les paroles s’envolent

Recueillir les témoignages des personnalités marquantes de Maurice. Pour qu’ils donnent leur version de l’Histoire. Dans un récent entretien, l’historienne Vijaya Teelock déplorait : «Personne n’a pris la peine d’interviewer ces gens.» Résultat : on se fie aux sources qui souvent se trouvent en Grande-Bretagne. Or, soulignait Vijaya Teelock, «l’histoire ne s’écrit pas qu’avec des documents officiels. Il faut aller vers des sources directes, écouter les témoins de l’Histoire». L’impossibilité de le faire vient du manque d’archives documentaires, notamment celles de la Mauritius Broadcasting Corporation qui ont partiellement disparu. «Tout cela dépend aussi de celui qui contrôle ces archives. On a tendance à négliger et à jeter ce qui paraît vieux», fait elle remarquer.

Les métiers disparus 

Bhooshan Ramloll, entrepreneur du secteur de la construction, affirmait récemment sa difficulté à trouver des poseurs de bardeaux. Un savoir-faire indispensable pour la rénovation d’édifices historiques, dont l’hôtel de ville de Curepipe, actuellement en travaux. L’entrepreneur explique qu’il doit recruter en Inde et au Bangladesh. Autres métiers en voie de disparition : tombaliste , matelassier, marsan boutey, etc.