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Recalés du PSAC: échecs et maths

28 octobre 2018, 23:00

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Recalés du PSAC: échecs et maths

Vendredi, les examens du Primary School Achievement Certificate (PSAC) se sont achevés. Alors que certains poussent un ouf de soulagement et croisent les doigts pour les résultats, pour d’autres, c’est couru d’avance. Ils savent déjà qu’ils sont hors-course…                                                                                      

«En classe, je n’arrive pas à bien travailler. Je me sens triste…» lâche timidement Loriana, 10 ans. Au quotidien, la petite fille se sent impuissante : «Je n’arrive pas à me concentrer. Parfois, je comprends. D’autres fois, rien ne passe. Je n’ose le dire. Jamais je ne le dirai à mon professeur…» Sa détresse est partagée par son frère jumeau. En effet, ces deux enfants de Grade 5 ont un faible niveau d’apprentissage. Aujourd’hui, leur espoir, et celui de Marie-Noëlle, leur maman, s’accroche au soutien de l’École complémentaire. «Mes enfants sont en difficulté scolaire depuis des années. Cela me fait mal. Je n’ai pas les moyens de leur payer des cours particuliers qui coûtent Rs 750», explique-t-elle.

Son inquiétude ne cesse de croître face à la performance d’un des petits actuellement : «Le professeur a 38 enfants en classe. Ces temps-ci, je remarque que mon enfant est encore plus recalé. Face à un enfant en difficulté, l’enseignant ne semble pas s’en préoccuper. Pourtant, il a besoin de plus d’attention», soupire-t-elle.

Également confrontée à cette situation, Diana, maman d’un enfant de 9 ans, crie son impuissance et sa colère, surtout en voyant clairement que les professeurs sont eux-mêmes dépassés : «Quand un professeur vient dire qu’il est un ‘faiseur de miracle’ alors que mon enfant ne progresse pas, j’ai du mal à digérer. Je cherche un enseignant qui puisse accompagner mon enfant comme moi j’essaie de l’encadrer tant bien que mal à la maison.» Comment le petit vitil la situation en classe? «C’est le clown désigné de la classe. Je crois que c’est sa façon à lui de cope. Il me dit constamment : ‘Maman, de toute façon, je suis bête’. Et quand je lui demande qui lui a dit cela, il refuse de répondre», confie Diana. Elle affirme que chaque soir est un calvaire pour les devoirs : «Un simple exercice de mathématiques qu’on ferait en 10 minutes, par exemple, prend une heure. Mon enfant va se lever 10,000 fois pour aller boire de l’eau, aiguiser son crayon… Je ne sais plus quoi faire.»

Pourquoi les faire monter ?

Pourquoi les enfants sujets à de telles difficultés d’apprentissage montent en classe supérieure ? «Logiquement, cela n’aurait pas dû être effectif. On embête l’enfant d’une certaine manière. Car à chaque examen, il va franchir un papier. Arrivés au PSAC, on va le voir échouer et être dépourvus des notions de base. Il ne saura ni lire, ni écrire, ni compter», explique Brian Pitchen, enseignant au prévocationnel. Pour Diana, l’objectif des autorités est d’en finir avec les recalés de l’ère du Certificate of Primary Education (CPE). Mais dans le fond, critique-t-elle, celles-ci ne font que maquiller l’échec scolaire : «L’échec, c’est quand en Grade 3, 4, 5 et 6, l’enfant ne comprend pas l’anglais. Du coup, impossible pour lui de faire les mathématiques, sciences, histoire-géo. Si les enfants n’ont pas le niveau, pourquoi les faire monter ? Mon fils qui est en grade 4 a un niveau de Grade 2, soit le même niveau voire plus faible que son petit frère.» Et lorsque Diana et son mari ont demandé à l’enseignante si le petit devait refaire le Grade 3, celle-ci a indiqué que non et que cela irait. «Sauf que ça ne va pas du tout», indique-t-elle.

Selon Om Varma, pédagogue et directeur du Mauritius Institute of Education, il n’y a pas une politique précise pour qu’un enfant redouble. Ce cas de figure prévaut dans plusieurs pays. Et sous la Nine- Year Schooling, précise-t-il, des mesures ont été prises notamment pour la provision de «support teachers» et le monitorage de la progression de l’élève dès le Grade l. «Néanmoins, à la requête du parent, je crois qu’un enfant peut redoubler de classe une fois. C’est pour cela qu’il faut une approche holistique dans le cursus, les livres, la pédagogie, le soutien et le suivi. Cela est nécessaire pour le succès», indique-t-il. D’après le pédagogue, il est impératif que les enfants ne soient pas encombrés en matière de contenu ainsi que des leçons particulières. «Nous devons permettre à chaque enfant de progresser à son propre rythme. Il y a beaucoup de late developers qui s’améliorent avec un soutien adéquat», affirme- t-il.

 Accumulations D’échecs

 Quelles sont les conséquences lorsque ces derniers montent en classe supérieure ? «Nous avons un danger d’accumulation d’échec. L’enfant développera une attitude à l’effet que le succès est impossible s’il est livré à lui-même. Le système mis en place change et prendra du temps pour voir les effets », ajoute Om Varma. De son côté, Brian Pitchen observe que plus l’enfant recalé grandit, plus l’écart se creuse : «À 11/12 ans, il ne connaît pas les bases de l’écriture, de la lecture et du calcul. Il éprouvera plus de difficultés avec le temps. Cela affectera aussi son estime de soi. Il va se demander ce qu’il va devenir et cela va générer une grande frustration.»

 Comment solutionner cela ? «Le ministère devrait s’intéresser aux slow learners, comme mon fils. Il prend simplement du temps à comprendre les informations. Dès le départ, ce genre d’élèves devraient être identifiés», déclare Diana. Brian Pitchen abonde dans ce sens : «Il faut instituer un mécanisme dès le Grade 3 pour détecter ces difficultés et apporter des mesures correctives et immédiates.» Il suggère d’autres pistes également telles que des évaluations orales en complément aux épreuves écrites. En effet, l’enseignant affirme que les enfants, en dépit de difficultés d’apprentissages, pourraient bien s’exprimer oralement. De plus, souligne-t-il, les examens pourraient également être effectués en anglais et en créole pour faciliter l’assimilation. Des professeurs spécialisés sont également requis, confie Diana : «La réforme ne fait que transposer la rat race. La façon d’enseigner n’est plus adaptée aux élèves. Pour moi, une vraie réforme de l’éducation passe avant tout par une réforme de la façon d’enseigner.»

D’ailleurs, Om Varma est d’avis que l’enseignement doit s’aligner sur le niveau de l’enfant et préconisé un suivi approprié à l’école. Parallèlement, les parents devraient s’impliquer et motiver leurs enfants à travailler dur et à être en classe régulièrement. «Tous les partenaires doivent collaborer. C’est d’ailleurs le but de la réforme. Nous devons apprendre à l’enfant à acquérir une éducation de base qui l’aidera à s’orienter après la Nine-Year Schooling», conclut-il.