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[Vidéo] Malade et handicapé : celui que la vie a conduit à vivre dans une voiture

22 juillet 2017, 19:58

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[Vidéo] Malade et handicapé : celui que la vie a conduit à vivre dans une voiture

Un vendredi matin ordinaire. À Plaine-Verte, les rues grouillent de monde, voitures et motos se roulent dessus. À l’avenue Étienne Pellereau, un drame se joue, au nez et à la barbe des passants. «Ou koné kot sa misié ki dormi dan loto-la été ?» demande-t-on à droite et à gauche. «Hein ? Non, non, pa isi sa…»

Dix mètres plus loin, une vieille carcasse bleue, celle d’une voiture, sans plaque d’immatriculation, abandonnée, les vitres baissées. À l’intérieur, un sac en plastique jaune, des bouteilles d’eau entamées. Et des mouches vertes. Qui virevoltent allègrement autour d’un homme.

L’air est pestilentiel, celle de la chair putride. Les plaies de Bhansi Jolaparsad sont à vif. À l’intérieur comme à l’extérieur. Il a le regard hagard, son visage rongé par la maladie, tout comme ses bras. Une pustule purulente alourdit sa paupière gauche.

Cela fait un mois qu’il habite dans cette voiture. Il souffre de psoriasis. «Mo éna mo mama, li pa pran mwa kont. Ier (NdlR, jeudi), monn téléfonn mo frer mé li pankor vini…» Sa voix est à peine audible, son souffle saccadé. Pour ceux qui en doutent, il a visiblement toute sa tête.

Sur ses jambes, une couverture de fortune, marron, jaunie par le temps et l’usure. Il a perdu sa mobilité. Ses mains calleuses sont tremblantes, tout comme ses lèvres. Ses ongles lui servent de grattoir, sa peau s’écaille, les démangeaisons lui pourrissent la vie.

Bhansi n’a pas toujours été un sans domicile fixe. «Mo ti lékol Villiers René, apré monn al kolez London», tient-il à préciser, d’une voix dans laquelle on sent poindre une note de fierté. Il est ensuite parti en France pour poursuivre ses études. « mo fami pa ti éna kas pou avoy mwa.» Alors, il a travaillé au noir pendant quelque temps, histoire de pouvoir survivre. Il a même occupé le poste de bagagiste à l’aéroport. «Kan mo kontra inn fini, monn oblizé rant Moris.»

Là, il a pris de l’emploi au sein d’une compagnie privée comme helper. Et puis, les ennuis de santé ont commencé. «Banla inn dir mwa mo pa fit pou travay.» Il est mis à la porte. Bhansi accepte alors les petits boulots, çà et là. Il a un accident, sa moelle épinière est touchée. Le bas de son corps le lâche.

«Zamé mo finn trenn lari dan linz malprop avan. Toulétan monn esey travay.» Mais il n’avait nulle part où aller. C’était il y a quatre ans. Bhansi se dégote alors un abri de fortune. «Mo ti pé dormi dan enn vann, lari David (NdlR, à Port-Louis).» Un jour, il y a un mois, alors qu’il revient de l’hôpital, «[mo] gagn vertiz, trouv nwar enn kout». C’était à quelques pas de la rue Pellereau… Depuis, il n’a plus quitté la voiture dans laquelle il s’est réfugié. Ses jambes l’ont définitivement laissé tomber.

Touchée par son sort, une dame, propriétaire d’une quincaillerie située en face, aide à atténuer la souffrance de cet homme meurtri dans sa chair et dans son âme. «Noun téléfonn lapolis, sékirité sosial, banla fer kouma boul ar nou. Li gagn so pansion invalid tou, li bizin zis enn landrwa kot li pou alé.»

En attendant, la bonne samaritaine, qui ne souhaite pas que l’on mentionne son nom, aide Bhansi. «Nou asté so manzé ek so délo tousala. Mé bizin met li dan enn kouvan, li bizin swin médikal.» Parce qu’il ne peut plus marcher. Bhansi porte des couches. Qu’il change lui-même, précise-t-il.

«Ki ou pou fer pou mwa la ?» lance-t-il soudain. Au moment où nous quittions Bhansi, des démarches avaient été entamées pour lui trouver une ambulance. «Monn téléfonn radio, zo’nn dir zot pé fer lé néséser-la.» La police a été alertée. Des officiers de Plaine-Verte se sont rendus sur place, mais «ils n’ont vu personne». Nous sommes retournés sur place, hier soir, à 19 heures. Bhansi était toujours dans la voiture. «Ed mwa... mo pa pou al lopital selman, asak fwa zot rétourn mwa…»

Au ministère de la Sécurité sociale, un préposé a exprimé son souhait d’aider le quadragénaire. «Nous n’avions pas eu vent de ce cas. Mais nous pouvons certainement l’aider, lui trouver un abri, demander à ce qu’on lui prodigue des soins. Nous allons prendre le cas en main.»

Et nous, nous ne le quitterons pas des yeux…