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James Michel: «Pravind Jugnauth un digne héritier de son père.»

1 octobre 2016, 10:46

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James Michel: «Pravind Jugnauth un digne héritier de son père.»

Après 12 ans à la tête des Seychelles, James Michel rendra son tablier le 16 octobre. Il passera la barre à Danny Faure, l’actuel vice-président. Le président sortant des Seychelles s’est volontiers prêté au jeu des questions-réponses avec «l’express».

L’annonce de votre départ de la Présidence a surpris les Seychelles. Comment vous portez-vous depuis ?

Je me porte bien – excellemment bien ! Je quitte la Présidence sans regret mais plutôt avec un sens du devoir accompli. Je n’ai jamais voulu m’accrocher au pouvoir. Le pouvoir est un moyen et non pas une fin en soi. Un moyen pour œuvrer pour le bien du peuple, un moyen pour éliminer les disparités sociales et créer une société plus juste et égalitaire.

Quelle est la vraie raison de votre démission ?

Votre question présuppose qu’il y a une raison inavouée, ce qui n’est pas le cas. C’est une décision à laquelle j’ai longuement réfléchi. C’est dire qu’elle ne date pas d’aujourd’hui. Je me suis dit qu’il était temps qu’un nouveau dirigeant et qu’une nouvelle génération de femmes et d’hommes politiques, qui partagent ma vision et les principes du parti (NdlR : Parti Lepep) que je dirige, prennent la direction et les destinées du pays en main.

Pourquoi vous êtes-vous présenté aux dernières élections présidentielles si c’est pour partir neuf mois après ?

Un célèbre homme d’État a dit qu’une semaine en politique «is a long time» ! Renoncer à mes charges à ce moment-là, au seuil d’une échéance électorale, aurait été mal compris, et à juste raison. Mon devoir était de baliser le chemin pour la génération montante, ce que j’ai fait. Je suis et je reste toujours passionné par la politique. J’ai voulu aller jusqu’au bout. Je n’ai pas voulu abandonner le peuple seychellois. J’ai voulu qu’il sache que quoi qu’il arrive, je serai toujours à ses côtés et qu’il nous restait encore beaucoup de choses à faire ensemble. Nous vivons dans une démocratie active et fonctionnelle. J’ai accompli ma mission !

Qu’est-ce que ça fait de voir l’opposition prendre le contrôle de l’Assemblée nationale seychelloise, pour la toute première fois ?

C’est la règle de la démocratie et je respecte l’opinion, la voix et le choix du peuple. Libre à lui de choisir les dirigeants et les membres qui lui conviennent à l’Assemblée nationale.

C’est là un des arguments mis en avant par des observateurs politiques pour expliquer votre départ de la Présidence. Est-ce justifié ?

Ces soi-disant «observateurs» disent n’importe quoi ! J’ai démissionné de la Présidence parce que j’estime que j’ai accompli ma mission, mon devoir et mes responsabilités. D’autre part, comme je vous l’ai dit plus tôt, il est temps de passer la barre à une autre génération de dirigeants. On ne doit pas s’éterniser au pouvoir. C’est, du moins, mon point de vue. Si j’étais resté au pouvoir, à la moindre incartade, ce sont ces mêmes observateurs qui auraient commencé à jouer avec les statistiques de la mandature.

Le fait que l’annonce surprise de votre départ a été faite le jour même de la prestation de serment des parlementaires intrigue. À quel point serait-ce lié ?

Aucun lien. Je l’avais planifié bien à l’avance. En tant qu’homme politique depuis bientôt cinq décennies, j’avoue quand même que l’élément surprise y était pour quelque chose !

D’autres attribuent votre départ au changement majeur apporté à la Constitution seychelloise en avril dernier, qui limite la Présidence et la vice-Présidence à deux mandats de cinq ans chacun, alors que vous en êtes à votre troisième. Est-ce le cas ?

La Constitution de la République m’autorisait à briguer trois mandats de cinq ans. Ce n’est pas moi qui l’ai décidé, mais le peuple lui-même, à travers un référendum en 1993. Je n’ai fait qu’agir selon la Constitution. Cela étant, j’ai cru bon, après beaucoup de consultations, dans l’intérêt du renforcement de notre démocratie, de limiter le mandat du président de la République à deux termes. C’est ce que j’ai fait, par le biais d’une loi adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en avril dernier. Sans oublier le fait que j’ai déjà passé 12 ans à la tête du pays.

