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Air Mauritius: l’américain Boeing avait fait une meilleure offre qu’Airbus

29 juillet 2015, 22:44

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Air Mauritius: l’américain Boeing avait fait une meilleure offre qu’Airbus

Tout a été mis en œuvre par le gouvernement de Navin Ramgoolam afin qu’Airbus décroche le contrat pour le renouvellement de la flotte de la compagnie nationale d’aviation. C’est ce qui ressort de l’enquête conduite par le ministère de la Bonne gouvernance sur l’achat de six A350-900 par Air Mauritius pour plus de Rs 30 milliards, une semaine avant le dépôt des candidatures pour les dernières élections législatives.

 

Toute une série de correspondances entre le Sud-Africain André Viljoen et l’Irlandais Frank Gleeson, respectivement directeur général d’Air Mauritius et conseiller «spécial» de l’ex-Premier ministre, démontre que les dés ont été pipés au début même de l’appel d’offres. L’avionneur européen a été favorisé au détriment de l’américain Boeing d’après des documents en possession de l’express.

 

La firme de Seattle a fait une Best And Final Offer (BAFO) à Air Mauritius lors des négociations menées à Maurice en mai 2014, mais c’est celle de Toulouse qui a été retenue. Ce, après une série d’interventions discrètes de la part de Frank Gleeson et d’André Viljoen auprès de certains dirigeants d’Airbus.

 

Echange assidu de courriels entre Viljoen et Gleeson

 

À un moment donné, l’Irlandais, accessoirement bénéficiaire des commissions de Dufry, invite même le Sud-Africain à faire jouer ses contacts, celui-ci ayant été derrière le renouvellement de la flotte de la South African Airways (SAA) en 2002. Il était alors le Chief Executive Officer de cette société et Airbus avait été sélectionné contre une enveloppe de 3,5 milliards de dollars.

 

«Regretfully the Airbus BAFO does not sufficiently match the competitive offer we have received from Boeing. For this reason, I am approaching you directly given our long- standing relationship to see if you can assist to improve on the BAFO from Airbus», écrit ainsi André Viljoen à un haut cadre d’Airbus en juin 2014.

 

«Whilst we appreciate the effort that was made to move the first two deliveries from Airbus to 2019 and to reduce the level of PDP’s to 12 %, the following are important requirements that have not been sufficiently addressed. We request that you please address these requirements again to ensure Airbus’s offer becomes adequately competitive», conclut-il.

 

L’échange assidu de courriels entre André Viljoen et Frank Gleeson révèle également que Dass Thomas et Kishore Beegoo, deux proches de Navin Ramgoolam parachutés dans le fauteuil de président et membre du conseil d’administration d’Air Mauritius, étaient au courant de l’accord sur l’achat des A350-900. Dans une lettre datée du 24 septembre 2014, André Viljoen demande à Frank Gleeson de rencontrer Navin Ramgoolam au plus vite pour le mettre en garde contre Kishore Beegoo.

 

«Best deal»

 

Le patron de Cargotech, Kishore Beegoo, avait, comme l’a révélé l’express-dimanche le 7 juin dernier, essayé de faire comprendre au chef du gouvernement qu’il était préférable de choisir l’A330, l’A350-900 étant un modèle qui n’a pas encore fait ses preuves. Navin Ramgoolam avait alors évoqué la question à son ami Iqbal Bhayat, un cadre d’Air Mauritius basé à Londres.

 

Dans cette lettre du 24 septembre 2014, André Viljoen croit savoir que Kishore Beegoo veut faire capoter les négociations avec Airbus sur l’achat des A350-900. Il fait ainsi part à Frank Gleeson de «rumeurs» selon lesquelles Kishore Beegoo serait intervenu auprès d’un dirigeant influent du Mouvement militant mauricien lors des épisodes de «koz kozé» avec le Parti travailliste afin que l’appel d’offres soit renouvelé.

 

En tout cas, c’est Navin Ramgoolam qui a eu le dernier mot pour l’achat du dernier-né de l’avionneur européen. Il avait été invité par André Viljoen à confirmer son choix pour l’A350-900 sept mois avant la mascarade au Salon aéronautique de Farnborough, en Grande-Bretagne. En juillet 2014, la direction d’Air Mauritius s’y était rendue et s’était félicitée d’avoir réussi un «best deal» sans toutefois révéler le montant de la transaction.