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Shaneera Rasqué: Apporter l’expertise du Risk Management dans le giron international

23 décembre 2018, 14:53

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Shaneera Rasqué: Apporter l’expertise du Risk Management dans le giron international

À 37 ans, la Mauricienne a un beau parcours en Europe à son actif. Et elle n’a pas dit son dernier mot.

La Mauricienne Shaneera Rasqué continue son ascension dans le domaine de la finance au Luxembourg où elle s’est établie depuis 2011. Elle a récemment intégré la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF).

Pour faire court, cette importante instance veille à ce que les entités agréées respectent les règlementations qui les concernent à la lettre afin d’assurer la protection des consommateurs et œuvre aussi à prévenir l’utilisation du secteur à des fins de blanchiment et au financement du terrorisme. La commission de surveillance du secteur financier représente la supervision luxembourgeoise sur la scène européenne et internationale. Ce qui n’est pas rien. Et Shaneera Rasqué n’a eu aucun mal à s’y insérer. Mais elle n’est pas autorisée à parler des spécificités liées à son emploi car les responsabilités de tous les employés de la CSSF sont confidentielles.

Cette femme de 37 ans est la fille d’Amita Boolell, Consumer Affairs Officer à la Consumer Protection Unit, et de Hans Gunesh, ancien secrétaire administratif à la Fédération mauricienne de sports coopératifs, aujourd’hui à la retraite. Son résultat de cycle primaire lui ouvre les portes du Queen Elizabeth College. Classée juste après les lauréats, elle obtient une bourse du gouvernement français.

C’est à l’université de Strasbourg que Shaneera Rasqué profite de sa bourse d’études supérieures, optant d’abord pour l’économie et se spécialisant en finance à la fin de sa troisième année. «Ce choix ne s’est imposé qu’à la fin de la troisième année et après que j’ai fait le tour des matières. En choisissant la finance, j’ai réalisé qu’elle me rapprochait du monde réel, rendant les concepts concrets. J’ai rapidement développé une passion pour la finance.»

À tel point qu’elle pousse les études jusqu’au doctorat en finance comportementale, une branche de la finance apparue à la fin des années 70 et qui tente de démontrer comment certaines caractéristiques humaines comme la rationalité limitée peuvent influencer de manière systématique les décisions d’investissement et les orientations de marchés.

C’est à l’université qu’elle rencontre le Luxembourgeois Pierrot Rasqué et ils tombent amoureux. Mais Shaneera Rasqué garde, malgré tout, la tête froide et les pieds sur terre. Elle se passionne tellement pour la finance qu’elle décide de l’enseigner. À l’obtention de son doctorat, elle quitte Strasbourg et s’installe en Suisse où elle enseigne en tant qu’Associate Professor. Lorsque son petit ami termine ses études en finance à Strasbourg, le Luxembourgeois regagne son pays natal et l’invite à l’y suivre, ce qu’elle fait en mettant un terme à son contrat en Suisse.

Au Luxembourg, elle obtient un emploi au sein d’une société des Big Four, soit chez KPMG où elle entame en parallèle une qualification professionnelle, soit le Financial Risk Manager de GARP, qui est une des formations les plus cotées et les exhaustives dans le domaine du Risk Management. Elle rejoint ensuite l’industrie des fonds d’investissements. Elle occupe le poste de Risk Manager chez plusieurs Asset Managers. Appelée à définir son rôle à l’époque, Shaneera Rasqué explique que c’est une fonction-clé dans le monde bancaire ou celui des fonds d’investissements. Elle doit mesurer, faire le suivi et rédiger des rapports sur les risques auxquels sont ou pourraient être soumis les fonds d’investissements. «Le Risk Manager est un pilier, d’autant plus qu’il est le trait d’union entre les fonctions dirigeantes et la technicité du métier. C’est un métier d’équilibriste», affirme-t-elle.

