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Benoît Charpentier: l’antithèse de l’animateur-télé vedette

5 mai 2018, 13:22

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Benoît Charpentier: l’antithèse de l’animateur-télé vedette

Si Benoît Charpentier, formateur délégué par l’École supérieure de journalisme (ESJ) de Paris pour boucler les cours de Masters à La Sentinelle Ltd, avait lui-même présenté les émissions de télé qu’il a conçues, il aurait sans nul doute été un animateur plébiscité. Mais l’homme préfère l’ombre à la lumière.

Il n’y a pas à dire, Benoît Charpentier, 56 ans, a le look. Il arbore une coiffure digne d’un soldat prussien, un bouc au menton, des tatouages de pirates sous les avant-bras que sa chemise à manches longues ne parvient pas toujours à dissimuler. Et plusieurs bagues en argent ornent ses doigts.

Comme il faut de tout pour faire un homme, il est clair que la coupe est encore très in, de même que le bouc. Ses tatouages de pirates sont la résultante de sa passion pour l’histoire et de son époque rebelle, alors que ses bagues en argent – il déteste l’or – ont non seulement une valeur sentimentale, mais correspondent aussi à sa période rock’n’roll. Ça, c’est pour l’apparence.

Pour le fond, il faut retenir que cet aîné de trois enfants, né d’un père homme d’affaires, qui vendait du matériel aux firmes européennes engagées dans l’agroalimentaire, et d’une mère qui a travaillé pour l’éditeur Gallimard, avant d’être femme au foyer, a grandi dans les livres.

«Ma mère m’a ouvert les yeux à la formation littéraire.» Ce qui explique le fait que ce rebelle chahuteur en classe «ait découvert le monde à travers des bouquins» et ait choisi d’étudier pour obtenir une licence d’histoire et de lettres à l’université de Paris VII. On est alors à la fin des années 70.

Pendant qu’il entame sa maîtrise d’histoire, un emploi s’offre à lui. Il est admis comme journaliste culturel à l’Hebdo Magazine, où il est chargé de réaliser des enquêtes, des entretiens d’écrivains et de chanteurs et des critiques rock. Ce premier emploi lui apprend les rouages du métier, si bien que lorsque ce magazine ferme ses portes, il entre au service radio-télé du Figaro, service qui fait alors figure d’épouvantail.

Trois mois plus tard, lorsque Jean-Marie Rouart, journaliste aujourd’hui académicien, relance le Figaro Littéraire, il y est coopté. Aux critiques et aux enquêtes dont il est déjà familier, il ajoute des portraits d’éditeurs, qui sont les invisibles du métier du livre, mais dont le rôle est pourtant prépondérant.

Au bout de trois ans, Benoît Charpentier s’ennuie car il a fait le tour du milieu culturel parisien, qui est «très clique, très clan, très chapelle». Il intègre la rédaction générale. Le premier reportage qu’il fait, à La Défense, où il teste les systèmes de sécurité, lui vaut une chute où il se brise la cheville. Il écrit tout de même son article, avant d’être médicalement arrêté pour un mois.

À son retour au journal, il fait une série d’investigations, débusquant les scandales. Notamment les liens entre la mafia de la drogue et le frère du président Ben Ali en Tunisie, qui vaut au journal sa non-parution dans ce pays et une interdiction de publication sur le sujet.

«Sur-efficient mental»

Qu’à cela ne tienne ! Benoît Charpentier connaît la chanson. À la place, il décortique les faits divers sous toutes ses coutures, longs papiers qui sont publiés à la dernière page du journal. Il va au front lorsque les banlieues parisiennes s’enflamment à la fin des années 90 et réussit à s’y introduire et à rendre compte pour Le Figaro.

