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Jean-Marc Dupuis, directeur artistique et formateur à l’ESJ Paris

24 juin 2017, 21:43

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Jean-Marc Dupuis, directeur artistique et formateur à l’ESJ Paris

Un directeur artistique (DA) de presse doit avoir un regard sur l’ensemble des postes constituant son métier. Car si un article est faible, il peut le rendre plus digeste par l’illustration ou la punch-line. C’est le message essentiel de Jean-Marc Dupuis, DA en freelance et intervenant à l’École Supérieure de Journalisme (ESJ) de Paris.

Une réserve de patience qui semble inépuisable. C’est l’impression que laisse Jean-Marc Dupuis, 48 ans. Face aux regards perplexes des journalistes par rapport à sa question, «Êtes-vous à l’aise avec ce concept ?», il se veut rassurant et reprend immédiatement les explications. Il repasse dessus le lendemain, histoire de vérifier que ledit concept ait effectivement été compris.

Jean-Marc Dupuis a été précédé à Maurice par son frère cadet, Frédéric Dupuis, directeur général adjoint de l’ESJ. Autant, dans sa vie professionnelle, ce dernier a mis peu de temps avant de se fixer dans la presse audiovisuelle, autant Jean-Marc Dupuis a papillonné. C’est que notre homme a peur de s’encroûter. «Je perdrais en valeur ajoutée à toujours faire la même chose. Je n’aime pas la routine. Dans ce métier, il faut prendre des risques sinon on devient fainéant.»

Cet originaire de Garches, commune résidentielle à l’ouest de Paris, a réussi son baccalauréat en économie «par surprise. Je n’avais pas révisé et je l’ai eu quand même. Cela signifie que j’avais quand même compris les cours». Il part pour Canterbury étudier l’anglais des affaires pendant un an. Il travaille quelques mois chez Harrods avant de regagner la France où la publicité est le métier à la mode. Se sentant l’âme créative, il suit alors un cours de publicité menant au Brevet de technicien supérieur. Il intègre une petite agence de publicité, dans sa commune, mais n’y reste pas longtemps.

Gentil Organisateur Jean-Marc Dupuis prend alors la direction artistique de la boîte de nuit Charivari et ce qu’il apprend de la mise en scène lui sert plus tard par rapport aux mises en page. Il change à nouveau son fusil d’épaule en devenant animateur d’un Club Med en Turquie, «un des métiers les plus durs car on travaillait sept jours sur sept et il fallait avoir l’esprit vif et être réactif». C’est aussi là qu’il apprend à gérer le stress des équipes. Et comme il vit au jour le jour et que l’ambiance, qui est primordiale pour lui, est à l’amusement, il reste un an. «Je ne sais pas travailler sans m’amuser», raconte-t-il.

Jusqu’à ce qui lui prenne l’envie d’être une star de rock. Le voilà reparti pour Londres avec pour seul bagage sa guitare électrique et 700 francs en poche. «Ça marchait tellement pour moi que j’ai fini à nouveau chez Harrods», dit-il avec humour, «mais cela m’a servi pour les photos shoots de mode par la suite». Il regagne la France. Direction St-Tropez où il est chanteur guitariste sur une plage. Comme il s’agit d’un métier saisonnier, il finit par regagner Paris où il travaille dans le marketing avant d’être repris par la bougeotte. C’est en Hongrie qu’il atterrit cette fois avec la formation musicale française Escape et ils sortent même un album.

Comme à l’époque la publication assistée par ordinateur est en plein essor, il s’y intéresse et suit un cours de six mois. Vivant à côté du bâtiment abritant le groupe Prisma Presse, rebaptisé aujourd’hui Prisma Media, il voit des gens y entrer et sortir et se dit qu’il aimerait avoir un pied dans cette boîte. Il réussit à se faire embaucher pour un stage dans le magazine Voici. C’est son culot qui le fait remarquer par le fondateur Axel Ganz. JeanMarc Dupuis est le seul à dire qu’il peut produire un magazine auto-moto en chinois. Ganz lui laisse carte blanche en le nommant DA du projet. «Mon culot avait payé mais le soir en rentrant, j’ai pris peur car je n’étais pas encore professionnellement à la hauteur du projet. J’ai travaillé comme un fou car il fallait que j’y arrive.» Et il y est parvenu.

