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Metro Express: les bulldozers n'ont pas fini de sortir leurs griffes...

10 septembre 2017, 22:30

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Metro Express: les bulldozers n'ont pas fini de sortir leurs griffes...

Le projet Metro Express continue de faire des mécontents. Et pas uniquement à La Butte et Résidence Barkly. Plusieurs autres familles, habitant d’autres régions du pays, sont en effet sur le tracé du tram. Face au manque de communication de la part des autorités et au vu du délai qu’on leur a accordé pour évacuer les lieux, ces familles sont aujourd’hui dans le flou. Et attendent, la peur au ventre, l’arrivée prochaine des bulldozers, qui viendront tôt ou tard raser leurs maisons ou leurs murs.

À 65 ans, Jaywantee Mahaly, habitante de Richelieu, n’a pas l’esprit tranquille. Inquiétude et incertitude rythment ses journées. La raison : les bulldozers peuvent débarquer à n’importe quel moment, dit-elle. «Jusqu’à présent, l’exercice de communication a été très médiocre. Ce n’est pas maintenant qu’ils vont nous faire des fleurs avant de tout démolir…» Elle a su qu’elle devait évacuer les lieux à travers une affiche collée sur son mur, alors qu’elle était au travail…

C’était au début du mois d’août. Elle s’en souvient très bien puisque, ce jour-là, des entrepreneurs venaient tout juste de couler une dalle de béton au niveau des deux pièces qu’elle a rajouté à sa petite maison. Son délai pour «lev paké» a par ailleurs expiré le 23 août. Le coeur gros, Jaywantee s’est donc résignée à quitter l’endroit où elle habite depuis sa naissance, à emballer ses souvenirs, à plier bagage. Et, depuis cette date butoir, elle s’attend à voir arriver les «grosses machines» qui écrasent tout sur leur passage…

Sauf qu’entre-temps, d’autres affiches sont apparues sur les murs de sa maison : expliquant que le délai pour l’évacuation a été repoussé au 31 août. «Monn tir bann lafis-la. Ki mo ti pou fer ar sa mwa ?» Perdue, elle s’est rendue «en ville» pour tirer toute cette affaire au clair. «Zot fer zouzou ar dimounn. Enn kout zot dir pa bon ministère, ou bien pa bon départman. Enn lot fwa pa bon seksion, ouswa pa bon dimounn ki en fas dé mwa. Zamé kikenn kapav dir ou ki bizin fer…»

Rs 1,6 million

Pourtant, tout ce qu’elle veut savoir, c’est la date exacte à laquelle sa maison sera démolie et si elle pouvait étendre le délai, histoire d’avoir le temps de faire tous ses cartons et de sauver ses fenêtres neuves, qui ont coûté cher. Mais personne n’a été capable de la renseigner, malgré l’urgence de la situation.

Ce qu’elle sait, en revanche, c’est que le gouvernement lui propose Rs 1,6 million pour sa maison et son terrain, ce qu’elle conteste. Mais elle n’a pas su quelle démarche entamer, vers qui se tourner pour faire part de sa désapprobation. En désespoir de cause, elle a saisi la justice et l’affaire sera entendue en cour au mois d’octobre. D’ici là, advienne que pourra.

Pourtant, Jaywantee n’est pas contre le projet Metro Express. Elle est pour le développement, estime que le pays doit aller de l’avant. Mais le flou et le manque de communication l’irritent. Pour elle, le progrès ne doit pas réduire à néant les projets et rêves que des Mauriciens ont bâtis.

Jaywantee souligne que sa vie n’a pas toujours été rose et qu’elle a dû travailler dur pour pouvoir se payer un toit. Elle entretient toujours les jardins de quelques familles de la région de Richelieu pour se faire des sous. «Lontan, mo ti pé res kot mo frer, apré so bann zanfan inn grandi. Monn aranz mo lakaz inn gagn 7 an.» Sa parcelle léguée par la famille, se trouve à quelques pas du terrain de son frère et une partie a également été réquisitionnée. Mais jusqu’à présent, ni le frère ni la soeur n’a encore reçu de compensation.

Autre endroit, mêmes griefs. La famille Teelookee habite, elle, la Rue Coriolis, à la périphérie de Quatre-Bornes et de Rose-Hill. Elle a également reçu un ordre d’évacuation et déplore le manque de communication du gouvernement. «Nous ne sommes pas contre le projet. Mais expliquez-moi comment je fais pour déménager six maisons et 23 personnes en un mois», déplore un membre de la famille Teelookee.

En fait, l’ordre d’éviction avait été émis en 2014, sous le précédent gouvernement. Les Teelookee ont fait évaluer les six maisons qui se trouvent dans l’enceinte de la cour familiale et ont soumis le rapport au ministère du Logement et des terres. Puis, il y a eu les élections et le projet a été mis au placard, et la famille Teelookee a jugé que la notice d’éviction était caduque. D’autant plus que l’alliance Lepep, à travers la voix de sir Anerood Jugnauth, avait fait de l’abandon du Métro léger d’alors, un de ses étendards pendant la campagne.

Mais chez eux aussi, une affiche est apparue sur des pans de leurs maisons, un beau matin. «Comment je fais pour construire une maison en un mois ? Même un ingénieur du gouvernement ne pourra pas le faire !» s’insurge une des doyennes de la famille, qui a toujours vécu là. Devant leurs questions, le ministère du Logement leur a proposé des maisons de la NHDC jusqu’à ce que leur construction soit terminée.

De plus, la famille Teelookee fait ressortir que contrairement a ce qui a été annoncé, elle a reçu sa compensation le 11 juillet 2017 et non en 2014, comme certains veulent le faire croire. Compensation qu’elle a acceptée «under protest» car elle n’équivaut qu’à 60 % de la somme mentionnée dans le rapport d’évaluation.

Et puis, géographiquement, c’est l’imbroglio, puisque le terrain des Teelookee «chevauche» Rose-Hill et Quatre-Bornes. «Nous votons au n°18. Nous payons les taxes à la municipalité de Quatre-Bornes. Pourquoi donc nous demande-t-on de partir tout de suite ?»

Des questions auxquelles personne n’a pu répondre du côté des autorités.