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Jocelyne Ramaswamy: la musique pour la promotion sociale

3 décembre 2017, 01:30

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Jocelyne Ramaswamy: la musique pour la promotion sociale

Les habitants des cités ouvrières ne sont pas formatés pour devenir des délinquants, des coupe-gorge ou des drogués. Offrir une porte de sortie aux enfants de Résidence Mangalkhan à travers la musique, c’est l’objectif de Vent d’un Rêve dont une des cofondatrices est Jocelyne Ramaswamy. Portrait d’une femme habitée par le bien commun.

Alors que nous voulions la rencontrer à une heure raisonnable mardi, Jocelyne Ramaswamy, 55 ans, nous donne rendez-vous à 6 h 45 aux Loges de Mangalkhan, dans les bureaux de Vent d’un rêve qui jouxtent ceux d’Aide, infos, liberté, espoir et solidarité. Les lieux paraissent transformés depuis les coups de pinceaux des habitants, avec la peinture offerte par SOFAP dans le cadre d’une campagne Colour for Change. C’est que Jocelyne Ramaswamy a fort à faire. Elle est de sortie ce jour-là avec une cinquantaine d’adolescents faisant partie de l’organisation. Ils ont prévu de visiter le musée de Mahébourg et de passer la journée à Blue-Bay. «Mo plézir sé zanfan, sé ki zot gagn konésans.» 

Jocelyne Ramaswamy est une Curepipienne qui vit à Résidence Mangalkhan depuis qu’elle a épousé le sacristain de l’église de Ste Hélène, voilà 35 ans. Elle lui a donné trois enfants, aujourd’hui âgés de 34, 30 et 21 ans. Elle a longtemps travaillé à l’usine Floréal Knitwear et connaît comme sa poche les quartiers de Résidence Mangalkhan, ainsi que ceux de Camp-Créole et de la Cité EDF. Elle est au courant de certaines tares qui y prévalent, mais aussi de leurs atouts. Notamment d’avoir généré des modèles comme le sportif émérite Stéphane Buckland. 

Elle est soucieuse de ces enfants de cités qu’elle voit désoeuvrés pendant les vacances. Avec le concours de la Fraternité franciscaine et de généreux parrains, cette femme pieuse décide d’organiser une célébration de Noël pour les enfants, en 2010. «Dan zanfan péna mizer ou défavorizé. Zot bizin fet Noël kouma tou dimounn.» Une petite équipe de mamans bénévoles et elle réussissent à organiser une fête pour tous les enfants qui se présentent, soit 450. 

La célébration est un succès sur toute la ligne. Mais pour Jocelyne Ramaswamy, c’est insuffisant. «Monn dir Bondié : si to finn donn mwa 450 zanfan, ki mo kapav fer pou zot pa tom dan bann piez ki éna ?» La Providence répond à cette demande par un concours de circonstances. 

Plusieurs personnes sont conscientes que ces enfants sont à risque. Il y a Daniel Merven, ancien recteur du collège La Confiance, et son épouse Leslie, qui joue au piano, le mélomane, entrepreneur et homme d’affaires Paul Olsen, Patricia Dhuam et les musiciens Clothilde Ramen et Michel Jeannot. 

De leurs cogitations et celles de Jocelyne Ramaswamy naît Vent d’un rêve en 2011. L’objectif de cette organisation est de faire les enfants de la Cité Mangalkhan et des quartiers alentours apprendre le solfège et à commencer à jouer de la musique classique. Leur premier appel rameute 60 enfants de trois à 12 ans qu’ils classent en groupes d’âge et qui sont initiés à la flûte une à deux fois la semaine. 

À l’époque, ils n’ont pas de local et jouent «anba pié zamalak». Après la flûte, les enfants apprennent le chant, le violon, la trompette, la clarinette et le violoncelle. Ils en redemandent et le groupe s’agrandit. Comment fait l’organisation pour acheter ces instruments qui ont un certain coût ? «C’est tombé du Ciel», affirme Jocelyne Ramaswamy, qui ajoute que les parrains se sont présentés comme par enchantement à leurs portes. C’est ainsi que Vent d’un rêve a pu avoir son local et que les enfants, qui sont désormais au nombre de 145, viennent répéter quasiment tous les jours. 

Jocelyne Ramaswamy, qui agit comme une sorte de concierge, ouvre le centre tous les jours à partir de 13 heures, prépare au quotidien du pain et du thé pour 50 à 60 enfants et les aide à répéter jusqu’à 19 heures lorsque leurs enseignants ne sont pas là. Comment fait-elle puisque, de son propre aveu, elle ne joue d’aucun instrument, ne sait pas lire une partition et que c’est maintenant qu’elle suit des cours d’alphabétisation ? Elle ignore d’où cela lui vient. 

«Mo get partision ek mo konpran li. Mo fer zanfan répété kan proféser absan. Ki so violon, ki so tronpet, ki so linstriman, mo kontan travay ar zanfan, mem séki pli tirbilan é ki zot paran an difikilté. Si bizin al lapes zot, mo pou alé.» Elle ajoute avoir noté que la musique leur apporte un sens de discipline, la compassion et l’empathie. 

Ni son mari, ni ses enfants ne lui reprochent ses rentrées tardives à la maison. «Mo mari ek mo bann zanfan bien souténir mwa dan tou séki mo fer.» Sa famille lui offre actuellement des leçons de conduite et elle doit passer le test pour obtenir son permis le 15 décembre. La plus grande fierté de Jocelyne Ramaswamy est que sept des enfants de Vent d’un Rêve ont réussi leur examen de Grade V auprès de la Royal School of Music

Son voeu est que Vent d’un Rêve, qui s’est jusqu’ici produit au théâtre Serge Constantin et deux fois pour la présidence de la République et bientôt pour la mairie de Curepipe, puisse progresser au point d’être invité à aller se produire à l’étranger. «Mo lé fer bann zanfan avansé, montré zot ki péna zis sité, éna kitsoz déor pou zot… »