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Richelieu: savourer des célébrations familiales au-delà des murs d'une prison

28 décembre 2018, 22:20

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Richelieu: savourer des célébrations familiales au-delà des murs d'une prison

«Zot pou vini ? Zot pa pou vini ?» Marie-Ange, 35 ans, trépigne d’impatience sous la petite salle verte aménagée à la Open Prison de Richelieu. Elle a les yeux rivés sur le portail d’entrée. Nous sommes le 26 décembre. Un jour après Noël, elle s’apprête à savourer des célébrations familiales. Tout comme dix autres détenues.

Marie-Ange, mère de deux filles de 15 et 8 ans respectivement, a écopé d’une peine d’emprisonnement de 13 ans après l’agression de son époux. Netisha, sa benjamine, ne cache pas sa joie de retrouver sa maman. «Monn santi mwa bien kontan ler monn trouv li. Mo mama mank mwa bokou. Kapav mo pou blié tou sekinn pasé azordi pou sa visit spésialla. Mé enn zafer mo koné : tou kout li pou res mo mama.»

Le coeur rempli d’émotion, Marie-Ange, qui devrait être libérée en 2020, rejoint ses collègues pour préparer un tableau vivant pour les célébrations. Vêtues de tenues d’anges et de mages, elles débutent par des interprétations de chansons devant leurs proches médusés par la performance.

Pour cette fête de Noël, les détenues ont formé une chorale depuis novembre. «J’accompagne les femmes à la prison depuis 1984. Avec la chorale, nous avons fait des répétitions depuis novembre. Elles sont très talentueuses», affirme soeur Marie-Françoise du Bon Pasteur, à Beau-Bassin. Ainsi, les prisonnières ont donné de la voix et enchanté l’assistance composée d’environ 25 personnes.

Laura, 37 ans, qui est en détention depuis quatre ans, avait du mal à contenir ses émotions. Emprisonnée suivant un délit de drogue, cette mère de deux enfants, sera libre dans trois ans. «Il y a des hauts et des bas. En prison nos enfants nous manquent. Nous ignorons ce qui se passe, ils peuvent tomber malades. Pou Noël li enkor pli difisil. Mo pli gran kado sé kan mo pou sorti. Mo pou touzour avek zot», confie-t-elle d’une voix saccadée.

Samuel, 17 ans, son fils, palefrenier, s’est empressé de venir à sa rencontre après son travail : «Mo vrémen kontan mo avek mo mama. Sé mo pli zoli kado.»

Pendant deux heures, détenues et familles ont savouré ce précieux temps de fête. Un projet mis en place depuis le mois d’octobre, confirment Josian Babet, responsable de communication de la prison et Mirella Latchman, Assistant Superintendent à la Open Prison des femmes. «Noël est un moment fort. Nous voulons préserver ce lien familial et encourager les jeunes à voir leur maman. Une semaine avant Noël d’ailleurs, nous avons procédé à une remise de cadeaux des détenues à leurs enfants», déclare notre interlocuteur.

Pour sa part, Mirella Latchman constate l’allégresse se distillant au sein de cette réunion familiale : «C’est important de faire ces activités. De plus, à Noël, les détenues sont vraiment tristes. Nous devons essayer de conserver cet esprit familial. D’ailleurs, l’Open Prison est basée sur un modèle australien oeuvrant pour la réhabilitation. Chaque détenue a ses propres responsabilités. On leur inculque ces valeurs pour qu’elles puissent se réinsérer à leur sortie et retrouver leur vie familiale, de mère et d’épouse.»

En effet, si Laura est devenue une spécialiste en cuisine, Marie-Ange, elle, maîtrise la couture du bout des doigts. «Zamé mo tinn trap enn masinn dan mo lavi. Aster-la, mo finn appran fer uniform, nap, té doryé. Mo kapav anbeli mo lakaz», espère- t-elle. Côté travail, elle se fie à sa débrouillardise mais aussi à une petite entreprise alimentaire qu’elle avait montée avant son incarcération.

«Nou dan prizon parski noun foté. Mé la noun réabilité. Mo pé trouv létan pass dousman mé mo pa per. Mo finn gagn bokou kour dan prizon ki finn permet mwa rélévé», ajoute-t-elle. Quant à Laura qui mitonne les plats pour les petits-déjeuners, goûters, déjeuners et dîners, à sa libération, son objectif est de rattraper le temps perdu auprès de sa famille et de chercher un bon emploi.

Mais l’heure est aux réjouissances. En musique, en paroles et autour d’un repas, le coeur des détenues et familles bat à l’unisson.