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Aujourd’hui je suis… une prostituée

14 octobre 2018, 18:00

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Aujourd’hui je suis… une prostituée

Facile de juger mais pas si simple à faire. Mercredi, on a décidé de faire le trottoir, pour voir. Il est 22 heures, les portes de tous les magasins à Quatre-Bornes sont closes. Habillée et maquillée, on approche quatre femmes qui elles, font vraiment ce métier. Être fille de joie, ce n’est pas de tout repos, confient-elles d’emblée. La plus jeune a 21 ans, «la» plus âgée est, en fait, un homme de 32 ans. Nous l’appellerons Isabelle.

Pendant la conversation, les coups de klaxon retentissent, on a la cote auprès des clients potentiels. Certains n’hésitent pas à sortir la tête de l’habitacle pour lancer des remarques salaces, des commentaires déplaisants. Pooja, elle, y est habituée : «Sa tigit sa…» Isabelle renchérit : «Il y en a qui sont des clients habituels. Quand ils passent en voiture avec leurs proches, ils font semblant de ne pas nous connaître, alor ki zot inn bien profité. Nou éna bann klian gran palto oussi…»

Le travail commence vers les 21 heures, les choses se précisent à mesure que le temps passe. Soudain, un van blanc se gare sur le parking devant nous. Marina confie qu’il s’agit d’un «vieux pervers». Une casquette vissée sur la tête, Monsieur Pervers nous observe par la vitre. «Toulézour li vinn la li gété mé zamé li pa apros nou. Nounn dir nou pou kas-kas li.» Une tentative d’approche de notre part n’aura rien donné.

Les filles expliquent qu’elles partagent le travail entre elles, chacune a sa part du gâteau. «Si l’une d’entre nous n’a pas eu de client et que nous si, nous proposons ses services aux prochains.» Les prix : Rs 500 pour une fellation, Rs 1 500 pour une heure complète et on rajoute Rs 500 pour chaque heure supplémentaire.

«Nous ne sommes pas que des prostituées. Nous sommes aussi des psychologues, des thérapeutes, des conseillères.»

Les minutes passent, les voitures aussi. Certains occupants s’arrêtent, observent et s’en vont. Certains hommes saluent même les prostituées, des habitués sans doute. «Nous ne sommes pas que des prostituées. Nous sommes aussi des psychologues, des thérapeutes, des conseillères. Nous avons très souvent affaire à des gens qui nous payent uniquement pour les écouter, les consoler ou encore pour leur donner des câlins et leur procurer du réconfort.» Mais il y a également des maniaques, des malades, des «bêtes sauvages».

Notre tout premier client à nous fera son apparition 45 minutes après le début de «l’opération». C’est un chauffeur de taxi qui se charge de faire l’intermédiaire, il affirme que son client, un ressortissant indien qui parle anglais, cherche une fille pour la nuit.

La discussion est entamée entre notre «proxénète» – qui n’est autre qu’un de nos photographes –, le client et l’entremetteur. L’Indien veut «la totale». Pour cela, il est prêt à monter jusqu’à Rs 2 000. Des roupies mauriciennes s’il vous plaît.

L’homme se montre impatient. Il nous demande de rentrer dans le taxi, il est pressé. Il explique qu’il va nous conduire dans un «hôtel de luxe» situé à quelques pas de là. A-t-il l’habitude de faire appel aux services des filles de joie ? «Oui (…) et dans plusieurs pays.»

La série de questions finit par lui mettre la puce à l’oreille. Nous avouons alors que nous sommes journalistes. Déconcerté, il ne prend cependant pas la fuite tout en essayant de se justifier. «Je ne fais rien de mal.» Culotté, il pousse même le bouchon plus loin. «Vous montez quand même ?»

Le chauffeur de taxi, lui, semblait avoir vu des fantômes. Et non, nous ne sommes pas allés jusqu’à l’hôtel en question…