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Dev Sunnasy: «La politique est devenue un business familial»

11 décembre 2018, 09:19

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Dev Sunnasy: «La politique est devenue un business familial»

C’est aujourd’hui que le Komite 13 Oktob présentera sa stratégie pour un nouveau mouvement politique. Pourquoi se lancer dans cette arène ? Dev Sunnasy, un des membres de ce mouvement, s’explique.

Pourquoi un nouveau mouvement politique maintenant?
Le Komite 13 Octob a été créé lors d’un des débats de la plateforme SmartCitizen – Koz Kozé axé sur le thème suivant «Transformation of Government and Politics». L’idée a germé après un workshop d’une journée focalisé sur les piliers de la démocratie et des séances de brainstorming. Des propositions d’améliorations de notre système parlementaire, exécutif, judiciaire, entre autres, ont émergé.

Et quel a été le déclic ?
Après huit heures de travail, nos conclusions sur les propositions des groupes de discussion ont démontré qu’il n’y a aucune confiance envers les partis traditionnels pour apporter un changement positif et démocratique dans notre société.

Donc, votre comité arrive à la rescousse…
Le Komite 13 Oktob a été créé pour mener le mandat de la démocratisation de la société en toute transparence. D’ailleurs, je vous confirme que plus de 50 % du comité ne s’est jamais rencontré avant le 13 octobre, date du workshop. Mais à 100 %, nous avons tous la perception que notre démocratie est flouée, voire qu’elle est au centre qu’une «tricherie».

Qui compose le Komité 13 Oktob ?
Nous sommes intégralement constitués de gens de la société normale et de tous bords. 50 % des jeunes, à partir de la vingtaine, sont issus de diverses formations ; et 10 % sont des anciens de plus de 60 ans dotés d’expérience dans plusieurs domaines professionnels.

Les autres membres sont dans la tranche d’âge de 40 à 60 ans. Il faut savoir que les membres du Komite 13 Oktob ne se retrouvent absolument pas dans le style de fonctionnement des partis traditionnels. Le ras-le-bol en termes de confiance en l’État est total.

À quoi serait dû ce «manque de confiance» ?
Nous vivons dans une société qui est, depuis trop longtemps, gérée par la peur. Les citoyens ont peur des représailles. Dès qu’on parle de politique, les gens vous diront : «Ayo, pa kapav kozé.» Dans une démocratie moderne, c’est plutôt le gouvernement qui devrait avoir peur de son peuple. Ainsi, le focus de l’État devrait davantage prôner le travail pour satisfaire la population.

Quelle est donc votre stratégie politique ?
Notre stratégie se base sur la démocratie participative où chaque citoyen est concerné et est partie prenante des diverses étapes du processus. Notre mouvement politique aura pour ambition d’aligner 63 candidats aux prochaines élections. On oublie trop souvent que notre modèle de démocratie représentative est un chèque en blanc du peuple au gouvernement élu, qui, une fois au pouvoir, fait souvent le contraire de ce qu’il a dit. Ou alors, il prend des décisions allant à l’encontre de ce que veut le peuple.

En même temps, une partie de la population vénère les politiciens tels des demi-dieux. Hélas, ces citoyens ne comprennent pas qu’ils sont tout simplement leurs employés de passage tout comme certains fonctionnaires. Le service public est redevable envers le peuple et non le contraire. La politique mauricienne est devenue un business familial qui tourne autour de l’argent avant tout. Il est grand temps que cela change.

Pourquoi estimez-vous que cela doit changer ?
En fait, le modèle politique existant a engendré un modèle économique disparate avec des injustices évoluant dans une opacité totale et des perceptions de corruption à tous les niveaux. Les inégalités grandissent. L’entrepreneuriat local souffre. Les jeunes tombent dans des fléaux divers tels que la drogue. Nous avons l’impression que l’argent public est trop souvent mal utilisé. Sans transparence, il n’y a plus de confiance. Nous proposerons une vraie transformation du secteur public et de la politique sur une approche bottom-up, c’està- dire du point de vue du citoyen.

