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Publicité: pourquoi les polémiques touchent Maurice ?

22 juillet 2016, 21:15

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Publicité: pourquoi les polémiques touchent Maurice ?

Vêtements, préservatifs, canapés… Ces dernières années, plusieurs campagnes publicitaires ont mis le feu aux poudres. La dernière est celle de la Motor Vehicles Dealers Association qui date du mardi 19 juillet et qui parle des taxes sur les voitures. L’Independent Broadcasting Authority a demandé aux radios privées de ne plus la diffuser. Juste avant cela, le 18 juillet, «Taste the feeling» de Coca-Cola a été interdite par le ministère de l’Égalité du genre qui la trouvait sexiste. Un des clichés montre une jeune fille qui porte une bouteille à ses lèvres.

Du coup, entre les associations socioculturelles, les ONG et les diverses autorités, les agences de publicité doivent redoubler de vigilance afin de ne heurter aucune sensibilité. Loga Virahsawmy, directrice de Gender Links et ancienne présidente de Media Watch Organisation, ne mâche pas ses mots. «Nous sommes dans un pays avec trop de mentalités bouchées et cela nous a mis très en retard sur les autres pays africains», lance-t-elle.

Revenant sur les problèmes qu’avait causés une publicité pour préservatifs, elle déclare que l’utilisation du préservatif est importante. «Tout ce qui a un rapport avec le sexe est tabou ici et cela nuit à l’éducation.»

 «L’esprit des gens travaille trop et voit le sexe là où il n’y en a pas.»

Et les hommes dans tout ça ? La directrice de Gender Links ne fait pas de discrimination, même si elle affirme que les hommes sont nettement moins concernés par ce phénomène d’objectification. «Il y a eu la pub de Benetton, où l’homme était dans une position dégradante face à une femme agressive. Tout ça pour un canapé. Je m’y suis occupée malgré les critiques que j’ai essuyées», explique-t-elle.  

Qu’en est-il de la publicité de Coca-Cola ? «L’esprit des gens travaille trop et voit le sexe là où il n’y en a pas. Je suis étonnée que le ministère ait réagi si vite alors que dans d’autres cas plus graves, les correspondances restent sans réponse.»

La ministre de l’Égalité du genre, Aurore Perraud, a, elle, fait savoir que la décision d’interdire cette publicité est intervenue après des discussions au niveau de son ministère. Quant aux bouteilles où cette image figure, une décision sera communiquée ultérieurement.

Des ados légèrement vêtus dans des poses suggestives

Une source autorisée du ministère souligne qu’il n’y a pas d’interdiction pure et dure, mais une demande de réflexion. «Actuellement, nous travaillons sur une campagne d’égalité entre hommes et femmes. La campagne de Coca-Cola, par contre, est tout autre», dit cette source. En effet, au-delà de cette image précise, d’autres clichés de la même campagne ont froissé le ministère.

«On y voit des adolescents légèrement vêtus dans des poses suggestives, et cela nous a interpellés, d’où ce rappel à l’ordre à la compagnie. Nous voulons nous assurer que les valeurs ne s’érodent pas», explique notre interlocutrice.

«Image presque pornographique»

Tout a commencé par une plainte d’une consultante en matière de genre, Trisha Gukool. Selon elle, la publicité de Coca-Cola est trop sexiste pour être autorisée. «Comment peut-on parler de publicité quand l’image ne montre même pas la marque de la boisson ? Sans le logo de la compagnie, on ne sait pas si c’est une pub pour boisson, pour cosmétique ou autre chose. L’image est presque pornographique», fustige-t-elle.

Trisha Gukool avait eu un entretien avec la Brand Manager de Coca-Cola Mauritius en mars pour lui exposer son point de vue et demander la suppression de cette campagne. Elle explique qu’elle s’est heurtée à un refus car la campagne était internationale et validée par le comité de Coca-Cola à Atlanta.

