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Université de technologie de Maurice: à quand un peu d’ordre ?

23 juin 2018, 02:30

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Université de technologie de Maurice: à quand un peu d’ordre ?

Un rapport accablant. La Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition était axée, jeudi 21 juin, sur le rapport d’audit de qualité sur l’université de technologie de Maurice (UTM). Xavier-Luc Duval qualifie ce rapport, rendu public le 1er juin, de «damning». Cela fait un moment que la gestion de l’UTM attire les critiques de l’opposition, des étudiants et des employés.

L’audit de la Tertiary Education Commission (TEC) met en exergue des lacunes au niveau du leadership de l’université. Pendant sa question parlementaire, Xavier-Luc Duval a avancé qu’un «trio infernal faisait la pluie et le beau temps au sein de l’université». Outre ce «trio infernal», il semble y avoir des lacunes sur le board of governors qui, d’ailleurs, n’arrive plus à travailler avec le management de l’UTM. Incursion.

Cette année, c’est sur le rapport de l’audit que Xavier-Luc Duval s’est basé. Il y est écrit : «The panel places on record its disappointment with respect to the engagements with and the behaviour of the Director General towards the audit process.»

La ministre de l’Éducation a, cependant, comme l’année dernière, pris la défense de Sharmila Seetulsingh-Goorah. Leela Devi Dookun-Luchoomun a, hier, expliqué que ce même panel la remercie aussi pour sa collaboration. Ce qui a provoqué la colère chez l’union des employés de l’UTM. «C’est le décorum qui veut que l’on remercie la directrice. Li tousel koné kifer li pé défann li», s’insurge Benniparsad Seewsagur, vice-président du syndicat. À noter que la directrice de l’UTM serait très proche du leadership du Mouvement socialiste militant (MSM).

«Trio infernal»

Outre Sharmila Seetulsingh-Goorah, deux autres membres du management de l’UTM feraient partie du «trio infernal» évoqué par Xavier-Luc Duval. Il a, d’ailleurs, expliqué qu’avec l’aval de la directrice de l’UTM, ces derniers auraient tous les pouvoirs au sein de l’institution d’enseignement supérieur. L’union des employés de l’UTM explique qu’il s’agirait de l’Acting Registrar, Mahendra Chutturdharry, et de l’Acting Head of Finance, Siamah Kaullychurn.

Au Parlement, le leader de l’opposition a expliqué que Mahendra Chutturdharry aurait refusé de tenir une réunion à la demande du professeur Theeshan Bahorun, Chairman du board of governors de l’UTM. Réunion au cours de laquelle le rapport d’audit devait être discuté.

«Pourquoi le board of governors n’a-t-il toujours pas eu le droit d’analyser ce rapport ?» se demande Xavier-Luc Duval. Ce à quoi la ministre de l’Éducation a répondu que la réunion n’a pas été refusée. «Le management travaille justement sur des propositions quant aux recommandations faites par le panel. Une fois celles-ci finalisées, nous aurons une réunion avec le board.» Leela Devi Dookun-Luchoomun ajoute, au passage, qu’elle a elle-même eu une réunion avec le management pour passer le rapport au peigne fin.

Le clan s’opposant au «trio infernal» serait celui du professeur Theeshan Bahorun, un cousin de Pravind Jugnauth. Il est aussi le président de Polytechnics Mauritius et National Research Chair au sein du Mauritius Research Council.

 Depuis deux ans, il manque deux membres du secteur privé au board of governors, comme le requiert l’UTM Act. Les deux précédents membres auraient démissionné à cause de l’ingérence politique au sein de l’UTM.

