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Violence à l’égard des femmes: aujourd’hui autonome, elle est marquée à vie

25 novembre 2014, 00:33

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Violence à l’égard des femmes: aujourd’hui autonome, elle est marquée à vie
On ne pourra venir à bout de la violence qu’en rendant les femmes autonomes. C’est du moins ce qu’estiment les activistes du genre. Toutefois, même lorsque ces femmes qui ont été victimes de violence domestique parviennent à être indépendantes financièrement, elles sont marquées à vie par ce qu'elles ont vécu. C’est le cas de Françoise, âgée de 54 ans, qui nous livre son poignant témoignage en cette Journée mondiale de l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

 

Cela fera bientôt dix ans que la frêle Françoise vit séparée de son époux. Laps de temps au cours duquel elle a pu trouver un emploi grâce à Ambal Jeanne, directrice de SOS Femmes. Françoise loue un petit logement où elle vit avec ses deux enfants mineurs. Dix ans, c’est assez long pour que l’eau ait tant coulé sous les ponts.

 

Lorsqu’elle repense à ce qu’elle a vécu durant ses 18 ans de vie commune, au cours desquels elle a dû regagné à plusieurs reprises le domicile de ses parents, elle fond en larmes comme si c’était hier. «En temps normal, je n’y pense pas. Mais dès que quelqu’un m’en parle et que tout me revient en mémoire, je m’effondre. Il ne faut pas oublier. Lorsqu’on oublie, on n’a plus la force d’affronter l’étape suivante», affirme-t-elle. Non pas qu’elle s’accroche au passé mais il est clair que ses blessures se sont cicatrisées en surface uniquement. «Parfois, ce sont des femmes comme nous qui nous font souffrir», dit-elle en remontant le fil de ses souvenirs.

 

Etant  encore célibataire à 25 ans, elle accepte la demande d’un homme qui paraissait bien sous tous les rapports. Elle se retrouve dans une maison avec sa belle-mère dont l’hostilité à son égard est évidente. Celle-ci dort d’ailleurs dans leur chambre. Les moments d’intimité entre elle et son mari sont rares et à la sauvette.

 

Ce que Françoise gagne comme salaire, elle doit le verser à son époux qui le remet à sa mère. Et lorsqu’ils ont des dépenses à encourir, le fils doit mendier à sa mère qui lui restitue l’argent au compte-gouttes. «Elle interférait constamment dans notre couple», indique Françoise. La belle-mère a toujours une remarque à faire à son encontre. Bien vite, son mari commence à sortir seul après le travail. Si elle ose exprimer son désaccord, sa belle-mère la fait taire.

 

Au début, son mari accepte les remarques de sa femme en silence. Mais après quelque temps, lorsqu’il rentre, il se met à la battre. Elle le soupçonne d’infidélité. Il nie et rejette l’accusation sur elle. Le fait de déménager n’atténue en rien la violence à son égard.

 

Côtes fracturées

 

Elle ne compte plus le nombre de fois où elle prend ses enfants et retourne chez sa mère. «Ma mère m’encourageait à le quitter. Mais je pensais aux enfants. De plus, je n’avais nulle part où aller», déclare la quinquagénaire. Une de leurs séparations dure même trois ans. Mais au final, elle se laisse toujours convaincre quand il lui dit qu’il changera.

 

Mais les coups recommençaient toujours. Un jour où il a mis plus de rage que d’habitude dans ses coups, elle se retrouve avec plusieurs côtes fracturées et doit être hospitalisée. Il lui a fait promettre de ne rien dire au médecin car il risque la prison. Il fait amende honorable en lui payant tous ses médicaments. Les coups font alors place aux injures. Et lorsqu’elle est remise sur pied, elle redevient sa tête de Turc. Elle le quitte et se réfugie à deux reprises à SOS Femmes mais regagne ensuite son foyer.

 

Ce qui la fait fuir définitivement, avec seulement les vêtements qu’elle a sur le dos et ses enfants, c’est un acte abominable de la part de son mari, qu’elle préfère taire et dont le seul souvenir lui arrache des sanglots. Elle retourne alors à SOS Femmes. «Ce qu’il m’a fait est abominable, innommable. Je suis incapable de lui pardonner», dit-elle en regrettant toutefois de n’avoir jamais eu le cran de riposter.

 

Elle est extrêmement reconnaissante envers SOS Femmes. «J’ai beaucoup reçu. De plus, je pouvais laisser mes enfants en toute sécurité à l’abri et aller travailler en toute quiétude», indique-telle.

 

La femme qu’elle est aujourd’hui a radicalement changé. «Mon caractère a évolué. Je ne laisserai plus personne essayer de me dominer. Je revendique mes droits. Et si je vois une injustice, je le dis haut et fort. Je me suis endurcie.» Elle ne souhaite pas refaire sa vie. «Je ne veux plus rendre de comptes à quiconque», dit-elle.