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Série d'accidents: les idées partagées par les internautes

30 juillet 2016, 21:40

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Série d'accidents: les idées partagées par les internautes

82 morts sur nos routes en sept mois, soit une moyenne de 11 victimes par mois. Alors que les campagnes de sensibilisation du gouvernement face aux dangers de la route semblent vaines, l’express apporte à son tour sa contribution. Nous avons, pour cela, appelé les internautes à nous faire part de leurs idées pour une route plus sûre. En moins de 24 heures, nous avons recueilli 200 propositions sur notre page Facebook. Voici les plus pertinentes.

Stéphanie : Un certificat médical obligatoire pour les automobilistes âgés. Un permis d’apprenti d’une durée limitée aux jeunes chauffeurs.

Brandon : Une loi pour les piétons. La «Field Hour» (la présence des policiers dans la rue, comme près des «blind spots») devrait être étendue au quotidien contre chaque quinzaine actuellement.

Parvesh : Passage obligé aux ronds-points durant les examens pratiques de conduite; tout comme la tenue de ces examens en soirée. Inclure à ce registre des épreuves telles que «comment éviter des obstacles ou comment réagir en cas d’urgence sur la route».

Lucie : Ajouter un passage obligé durant l’examen du permis de conduire où les aspirants chauffeurs rencontrent des grands blessés des accidents de la route.

Nirvan : Réparer les routes endommagées et mettre à jour les marquages et l’éclairage routiers.

Arvind : Mettre en place un circuit de rallye officiel pour les amoureux de vitesse. Introduire des doubles pénalités le week-end et les jours de congé public. Récompenser chaque année des usagers de la route qui n’ont écopé d’aucune contravention. Leur offrir un rabais sur les frais de la vignette (la déclaration), par exemple.

Clothilde : Réintroduire le permis à points. (NdlR : une dizaine d’autres internautes nous ont fait cette proposition)

Axel : Un couloir dédié aux deux-roues.

Shadil : Encourager le public à dénoncer des automobilistes imprudents comme la vitesse, le téléphone ou l’alcool au volant. Une récompense à la clé.

Vani : Augmenter les frais d’assurance des automobilistes sanctionnés pour non-respect du code de la route.

Messe : Rendre obligatoire l’installation du capteur d’odeur d’alcool dans les véhicules qui empêchera tout de suite le démarrage du moteur.

Tess : Créer un site de covoiturage.

Vacoas Phoenix : Encourager les personnes à utiliser les transports publics en réduisant le coût du ticket d’autobus et instaurer une nouvelle taxe de circulation sur l’autoroute. Exiger des entreprises, un service de transport en commun pour les employés au lieu de les laisser garer leur voiture sauvagement sur les trottoirs.

Ds : Placer des voitures accidentées à des endroits stratégiques le long de la route comme méthode de dissuasion.

Catherine : Peine de prison pour alcotest positif.

Dans la tête des contrevenants

«Je ne me suis jamais fait prendre par la police»

«Je conduis depuis l’âge de 24 ans et même quand je venais d’avoir mon permis, je sortais, je consommais de l’alcool et je conduisais. Cela n’a pas changé depuis. La plupart du temps, j’ai des amis avec moi. Lorsque je bois et que je conduis, je fais plus attention que lorsque je suis sobre. Et je roule lentement. Il y a certainement une différence: l’alcool provoque le sommeil au volant et je suis moins concentré. Mais à ce jour, je ne me suis jamais fait prendre par la police pour un alcotest. La plupart du temps quand je bois et que je conduis, ce n’est pas pour faire un long trajet en voiture mais pour des sorties pas trop loin de chez moi. Je me souviens avoir déjà roulé à contre-sens une fois et le lendemain, ma copine m’a bien remonté les bretelles. Mais ce n’est pas pour autant que j’ai arrêté de boire et de conduire.»

«J’envoie mon texto en conduisant»

«Oui, j’envoie des textos en conduisant», concède Feizal, âgé de 33 ans. Mais, souligne-t-il, «je n’écris pas non plus un roman. Je me limite à des messages brefs comme ‘ok, j’arrive’ ou ‘je conduis’.» Mais est-il conscient qu’il y va de sa propre sécurité et de celle des autres? «En fait, avec l’habitude, je peux écrire mon message sans regarder mon portable. Mais avant d’envoyer, il me faut quand même baisser les yeux vers mon téléphone pour vérifier ce que j’ai écrit. Je tiens mon volant d’une main et le téléphone de l’autre.» Même une mauvaise expérience, lorsqu’il a perdu le contrôle de sa voiture et a heurté le trottoir, n’y fera rien. «Je suis conscient que c’est un risque. Mais bon, c’est plus facile comme ça. Et je quitte la route des yeux que pour vérifier que j’ai bien écrit le message», insiste ce conducteur.

