Publicité

Petite balade en prison

16 octobre 2017, 01:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

 Petite balade en prison

Des téléphones portables, des pouliahs de gandia, des stupéfiants qui se promènent librement, régulièrement, impunément. Un caïd, en l’occurrence Peroomal Veeren, qui fête son 40e anniversaire, en grande pompe, apparemment. Décidément, on ne semble pas s’ennuyer à la prison de Melrose. La semaine dernière, le centre de détention a ouvert ses portes blindées – et quelques barreaux – à la presse, le temps de l’inauguration de son premier centre de désintoxication. Suivez le guide, nous entrons par la grande porte.

Il est 14 h 45 en ce jeudi. Et ça caille à Melrose. Ce n’est pas encore le pôle Nord, mais presque. «Les condamnés reçoivent des pull-overs ici, alors que ceux qui sont en détention provisoire peuvent demander à leurs proches d’apporter des vêtements chauds», confieront plus tard deux gardes-chiourmes.

(…) poster de mannequin, photo d’un proche, ou encore sculptures faites main en mie de pain ornent tables de chevet et pans de mur.

On reçoit le premier mot d’ordre à la barrière de sécurité. «Vous ne pourrez pas entrer avec votre portable. Laissez-le dans votre véhicule», ordonne le gardien dans son uniforme kaki, un béret noir style Che Guevara vissé sur la tête. Les boots noires complètent l’ensemble. Sa mission : noter les noms de tous ceux qui entrent par la grande porte. 

Son collègue nous servira de guide. Une première petite porte blindée franchie. Puis, une grille géante, que le «gardien des clés» refermera aussitôt après. Il n’y aura ni fouille corporelle ni passage au détecteur de métaux… Les invités sont bien traités.

Ça y est, nous y sommes. Impression bizarre que celle d’être entre les quatre murs d’une prison. Ce qui saute tout de suite aux yeux : des grillages partout, de grandes tours de couleur crème avec de petites fenêtres, un hôpital, des lieux de culte et des allées parfaitement bitumées. 

Sans compter la ribambelle de gardes- chiourmes. Mais, pas un seul homme en uniforme orange en vue. Du moins, pas encore. Nous sommes canalisés vers «l’école». C’est là où se tient la cérémonie d’inauguration, celle du centre de désintoxication «in-house». À l’intérieur, il fait sombre, l’atmosphère est glauque. Derrière des barreaux, des salles de classe vides. Nous prenons les escaliers, direction un grand auditorium. Il est bondé d’officiels et de gardiens et gardiennes de prison. Puis, à l’arrière, quatre rangées de détenus identifiables grâce à leur tenue orange. L’on apprendra par la suite qu’il s’agit des 26 prisonniers et résidants du nouveau centre Lotus. 

De la cérémonie, l’on retiendra surtout ce «sketch» présenté par des détenus, en visite pour l’occasion. Incarcérés à la prison de Beau-Bassin, ils ont fait le déplacement pour montrer, à travers ce numéro, ce que le centre de désintoxication leur a apporté. Il retrace le parcours d’un usager de drogue qui se fait attraper par la brigade antidrogue, qui est traduit devant le tribunal avant d’atterrir en prison. Et ensuite, comment il finit par accepter, avec l’insistance d’autres résidants du centre, de suivre le programme de désintoxication et de réhabilitation que propose Lotus. La prestation est fort appréciée par l’assistance, les acteurs ont droit à une standing ovation.

La visite se poursuivra au centre Lotus. Dédale de salles : salle de fouille, salle de consultation, salles de lecture Nelson Mandela et Mahatma Gandhi. Bibliothèque avec des livres de Paulo Coelho ou encore de Barbara Cartland, pour ne citer que ces auteurs-là, cours de volley et de basket, mais surtout deux dortoirs. 

Derrière chaque cellule, une dizaine de lits à étage, bien faits. Chaque occupant a décoré son espace à sa façon. Petite radio, chapelet, livres saints, médicaments, poster de mannequin, photo d’un proche, ou encore sculptures faites main en mie de pain ornent tables de chevet et pans de mur. Le sol de cire rouge est nickel. 

Roshan Seegoolam, garde-chiourme qui est affecté au service de réhabilitation depuis plus de cinq ans, explique qu’on ne lésine pas sur la propreté. «Ils doivent respecter un agenda strict, qui débute à 7 heures à l’ouverture des portes pour prendre fin à 17 heures. La discipline est la base même de la réhabilitation.» 

La visite se poursuivra avec un tour dans les fameuses cuisines de la prison, où l’on aura un aperçu des repas servis aux prisonniers. Mais, la cerise sur le gâteau demeure la rencontre, à la fin, avec le pâtissier de la prison – un garde-chiourme à la base – qui a confectionné le gâteau d’anniversaire de Peroomal Veeren pour ses 40 ans. «Rien de plus normal qu’un gâteau d’anniversaire », tempérera celui-ci…