La consultante en matière de genre a ensuite contacté le bureau du Premier ministre ainsi que le ministère de l’Égalité du genre pour mettre un terme à «Taste the Feeling». C’est lorsque le bureau du Premier ministre a demandé au ministère de prendre une décision qu’une lettre a été envoyée à Phoenix Bev, compagnie qui représente la multinationale à Maurice.

Dans la lettre envoyée par le ministère au Chief Executive Officer de Phoenix Bev, il est stipulé que cette publicité doit être retirée de la circulation de par son caractère sexiste. «Coca-Cola n’a pas rechigné et a obtempéré», note l’officiel du ministère.

«J’avais reçu la dame pour lui expliquer en quoi notre campagne était loin d’être sexiste mais tournée vers l’esthétisme»

Dans ses correspondances, Trisha Gukool a aussi demandé que le code d’éthique soit revu pour y inclure le sexisme. «La démarche a été fructueuse car je considère cette interdiction comme une victoire contre le sexisme», a déclaré la plaignante.

Cependant, du côté de Coca-Cola Mauritius, c’est un tout autre son de cloche. «Nous avions eu vent de cette polémique et j’avais reçu la dame en question pour lui expliquer en quoi notre campagne était loin d’être sexiste mais tournée vers l’esthétisme», a fait savoir Valérie Rochecouste, Brand Manager de la marque à Maurice.

Pour elle, c’est beaucoup de bruit pour rien car l’image incriminée ne fait plus partie de la campagne depuis mai. Ce visuel, explique-t-elle, a déjà été enlevé car la campagne était arrivée à terme. L’image pointée du doigt ne faisait pas partie du second volet de cette campagne. «De ce fait, la lettre du ministère nous parvient avec deux mois de retard et n’a aucun impact sur notre plan marketing», dit-elle. Le reste de la campagne se déroule comme prévu.


Vino Sookloll: «Le ministère a pris une décision unilatérale sans consulter les professionnels»

 

 

Ces nouvelles polémiques remettent sur le tapis le code d’éthique du monde de la publicité. Pour le président de l’association des agences de communication à Maurice, il n’y a pas de faille dans le code d’éthique des publicitaires.

Est-ce que le code d’éthique des publicitaires contient des failles qui laisseraient la porte ouverte à ce type de pratiques ?

Non. Ce code comprend plusieurs chapitres sur ce point et tout y est. Il a été travaillé avec plusieurs partenaires. Il n’y a pas de loopholes, le sexisme y est clairement interdit.

Comment expliquer les récentes polémiques sur les publicités d’outils de bricolage ou de colle pour carrelage dans ce cas ?

Je ne défends pas toutes ces campagnes, mais il faudrait savoir ce qu’on veut. Il y a eu, dans le passé, des critiques car les publicités démontraient les femmes toujours en train de passer l’aspirateur ou faire la vaisselle. On a crié au sexisme, que la femme est à l’égal de l’homme et ne doit plus être représentée uniquement dans le milieu domestique. Trop cliché.

Là, nous parlons de campagnes qui démontrent que la femme est bien installée dans un milieu masculin, qu’elle est à son égal et la critique est toujours présente. On fait quoi, on supprime la femme des publicités ? On va encore parler de sexisme…

Toujours est-il que le ministère a pris la décision d’interdire la publicité de Coca-Cola...

La bouche ouverte de la dame suggère qu’elle s’apprête à boire. Tout le monde sait, en 2016, que nous buvons par la bouche. On ne voit effectivement pas la marque mais cette bouteille est iconique. N’importe qui, à travers le monde, va la reconnaître. Où se situent donc les griefs ? Sur le rouge à lèvres de la dame ?

Puis, on peut faire dire n’importe quoi à une image isolée d’une campagne où figurent des hommes, des femmes et des couples. De plus, le ministère a pris une décision unilatérale sans consulter les professionnels du domaine, et c’est déplorable.