Publicité

Vasant Jogoo: «Il est essentiel d’atténuer les impacts du Metro Express»

30 mars 2017, 18:10

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Vasant Jogoo: «Il est essentiel d’atténuer les impacts du Metro Express»

Selon l’urbaniste, le public doit participer à la prise de décision du Metro Express. Il y va du succès de ce projet d’envergure.

Le Metro Express a été exempté du permis Environmental Impact Assessment (EIA)…

Le projet n’a pas été exempté. On a choisi d’amender la loi pour que le Metro Express n’ait pas d’EIA. La loi permet au gouvernement d’exempter certains projets de l’EIA licence. Donc, pourquoi amender la loi au lieu de l’exemption ? Parce que l’exemption requiert la préparation d’une étude d’impact et de son instruction par l’EIA Committee, mais sans consultation publique. L’amendement, lui, ne soumet pas le projet à une évaluation environnementale. Il semble que le gouvernement ne veuille ni l’évaluation environnementale ni la consultation publique.

Pourquoi, selon vous ?

Le gouvernement veut aller vite. L’évaluation environnementale s’est progressivement approprié une place de choix dans la mise en oeuvre des politiques de développement durable. La certification EIA est importante car c’est un mécanisme qui permet à la population d’avoir accès à des informations et de participer à des consultations publiques et transparentes. C’est donc une décision irresponsable, antidémocratique et contraire aux principes de base de nombreuses conventions auxquelles Maurice a librement souscrit.

Pourquoi irresponsable ?

Cette décision porte atteinte à l’intégrité du cadre législatif et réglementaire de l’EIA et de la protection de l’environnement. Le Metro Express est le plus gros projet d’infrastructures que Maurice aura connu. Comme c’est le plus gros chantier, il y a toute une panoplie d’impacts potentiels, complexes, significatifs, irréversibles et de longue durée pendant la préconstruction, la construction et l’opération du projet qui seront générés. Il est essentiel de prendre les mesures nécessaires pour les atténuer.

Un plan de gestion environnementale doit nécessairement être préparé, soumis à des consultations publiques et approuvé par les parties prenantes. Ce plan de gestion devient partie intégrante du contrat de construction et est surveillé pendant toute la durée du projet. Pourquoi donc l’exempter de l’obligation de se soumettre à l’Évaluation des impacts environnementaux (EIE), alors que des projets de moindre envergure le sont ?

Selon le ministre Bodha, des consultations sont prévues après la signature du contrat avec le constructeur. Ce sera trop tard ! Le gouvernement ne comprend pas vraiment dans quelle voie il s’est engouffré, soit il prend la population pour un imbécile.

Vous disiez également que la décision est antidémocratique…

Elle va à l’encontre des pratiques de bonne gouvernance. Le public doit être consulté avant que tout projet ne soit finalisé, car sa participation au processus de décision garantit son succès. L’importance de la participation publique au processus décisionnel est universellement reconnue et il existe de bonnes procédures et pratiques qui permettent une participation publique crédible et légitime.

Estimez-vous que c’est une décision dangereuse pour le pays ?

Le Premier ministre Pravind Jugnauth l’a reconnu : le Metro Express va transformer pour toujours notre paysage urbain. Force est de constater que cette transformation va se faire sans un plan de gestion et sans un plan d’aménagement du territoire effectivement. C’est dangereux pour l’avenir du pays.

Nous subissons déjà les conséquences d’une urbanisation mal gérée (les embouteillages en sont une) et voilà qu’on nous impose un projet mal conçu, opaque et sans vision. Le gouvernement est en train de pousser les gens à s’organiser et à résister. Cela aura pour effet de retarder le projet et d’augmenter les coûts. En voulant aller vite, en prenant des raccourcis, en ignorant la population, le gouvernement se retrouvera dans une impasse. Il devra assumer ses responsabilités.

Passons au respect des droits des individus affectés par le projet. Est-ce que tout se fait selon les normes internationales et démocratiques ?

Il y a plusieurs catégories de parties affectées : propriétaires de terrains, résidences, commerces, espaces verts, pistes de jogging… La compensation, comme prescrite par la loi, n’est pas suffisante. Il faut mettre en place un processus d’accompagnement pour faciliter la réinstallation d’un cadre et d’une qualité de vie égale ou supérieure à ce qui existait avant.

Le gouvernement doit aller de l’avant avec un plan détaillé, qui définit les options proposées (en dehors de la compensation). Il doit aussi veiller à ce que les parties affectées soient dédommagées ou relogées et que leur environnement (commercial, social, récréatif) soit reconstruit. Les aires de loisirs, les espaces verts, les installations sportives, entre autres, doivent être remplacés, reconstruits, réaménagés…

Le gouvernement ne peut prétendre l’ignorance car, dans le passé, nous avons dû nous plier aux exigences des donateurs et prendre les mesures nécessaires pour exproprier selon les normes internationales (Midlands Dam, par exemple). Mais dans le cas où le projet est financé par le gouvernement de ses propres fonds, des gens attendent toujours d’être compensés.

Les pays donateurs ont-ils une responsabilité envers un projet ?

Tout à fait. Les pays donateurs ou les institutions financières doivent veiller à ce que les pays bénéficiaires respectent tous les principes de développement durable. Certains sont exigeants (banques multilatérales, EU, pays développés…) mais d’autres le sont moins (la Chine, l’Inde…) L’Inde est un pays relativement pauvre et pourtant tous ses projets de métro (Delhi, Kochi, Allahabad) ont été soumis à des études d’impact et à des plans de réinstallation involontaire. Même en Chine, les personnes affectées sont relogées. L’île Maurice doit se comporter comme un pays responsable et utiliser l’argent des contribuables indiens à bon escient.

Cette décision aura-t-elle des répercussions sur le plan mondial ?

Définitivement. Comment l’État pourrait-il aller prétendre devant les tribunes des instances internationales que Maurice, un petit État insulaire vulnérable aux catastrophes naturelles, a besoin d’une aide financière (ou autre) si elle fait fi de ses obligations en matière de protection de l’environnement et de développement durable ? Les conventions de Rio, par exemple, reconnaissent l’EIE comme un outil de décision éclairée vers le développement  durable.