Relooking

Il est nommé DA au sein de la cellule des projets et est chargé de produire la couverture du magazine VSD alors que l’équipe rédactionnelle revoit le contenu. Prisma Presse ayant des magazines aux États-Unis, il est envoyé à New York pour refaire le magazine Fitness. Peu de temps après, il est rappelé à Paris pour moderniser le magazine économique Capital. «C’était compliqué car c’était un magazine qui marchait bien et il ne fallait pas éroder ses ventes avec un changement inapproprié de mise en page. C’était casse-gueule mais j’y suis arrivé.»

Il se laisse débaucher par les éditions américaines Rodale qui publient Men’s Health et l’éditeur lui demande de rendre la version française plus chic. Il s’exécute et de 15 000 exemplaires, le tirage du magazine passe à 175 000 exemplaires. À un moment, il s’ennuie et part refaire le magazine féminin Esprit Femme dont la mise en page «boitait. L’ambiance du travail n’étant pas très rigolote, et moi j’ai besoin de rigoler en travaillant». Il part mais est vite rattrapé par Prisma Pressequi lui demande de faire évoluer le magazine Management. Ce qu’il fait.

Il est à nouveau pris par des envies de voyages et c’est en Thaïlande qu’il pose ses valises, gagnant sa vie en faisant du rebranding de concepts pour un hôtel et un beach-club et montant avec un ami une agence de détectives privés. Mais la direction artistique de presse lui manque. Il fait donc des allers et retours entre cette île et Paris où il refait la mise en page du magazine des seniors, Pleine Vie. Finalement, il retourne chez Prisma Presse où il fait de la direction artistique corporate pendant cinq ans pour le magazine Aéroports de Paris. Voulant travailler pour lui, il se met en freelance et continue à créer et relooker des magazines. Il agit aussi comme intervenant à l’ESJ de Paris, c’est-à-dire qu’il se charge de la mise en page d’un magazine féminin de fin d’études, à savoir Womag, et celle du tabloïd de fin d’année, l’Année des Médias, avec le formateur Jacques Hennen.

Navigateur solitaire

Donner des cours, dit-il, l’oblige à se replonger dans les concepts qu’il n’avait pas abordés depuis longtemps. «Cela me maintient en éveil. J’aime me donner des coups de pied au derrière, même si le boulot de freelancer est solitaire.» Il vient de boucler la mise en page d’un magazine trimestriel de 100 pages intitulé Croisières pour le compte d’un client tour-opérateur. Cette publication a été tirée à 60 000 exemplaires et ils ont été trois à travailler dessus: Claude Pommereau, éditeur de presse, son ami et rédacteur en chef, Jean Pierre Saccani et lui, Jean-Marc Dupuis.

Bien qu’il s’occupe de la direction artistique, il s’oblige à lire au préalable tous les articles écrits par les journalistes. «On ne fait pas une mise en page sans avoir lu l’article ou fait une ébauche avec synopsis en sa compagnie. Je pense qu’un bon DA doit être à la fois un créatif mais aussi un peu journaliste et photographe. Car cela arrive que l’article soit un peu faible et il peut alors demander au journaliste de creuser l’angle ou sauver l’article par une illustration ou une punch-line. Et pour cela, il faut qu’il ait tout lu. Il faut une cohésion entre le titre, le contenu et l’image. Le DA doit avoir un œil sur l’ensemble de ce qui sera publié, être tout le temps aux aguets. Il doit sans cesse se remettre en question, ne pas se reposer sur ses lauriers. Il doit avoir un rôle d’anticipation», dit-il.

Il avoue avoir été très agréablement surpris par ses «élèves» de La Sentinelle, qu’il a trouvés «très sympathiques et très attentifs», précise celui qui se qualifie «d’indécrottable vieux garçon» et qui dit apprécier les petits bonheurs simples de la vie comme «boire un bon vin, rigoler et rester éveillé au niveau créatif».