Une candidate ratée

Une proche du leadership du MSM. C’est ainsi que l’on décrit Sharmila Seetulsingh-Goorah dans les milieux concernés. Après avoir rejoint le MSM en période préélectorale en 2014, la directrice de l’UTM n’aurait cessé de gravir les échelons. Présentée aux autres membres du MSM et de la presse comme candidate aux élections, elle devait recevoir un ticket électoral. Mais un scandale a éclaté quant à son appartenance politique. Sharmila Seetulsingh-Goorah était alors «Acting Dean» de la faculté des sciences. Elle avait d’ailleurs fait une demande de congés pour se consacrer à ses activités politiques. Mais cette requête n’ayant pas été acceptée, elle devait démissionner. Cependant, vu la polémique, Pravind Jugnauth a préféré qu’elle se retire, tout en lui promettant une nomination. Avant cela, la scientifique était proche du régime travailliste. En juillet 2015, elle a été nommée directrice générale de l’UTM, en succession à Dharam Fokeer. Puis, en 2017, soit deux ans après sa nomination, elle a provoqué des émules au sein de l’institution. Il lui a été reproché de ne pas communiquer avec le personnel et les étudiants. Mais lors d’une PNQ le 9 mai 2016, la ministre Leela Devi DookunLuchoomun l’a défendue bec et ongles… Depuis, si les étudiants ont des réunions régulières avec la directrice, le personnel, lui, se plaint toujours.

Les infrastructures et le leadership mis à mal dans le rapport d’audit

Le rapport commandité par la TEC contient 29 recommandations faites au management de l’UTM. Celles-ci sont surtout axées sur les infrastructures et les principes de bonne gouvernance.«The environment and infrastructure supporting learning, teaching, research and community engagement has been allowed to deteriorate», soutient le panel de l’audit. Il explique que les équipements offerts aux étudiants laissent à désirer. «There are serious concerns which relate to the adequacy and maintenance of computer laboratories, the adequacy of the library facilities and the quality of the physical infrastructure, including the electrical and plumbing systems. Management is aware that these issues significantly impact on the quality of student and staff life and is encouraged to ensure that they are addressed as soon as possible. It is imperative that the University acts with speed to begin the approved capital projects.” Au niveau du leadership, le rapport fait valoir qu’il faut renforcer le management de l’UTM. De plus, la direction est aussi pointée du doigt quant au «low staff morale». Faisant ressortir qu’il n’y avait pas un bon système de «performance review» et que les exercices de promotion du personnel universitaire étaient aléatoires. De plus, le rapport argue qu’il devrait y avoir une meilleure définition des rôles de la directrice générale et du président du «board».

Sharmila Seetulsingh-Goorah:«Le leader de l’opposition est très mal renseigné»

Si le rapport d’audit salue le travail du personnel universitaire de l’UTM, il est aussi très critique envers le management. Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

Ce rapport est contradictoire en lui-même. Il explique que les membres du personnel académique sont performants, mais décrie aussi un «low staff morale». Pourtant, si le «morale» du personnel était aussi «low», il n’y aurait pas une aussi bonne performance, n’est-ce pas ? De plus, je pense qu’il faut comprendre que les universitaires ne peuvent pas travailler s’ils n’ont pas le soutien du management.

Pourtant, le leader de l’opposition affirme que vous n’êtes jamais à l’heure et que vous ne passez pas beaucoup de temps à l’UTM…

Ce sont des attaques de mauvais goût. Le leader de l’opposition est très mal renseigné. Il est vrai que je n’arrive pas forcément à 8 heures tous les matins, mais je ne quitte jamais l’établissement avant 18 heures. D’ailleurs, il y a des jours où je quitte l’UTM à 21 heures.

Si vous êtes aussi sûre de vous, pourquoi refusez-vous de soumettre le rapport de l’audit au Chairman de l’université ?

Je n’ai jamais rien refusé. D’ailleurs, le rapport lui a été soumis ce matin (NdlR, jeudi 21 juin). Il fallait que le management analyse le document et qu’il vienne de l’avant avec un plan d’action avant de pouvoir en discuter avec le board.

Le «trio infernal» dont vous faites partie, selon le leader de l’opposition, semble bénéficier de la protection de la ministre de l’Éducation. Pourquoi ?

C’est simple. Dans toutes les institutions où il y a une autorité qui doit «put their foot down», il y aura certains qui ne seront pas d’accord. Là, nous avons tous les trois des responsabilités et, des fois, nous devons prendre des décisions difficiles. Les gens ne nous aiment pas forcément.

N’êtes-vous pas protégée par la ministre, donc ?

Non ! Surtout pas. Je fais mon travail, c’est tout. C’est dommage qu’en 30 minutes, on n’a pas le temps d’expliquer vraiment tout le travail abattu.