C’est une rencontre avec l’animateur de télévision, feu Jean-Luc Delarue, qui va le propulser dans ce monde. Ce dernier veut lancer une émission et le recrute comme conseiller. Il contribue donc au lancement de Ça se discute. Jean-Luc Delarue lui propose la rédaction en chef. Bien qu’il hésite, il finit par sauter le pas. Avec une petite équipe, il conçoit et écrit l’émission Ça se discute et gère une trentaine de journalistes.

Les émissions Ça se discute sont regardées par jusqu’à sept millions de téléspectateurs à chaque fois. Une réussite qu’il attribue au fait que les thématiques choisies «n’étaient pas habituellement utilisées à la télévision. On faisait des sujets décalés comme, par exemple, inviter des moines et de moniales sur le plateau».

Benoît Charpentier est ce que l’on pourrait qualifier de «sur-efficient mental». Dès qu’il maîtrise une spécialité, il finit par s’ennuyer et a besoin de faire autre chose. Il quitte la société de productions de Delarue pour aller développer des documentaires pour le groupe Expand, avant d’être rattrapé par l’animateur Serge Moati. À deux, ils travaillent sur la conception d’un magazine politique pour France 5, intitulé Ripostes.

L’émission est un succès parce que «nous avions un panachage de personnalités et jamais les mêmes experts». Il insiste pour braquer les projecteurs de Ripostes sur les ultramarins, alors que son patron est contre. Finalement, c’est lui qui a raison car l’émission fait un carton et obtient la meilleure audience de l’année. «Je n’aime pas me contenter de la façade.»

Il conçoit aussi Ripostes Spécial, documentaire mensuel qui suit des anonymes. Au bout de cinq ans, rebelote, il a des fourmis dans les jambes et passe à Canal + où, en tant que rédacteur en chef, il écrit les émissions Vendredi et Samedi Pétantes pour Stéphane Bern. Il tient six mois et souffre du fait que le rendu de l’émission qu’il a conçue soit trop «showbizz, trop bling bling».

Il retrouve le service public, plus précisément France 3, où il est nommé directeur adjoint des magazines. Là, il supervise les productions externes. Avec Bertrand Mosca, ancien directeur des programmes à France 3, il fonde l’unité Recherches et développement de France Télévision. Il conçoit des émissions pilotes qui sont prises par France 4.

À un moment, lorsque le patron de France 2 est débarqué, la direction de la chaîne est confiée à Bertrand Mosca. Le mandat de ce dernier est de réformer pour faire remonter l’audimat. Il sollicite l’aide de Benoît Charpentier, qui accepte. Sauf que Mosca connaît de graves ennuis de santé qui l’éloignent de la chaîne. Et pour Benoît Charpentier, c’est la mise au placard.

Il préfère s’en aller réaliser des émissions en freelance qui sont, comme à son habitude, présentées par d’autres. «Je préfère l’influence de l’ombre à la notoriété. Je préfère voir mes idées être mises à l’écran et vues par sept millions de personnes. Ce qui m’importe, c’est d’en être à l’origine. La reconnaissance, je m’en balance un peu.» Depuis, il fait du consulting. Il a notamment écrit une série télé de huit épisodes, de 26 minutes chacun.

L’enseignement chez lui remonte à trois-quatre ans. Cela a commencé par des conférences ponctuelles, puis d’autres dans les lycées, où il apprend notamment aux jeunes des banlieues à «déchiffrer les ressorts de la télé, à ne pas être dupes». Au même moment, il est sollicité par Frédéric Dupuis, directeur général adjoint et responsable de l’encadrement à l’ESJ Paris, pour animer un cours de quatre heures par semaine sur l’écriture documentaire avec les élèves de Master. Et cette année, il cumule quatre autres heures qu’il consacre à la télévision.

En parallèle, ce journaliste, qui a eu trois femmes avec lesquelles il partage cinq enfants de 28 à neuf ans, aide Thierry Ardisson à préparer l’émission Salut Les Terriens. Mais pour tout dire, il aurait souhaité consacrer davantage de temps à l’enseignement.