Dans votre message à la nation, au soir du mardi 27 septembre, vous avez évoqué l’intérêt de la nation qui est, pour vous, prioritaire et vous avez appelé à l’unité nationale. Craignez-vous des dérapages ?

Il n’y a rien de plus important que l’unité nationale. Elle conditionne notre survie en tant que petit État insulaire. Sans l’unité nationale, il n’y aura pas de développement, pas de progrès, pas de bien-être pour le peuple. Ceux qui tentent de compromettre l’unité nationale – force est de constater qu’il y en a certains – jouent avec le feu et le font à leurs propres risques.

Danny Faure (NdlR : successeur désigné de James Michel à partir du 16 octobre) est-il l’homme de la situation pour, justement, veiller à cette unité nationale ?

J’ai confiance en Danny Faure. Nous avons travaillé pendant de longues années ensemble. Nous avons chacun notre style de travail, mais nous nous connaissons bien et nous nous apprécions mutuellement.

Quelle est votre plus grande réalisation, 12 ans après avoir été à la tête de l’État seychellois ?

J’ai redressé l’économie du pays, ce qui nous permet de figurer aujourd’hui parmi les pays ayant les plus hauts revenus. J’ai créé plus d’opportunités pour les Seychellois, afin que notre pays puisse continuer à progresser. J’ai créé encore plus de conditions pour assurer le bien-être des plus vulnérables de notre société. J’ai offert plus d’opportunités à la jeunesse. Nos citoyens âgés ont continuellement bénéficié d’une série de mesures leur assurant dignité et meilleur confort pendant leur retraite. J’ai assuré le rayonnement des Seychelles sur la scène internationale à travers notre rôle de leadership pour les petits États insulaires et l’économie bleue. J’ai renforcé nos capacités de défense et ai contribué à la sécurité maritime de notre région. J’ai aussi fondé l’université des Seychelles.

À chaque chose, en fait, il faut savoir s’assumer par rapport à ce que vous avez fait, par rapport à ce que vous faites et par rapport à ce que vous ferez dans le futur. C’est le prix de la responsabilité, de l’engagement et de la loyauté. J’ai assumé une responsabilité et je pense que l’Histoire me jugera par rapport à ce que j’ai fait. Un jugement que j’attends avec confiance et sérénité.

Votre plus grosse déception ?

Le clivage politique et l’incivisme qui peuvent parfois se muer en manque de respect pour les institutions étatiques. Il y a aussi les fléaux sociaux auxquels je me suis attaqué mais qui perdurent.

À partir du 17 octobre, vous aurez plus de temps à vous consacrer à votre épouse et à vos enfants. Comment se résumeront vos journées ?

Je n’ai pas d’épouse ! Mais je vais me consacrer à une personne qui m’est très chère. Je vais bien sûr me consacrer à mes enfants et à mes petits-enfants, mais aussi à la Fondation que j’ai créée il y a plus de cinq ans et au parti que je vais continuer à diriger.

Face à l’Histoire, vous resterez le président seychellois qui s’est retiré après une razzia de l’opposition aux élections législatives. Ça ne vous dérange pas ?

Quelle razzia ? Le parti que je dirige a perdu les élections législatives par 262 voix contre une coalition. C’est une défaite électorale mineure mais pas une déroute. Soyons clairs : nous sommes le parti politique le plus fort et le plus populaire du pays. Nous ne sommes ni en alliance ni en coalition avec aucun autre parti politique. En revanche, l’opposition est formée de plusieurs partis politiques. Donnons au temps le temps de remettre les choses en ordre.

Le Premier ministre mauricien a annoncé ce mois-ci qu’il passera la barre à son fils avant la fin du présent mandat du gouvernement. Quel est votre souvenir de Pravind Jugnauth ? Que vous évoque son nom ?

Je connais très bien sir Anerood et j’ai beaucoup de respect et d’admiration pour lui. C’est un dirigeant fin, intelligent et un homme d’État de grand calibre qui a marqué notre région et nos relations bilatérales pendant plusieurs décennies. Quant à Pravind, je le connais assez bien et je pense qu’il est un digne héritier de son père et que «we can do business together», dans l’intérêt de nos deux pays.

PS : L’interview a été réalisée avant la publication, mercredi 28 septembre, du communiqué de la coalition de l’opposition Linyon Demokratik Seselwa, qui rejette la passation de pouvoir à Danny Faure et réclame des élections.