Avant d’être recrutée par la CSSF, Shaneera Rasqué est sollicitée comme dirigeante chez SEB Fund Services. Là, elle assume toutes les responsabilités du Risk Management mais participe aussi au bon fonctionnement règlementaire et aux opérations quotidiennes de la société. «C’était un métier très demandeur qui voulait que l’on jongle avec plusieurs casquettes et qui demandait de la créativité et beaucoup d’énergie.»

Entre-temps, Shaneera Rasqué a épousé son Pierrot et lui a donné une fille, Shona, âgée de cinq ans. Pierrot Rasqué travaille au ministère des Finances. «Il est mon pendant dans le domaine professionnel et personnel. Son travail est très prenant et il est souvent appelé à voyager. Nous avons tous deux fait beaucoup de sacrifices pour arriver là où nous sommes professionnellement», raconte-t-elle. Heureusement qu’elle sait pouvoir compter sur ses beaux-parents pour encadrer leur petite-fille et enrichir le cocon familial.

Elle reconnaît que les femmes ne sont pas nombreuses dans le secteur financier en Europe et ailleurs. «Mais il y en a de plus en plus. Il n’est jamais aisé pour une femme de pouvoir jongler entre sa vie professionnelle et personnelle. Je suis d’autant plus confrontée à ce challenge car je suis perfectionniste dans l’âme. Je veux être sur tous les fronts et donner le meilleur de moi-même partout. Chercher à trouver cet équilibre pour la femme est à mon avis pour elle le principal frein dans le contexte du secteur financier. Mais je refuse de dire que c’est impossible. Si moi, je l’ai réussi, j’espère humblement pouvoir en inspirer d’autres.»

Les hommes évoluant dans le secteur financier ont aussi évolué positivement en termes de mentalité, poursuit Shaneera Rasqué «Je pense sincèrement que les compétences de la femme sont d’emblée reconnues. De manière générale, mon sentiment est que je ne suis pas écartée parce que je suis une femme. Mais dans le passé, je l’ai parfois subi et on m’a fait comprendre qu’une femme n’avait pas son mot à dire. J’ai aussi observé que face à ces comportements machistes, les femmes ont tendance à se recroqueviller sur elles et à s’effacer dans des environnements où les hommes prédominent. De ce fait, elles se mettent moins en avant et sont systématiquement moins écoutées.» Ce qui explique, ajoute-t-elle, pourquoi elle a incité sa fille Shona à prendre des cours de karaté dès l’âge de quatre ans pour affermir sa confiance en elle.

Les difficultés qu’elle a rencontrées au cours de son parcours sont surtout une obstination de certains qui parfois éprouvent de la difficulté à quitter leur zone de confort pour tenir compte des suggestions des autres. «J’ai souvent été confrontée en milieu professionnel à des regards fortement désapprobateurs et critiques par rapport à ce que je considère être des qualités chez moi, soit la proposition d’idées nouvelles ayant pour vocation de changer les choses. Ce sont surtout des personnes qui ont occupé des postes à responsabilités pendant plusieurs années. J’ai horreur des systèmes hiérarchiques et pyramidaux à outrance. Je ne crois pas en la hiérarchisation mais en la liberté des neurones. Mais je ne changerai pour rien au monde mon caractère car je considère que même si le changement fait peur, s’il est constructif, il est forcément salutaire.»

Le secteur financier local s’est pas mal développé. Serait-elle tentée par un retour au pays? «Cela fait presque 17 ans que j’ai quitté l’île, même si j’y reviens annuellement pour des vacances. Je suis contente et fière de ce que j’ai pu accomplir à l’étranger grâce à mes parents, mon mari, mes beauxparents envers qui j’éprouve une reconnaissance inouïe. Je suis également reconnaissante envers le Luxembourg pour m’avoir accueillie et donné une belle qualité de vie à moi et à mon mari et ma fille. Cela dit, mon cœur est très attaché à mon île. Sait-on jamais…»