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Publications du couple Ruhomally: le militantisme 2.0

27 octobre 2018, 22:05

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Publications du couple Ruhomally: le militantisme 2.0

Alors que d’anciens militants débattent de l’avenir du militantisme, aujourd’hui, le couple Ruhomally montre une nouvelle facette de ce combat. Pour la liberté d’expression, pour la diffusion de nouvelles qui appellent à réflexion sur la société, mais par le biais d’internet. Mais toujours avec, à la clé, des arrestations pour avoir dérangé le pouvoir en place.

Deux époques, deux méthodes. Alors que Jack Bizlall, un des derniers du militantisme des années 70, peine à attirer des journalistes à une conférence de presse syndicale sur le CEB, le couple Ruhomally croule sous les commentaires dans le sillage d’un combat qu’il mène sur la Toile. Et qui a culminé avec la publication sur Facebook d’une photo montrant Kobita Jugnauth, l’épouse du PM, en compagnie de Sherry Singh, Chief Executive Officer de Mauritius Telecom (MT) Publication qui a valu au couple d’être convoqué aux Casernes centrales après une plainte de Sherry Singh pour diffamation.

«Mon mari est un freedom fighter et un freedom writer», dit Farinah Ruhomally. Soit un militant qui se sert de la plateforme virtuelle pour amener le public à se battre pour ses droits fondamentaux et sa liberté d’expression.

« Je suis convaincue de la pertinence du combat que mène Hassenjee. Je me battrai à ses côtés. J’irai en prison avec lui si c’est le prix qu’il faut payer pour que la population retrouve sa liberté d’expression.» Hassenjee Ruhomally n’est pas un nouveau venu dans l’univers de la communication en ligne. L’Internet, l’informatique, les autoroutes de l’information, l’intelligence artificielle n’ont aucun secret pour Hassenjee Ruhomally. Sa carte de visite témoigne d’ailleurs de sa proximité avec le monde virtuel. Il détient une licence en informatique de l’université de Bordeaux et est détenteur d’une maîtrise de l’université de Wales dans le domaine de la programmation, du développement des sites web. Il possède aussi un doctorat en Security over Satellite Communication broadband & IP Version 6.

Avant même que MT devienne le premier gros prestataire de services en ligne, il faisait partie d’Internet on line Services, qui assurait entre autres services la communication par internet. Il est partenaire de Google, après avoir subi des examens visant à tester son aptitude à travailler selon les normes de la firme. Une situation qui lui permet notamment de disposer d’informations technologiques privilégiées auprès de Google. Tous les vendredis, il livre aux responsables de Facebook une liste de sites qui font la promotion de la pornographie et de la pédophilie, afin de prévenir la prolifération de tels produits sur le réseau social.

Cependant, sa proximité avec le monde virtuel n’a pas réussi à faire perdre à Hassenjee Ruhomally le sens de la réalité du quotidien. Il utilise surtout cet outil pour redonner le goût à la lecture, même si en ligne, face à la perte d’intérêt pour la lecture des journaux traditionnels.

«Je ne suis pas journaliste», soutient Hassenjee Ruhomally. «Mes commentaires sont fondés sur la lecture des textes des journaux.» Lorsqu’on ne maîtrise pas la source de ses informations de façon directe, les risques d’erreur sont réels. C’est ce qui a amené Hassenjee Ruhomally à reconnaître que trois points sur une liste d’arguments présentés dans la plainte du CEO de Mauritius Telecom niant la proximité de Sherry Singh avec la famille Jugnauth n’étaient pas conformes à la réalité. «Il n’y a pas de mal à reconnaître ses erreurs. C’est le refus de reconnaître ses erreurs qui est regrettable, 33 questions m’ont été posées dans le cadre de l’enquête du CCID. Les autres points tiennent toujours.»

Hassenjee Ruhomally avait-il un agenda caché en publiant la photo en question ? «Celle-ci a circulé en cercle fermé depuis le 1er octobre. Pourquoi ai-je été le seul interrogé dans cette affaire ? Suis-je devenu un ennemi de l’État ? En publiant cette photo, ma seule et unique intention était de présenter un fait qui pourrait donner à penser que MT pourrait potentiellement disposer d’un avantage par rapport aux autres concurrents. À aucun moment, mon argument n’a dépassé cette limite. Je déplore que certains internautes malveillants y aient trouvé matière pour formuler des allégations malveillantes à l’égard de Kobita Jugnauth.»

Avec le couple Ruhomally, naît une nouvelle forme de militantisme, moins bruyant que celui des années 70, mais efficace et percutant différemment. Car avec l’avènement de la communication en ligne, toute tentative de brimer la liberté d’expression devient inutile. À condition toutefois que la peur de s’exprimer ne vienne pas tuer la liberté d’expression.

Des commentaires difficiles à gérer sur Facebook

Pour mener à bien son combat en ligne, Hassenjee Ruhomally a opté pour une page ouverte au grand public. Cependant, évoluer librement sur ce créneau d’information et d’échanges en ligne comporte un risque : celui de ne plus exercer un contrôle systématique sur le flux des commentaires. S’il y en a peu, le contrôle peut être réalisé plus ou moins avec facilité. Mais lorsqu’ils se multiplient par centaine, «je ne peux pas tout contrôler». Hassenjee Ruhomally reconnaît avoir enlevé quelques commentaires, mais s’est avoué vaincu devant la masse d’internautes commentant la photo montrant Kobita Jugnauth et Sherry Singh. Et des commentaires désobligeants à l’égard des deux personnalités ont été postés sur la page des Ruhomally. D’où leur convocation au CCID. Le couple dispose cependant d’une autre formule où il sera moins exposé à l’intrusion de l’opinion publique dans le cadre d’un débat en ligne, soi t un accès filtré. Or, le choix d’une page ouverte au public est le propre même du militantisme citoyen en ligne.

Leur grand combat

L’événement qui a propulsé le couple au-devant la scène est une information postée sur leur page Facebook, en 2015, au sujet d’une note de crédit non-réglée du séjour d’un ministre à l’hôpital ex-Apollo Bramwell. Cependant, la datation de l’affaire leur a joué un mauvais tour. Après une plainte du ministre de l’époque en question, Showkutally Soodhun, et une enquête de la police, le couple Ruhomally passera une nuit en cellule. Il est présenté en cour pour violation de l’«Information and Communication Technology Act». Leur page Facebook a commencé à attirer plus d’internautes. «Je ne suis pas à la recherche de notoriété. Je ne suis qu’un simple citoyen qui dénonce les choses qui ne vont pas dans le pays.» Cependant, une enquête réalisée par Axcel Chenney a dissipé la confusion autour de la datation du séjour du ministre en question. Il a donc été établi que la note de crédit est restée impayée jusqu’à la publication de l’article concernant ce séjour, en 2010. L’affaire a été rayée.