En quoi vous démarquez- vous des autres partis ayant acquis de l’expérience et marqué l’histoire ?
On nous a habitués à ce modèle où un leader, souvent autoproclamé, dicte tout, choisit ses candidats en fonction de ses critères. Et nous, citoyens, ne faisons qu’obéir et applaudir. Au comité, nous ferons le contraire et le faisons déjà…

Comment ?
Le Komite 13 Oktob démarre un processus démocratique dont la finalité est la création d’un mouvement politique citoyen où n’importe qui aura l’opportunité de devenir candidat aux prochaines élections dans la mesure où il est choisi par les électeurs de sa région. Ce sont les citoyens qui choisiront leurs candidats-citoyens et le citoyen-leader.

Regardez, c’est ce qui se passe en France, aux États-Unis, en Italie et tout récemment au Botswana. On n’invente rien. Mais on adapte pour Maurice. En somme, nous ne faisons que participer pour une évolution positive de notre démocratie. Pendant trop longtemps, nous nous sommes cantonnés à être spectateurs et passifs. Désormais, les citoyens sont acteurs et actifs. Si nous n’agissons pas, nous passerons notre vie à nous plaindre de ce système politique qui perdure depuis l’Indépendance. Toute la méthodologie de notre stratégie sera expliquée durant une conférence de presse ce samedi.

Les alliances sont impératives pour remporter des élections. Ferez-vous cavalier seul ?
À ce stade, le parti n’a pas encore été créé. C’est en mars 2019 que ce sera le cas.

La réforme électorale fait encore débat. Quels principaux changements seront apportés, selon vous ?
Je le déplore : il n’y a pas de consultations entre le peuple et le gouvernement. Le manifeste de l’alliance Lepep de 2014 proposait 5 % pour la représentation proportionnelle et de la transparence. Mais maintenant, c’est 10 % et comme d’habitude, tout est opaque.

Le financement occulte pendant la période électorale constitue, à mes yeux, la plus grande corruption à ciel ouvert qui arrive tous les cinq ans. Et maintenant, on la légalise. Au lieu d’appliquer des méthodes pour qu’une campagne électorale coûte moins cher – et croyez-moi, on peut le faire –, on fait le contraire. Certains aiment bien l’argent et par plusieurs millions. Le temps des roder bout est arrivé.

Comment pourrait-on baisser les coûts ?
Dans chaque ville, région et village il y a des salles de l’État. Si ces lieux étaient correctement équipés et mis à la disposition des partis, le budget d’une campagne électorale baisserait. Cependant, ce n’est pas bon pour le money politics. Le gouvernement utilise l’argent des contribuables, mais il vous dit que vous ne devez rien savoir sur qui finance les partis et de surcroît sans limite. Il y a forcément un problème. Et là, c’est aux citoyens de le résoudre.

On ne cesse de clamer l’importance des votes électroniques… qui ne viennent toujours pas. Pourquoi ?
Ce n’est plus compliqué de nos jours de voter et faire des référendums par voie électronique et via Internet. Plusieurs pays le font déjà. La diaspora pourra y participer. Par exemple, les Mauriciens absents du pays pour diverses raisons le jour des élections pourront faire leur devoir civique. Le coût total baissera.

De plus, avec la réforme, je m’interroge. Le fait qu’un leader puisse choisir ses six députés que les électeurs auraient rejetés lors du first past the post, est-il acceptable dans une démocratie ? Donc, si demain Monsieur Zorey ou Monsieur Lalang ne reçoit qu’un vote soit la sienne, il serait un député repêché ? Kot nou pé alé ? Est-ce normal que ce soit deux leaders de deux grands partis qui décident du sort du pays ? Une décision aussi importante devrait revenir au citoyen ou à un référendum.

 


Bio express

<p style="text-align: justify;">Après son HSC au collège du Saint-Esprit, Dev Sunnasy entreprend des études en informatique à Paris. Il a travaillé chez Elf-Sanofi et Initiative Media dans le département informatique. De retour à Maurice, il crée sa propre société dans les technologies nouvelles et les réseaux.</p>

<p style="text-align: justify;">Depuis 2015, il est le président de la Mauritius Information and Technology Industry Association. À la mi-2016, il fonde une entreprise sociale, SmartCitizen, qui devient ensuite une ONG en vue de soutenir les PME et de former les jeunes pour l&rsquo;obtention d&rsquo;un emploi. Aujourd&rsquo;hui, il oeuvre également au sein du Komite 13 Oktob.</p>