«Très saoule au volant»

Sarah, 35 ans, se souvient de ses années de fêtarde. «J’ai des enfants mais je sortais et buvais beaucoup en plus de mélanger les alcools. Il m’est déjà arrivé d’être tellement saoule que j’ai eu sommeil et j’ai perdu le contrôle de mon véhicule. Tout ça se passe si vite qu’on n’a pas le temps de le réaliser. Après une fête, je me suis déjà arrêtée au bord de la route pour dormir un peu avant de reprendre le volant, cela ne dessaoule pas mais cela m’aide à rester éveillée le temps d’arriver à la maison. C’était comme ça tous les vendredis et samedis. J’ai de la chance de ne pas avoir eu de contrôle de police jusqu’à présent.»

«Je n’utilise pas les passages cloutés»

Il y a les automobilistes mais aussi les piétons qui n’hésitent pas à se mettre en danger sur la route. Entre les écouteurs dans les oreilles qui les empêchent d’entendre si une voiture approche et ceux qui traversent n’importe comment, une chose est sûre: les piétons sont les plus vulnérables. Mais une prise de conscience n’est pas pour sitôt. Médgée, 55 ans, reflète la manière de penser des piétons qui ne veulent pas se soucier du passage clouté. «Presque tous les jours, je traverse la route sans utiliser le passage clouté. Surtout à cause de la distance entre le passage clouté et l’arrêt d’autobus. C’est de la paresse, oui, mais je préfère traverser directement que marcher davantage pour utiliser le passage pour piétons.»

«Si je vois la police, je ne m’arrêterai pas»

Sa révélation est choquante : «Je conduis depuis que j’ai 18 ans et j’ai toujours conduit en état d’ivresse quand je sors avec mes amis.» C’est ce que confie Mathieu, 33 ans, à l’express. Pour lui, il est donc impensable d’aller en boîte et ne pas boire. «Il y a toujours d’autres personnes avec moi, mais elles ne me disent rien. Elles sont déjà habituées à ce que je conduise même si j’ai bu de l’alcool.» Une mauvaise aventure durant ses escapades n’y a rien changé. «Il m’est déjà arrivé de ne pas dormir, ayant travaillé de nuit, et de sortir et boire le lendemain. J’avais eu sommeil au volant et la voiture est montée sur un rond-point comme j’avais mal négocié le virage…» Et les contrôles de police ne lui font-ils pas peur? «J’ai l’habitude. Je sais où il y a des policiers et où il n’y en a pas. Et si je tombe sur une équipe qui fait des alcotests, je ne m’arrêterai pas.»

Impliqué dans un accident ayant fait 12 morts

Sa vie a basculé le 12 janvier 2011. Sur la route de St-Julien d’Hotman, une collision a lieu entre un poids-lourd et un minibus. Le chauffeur et tous les passagers à bord du minibus sont morts. Bruno Tabany est celui qui conduisait le poids-lourd. Poursuivi, il a finalement pu pousser un ouf de soulagement trois ans plus tard. En octobre 2014, la cour prononce un verdict de non-culpabilité à son encontre.

«Kan ou koné ou an rézon, ou latet pa fatigé», confie Bruno Tabany à l’express, cinq ans après le drame. D’autant plus que la thèse privilégiée est que c’est le minibus qui a quitté sa voie. Même s’il n’a pu éviter cet accident, le quadragénaire est d’avis que tout conducteur doit toujours «kav prévwar bann danzé lor la rout». Et de faire ressortir que «bann zen kouma gagn lisans roul brit. Lor larout ou aprann toulézour avek ou bann ti érer».

Accusé d’homicide involontaire, il a repris le volant après… 13 ans

Il y a 15 ans, Sailesh (prénom modifié) venait de décrocher son permis. Et il revenait d’une course illégale de voitures. «Mo ti pé rétourné ver trwa zer dimatin, kan mo’nn santi mo’nn tap ar enn zafer ek mo’nn roul lor li», confie le quadragénaire. Il était sur une route principale dans le centre du pays. Et ce «zafer» était en fait un homme qui n’a pas survécu. C’est lorsqu’il descend de sa voiture pour s’enquérir de la situation qu’il réalise qu’il a heurté un homme qui traversait la route à ce moment-là. La semaine suivante, poursuit-il, il a vendu sa voiture. «Mo ti tromatizé. Mo pann rod roul loto ankor.»

Ce n’est que 13 ans plus tard que Sailesh a osé reprendre le volant. Mais il ne conduit que très rarement le soir. Cet incident l’a, du reste, marqué à vie. Après l’accident, il a sombré dans la dépression et ce n’est que dix ans plus tard qu’il a pu songer à se marier. «J’avais aussi peur de sortir car les gens disaient du mal de moi.» Cela, même si le jugement rendu bien plus tard dans cette affaire a reconnu l’automobiliste non coupable. Aux automobilistes sur la route, Sailesh souhaite leur dire de s’assurer que leur voiture est en bonne condition et de «fer atension kan zot pé roulé. Kar enn zour, swa ou swa enn lot dimounn kapav perdi lavi».

Victime d’une défaillance technique

Akshay (prénom fictif) a bien compris la leçon : depuis son accident le 20 août 2015, il vérifie bien l’état de son véhicule et se plie aux contrôles réguliers. Ce qui l’a marqué: le fait que les freins de sa voiture ont lâché alors qu’il se trouvait sur la route de Flic-en-Flac en direction de Quatre-Bornes.

«Dan bann loto dévan nou ti éna zanfan. Nou pa ti pé koné ki pou fer...», confie-t-il. Il était en compagnie de son ami lorsque l’accident s’est produit. «Nous étions terrorisés. Nous voulions à tout prix nous arrêter, en vain», raconte cet habitant de Quatre-Bornes.

Notre interlocuteur explique qu’un peu plus tôt dans l’après-midi ce jour-là, leur voiture est tombée en panne mais ils ne s’en sont pas souciés. «Nou’nn trouv lamor dévan nou», souligne Akshay. La voiture a fini par percuter une autre qui se trouvait non loin des feux de signalisation. Heureusement, il n’y a pas eu de blessés. Mais «si nou pa ti aret par la, nou ti pou trouv lamor pli dévan…» Son conseil aux automobilistes: ne pas prendre l’entretien de leur véhicule à la légère. Ce, afin de se protéger et protéger les autres usagers de la route. «Akoz nou, inosan kapav perdi lavi…»

Nando Bodha: «Une loi pour viser l’alcool et la vitesse au volant ainsi que les délits de fuite»

Nando Bodha, ministre des Infrastructures publiques.

Trois morts cette semaine sur nos routes (NdlR, deux autres victimes ont succombé à leurs blessures jeudi). Ne pensez-vous pas qu’il est temps que le gouvernement durcisse vraiment le ton face aux infractions routières?
Effectivement. C’est pour cela que nous allons introduire prochainement des sanctions encore plus sévères. Nous ciblons l’alcool, la vitesse au volant et les délits de fuite. Il y a une loi en préparation. Elle est presque finalisée. On espère qu’elle sera présentée au Conseil des ministres bientôt.

Est-ce à dire que les campagnes de sensibilisation, comme le «mois de la sécurité», n’ont pas donné de résultat concluant?
Le nombre de morts en France et à La Réunion est passé de 15 pour 100 000 habitants à cinq. Cela leur a pris dix ans. C’est un travail de longue haleine. Il faut comprendre qu’il y a trois choses à prendre en considération dans les accidents. D’abord, la mauvaise qualité des routes, puis le fait qu’un véhicule puisse être mal entretenu et, finalement, l’effort humain.

Il faut une synergie entre toutes les parties prenantes, sinon on ne pourra pas réduire le nombre d’accidents. Je suis certain que l’éducation est la solution, mais cela va prendre du temps.

Pour nos campagnes de sensibilisation, nous avons commencé à les faire de manière méthodique avec la commission nationale, le conseil de sécurité et l’expert en sécurité routière. Les deux usagers de la route les plus vulnérables sont les motocyclistes et les piétons.

L’impression qui se dégage, c’est que les autorités ne font rien. Des motocyclistes ne portent même plus de gilet fluorescent la nuit…
C’est pourquoi nous allons ouvrir des moto-écoles pour dispenser des formations aux motocyclistes. Nous devons faire leur éducation. Je le répète, c’est un travail de longue haleine. Avec le temps, les motocyclistes et les piétons réaliseront qu’ils sont les plus vulnérables sur les routes. Je pense que certains ont déjà compris qu’il faut respecter les autres usagers de la route.

«L’express» s’est tourné vers des internautes pour avoir des idées innovantes pour la sécurité routière. Êtes-vous prêt à travailler avec eux, à les écouter, voire appliquer leurs idées?
Tout à fait. Le fait que l’express se mette à en parler veut dire que vous êtes en train de contribuer à sensibiliser les usagers de la route. Il y a un mécanisme qu’il faut mettre en place. Bien sûr, on va considérer toutes les idées et propositions des internautes, que ce soit en termes de loi, de campagnes de sensibilisation, de conseils. Je les encourage à faire leurs suggestions.

Qu’est devenu le comité sur la sécurité routière présidé par sir Anerood Jugnauth?
Le comité se rencontre chaque six mois. Il étudie uniquement les grandes lignes. Quant au comité national, qui se rencontre chaque mois, il se penche sur tous les problèmes liés à la sécurité routière. Notre priorité: les moto-écoles et la formation des motards de la police. 

Autre chose qui nous interpelle : les soins médicaux aux blessés de la route. On voit souvent de grands blessés d’accidents de la route mourir trois jours après. A-t-il reçu les soins nécessaires? A-t-il été pris en charge pendant la première heure suivant l’accident? Il faut savoir que la sécurité routière concerne tout le monde. Les ingénieurs, le public, la santé, l’éducation. On veut que tout le monde travaille ensemble et c’est comme cela qu’on pourra remporter cette bataille.