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Profanation de tombes à Bois-Marchand: «une milice» pour protéger les morts

11 avril 2014, 09:35

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Profanation de tombes à Bois-Marchand: «une milice» pour protéger les morts
Au fond du cimetière de Bois-Marchand, derrière les hautes herbes qui rendent la marche difficile, à deux pas de la passerelle qui coupe l’autoroute, un caveau béant… Il ne reste que des bouts de planche du cercueil qui s’y trouvait. Détruit non pas par le temps, mais par des mains avides d’hommes à la recherche du coffre en plomb où est d’abord déposé le corps.
 
Mais où est ce dernier ? Pas de trace. Coup d’oeil au hasard dans les alentours… À peine un mètre plus loin, déposé sur l’herbe, un cadavre en décomposition. Les habits du vieil homme décédé en 1987 sont intacts, ses traits peuvent encore être devinés. Il aurait été arraché du caveau en début de semaine.
 
C’est à Bois-Marchand que Charles Ng Tai Mui, G.O.S.K., directeur d’Atom Travel, a enterré ses parents et comme de nombreuses personnes dans son cas, il est révolté. Déterminé à rencontrer le Premier ministre, il compte lui partager «le sentiment de révolte et de colère qui ronge toute la communauté».
 
Car à Chinatown, on est déterminé à agir devant ce geste hautement blasphématoire. «Les autorités nous prennent pour des imbéciles. Nous ne comptons pas rester les bras croisés», lance un commerçant. Un autre souligne qu’il est temps de payer des «gardiens privés» qui s’occuperont du cimetière et agiront «comme une armée» en usant de violence s’il y a nécessité.
 
Interrogé à ce propos, le président du conseil de district de Pamplemousses, Ranjiv Woochit, a déclaré que ses officiers travaillent actuellement sur des règlements qui seront soumis au ministère des Administrations régionales. «Une fois que nous obtiendrons l’approbation du ministère, nous servirons une notice aux propriétaires pour qu’ils nettoient leurs terrains dans un délai de 15 jours. Au cas contraire, le conseil de district le fera contre le paiement d’une certaine somme d’argent dont le montant reste à être fixé». Dans la foulée, Ranjiv Woochit soutient que l’équipe chargée de l’entretien du lieu sera renforcée dans les jours à venir.
 
Ah Men Lim Fat, président de la société Heen Foh Lee Kwon, réclame lui aussi que des mesures «immédiates et drastiques devant la gravité de cette situation révoltante» soient prises. En collaboration avec d’autres associations de Mauriciens d’origine chinoise, ils ont l’intention de demander une rencontre avec les autorités concernées pour discuter de la situation. «Il faudrait d’abord que l’on sache à qui s’adresser. Les choses ont trop dégénéré, il faut trouver une solution», déclare-t-il.
 
Depuis un certain temps, raconte Charles Ng Tai Mui, plusieurs de ses amis se font accompagner de policiers lorsqu’ils visitent leurs morts. Et le manque d’entretien favorise cette atmosphère d’impunité. «Il y a trois semaines, j’y suis allé pour des prières et j’ai dû chercher pendant 30 minutes le caveau de mon père parmi les hautes herbes», raconte-t-il.
 
Au-delà du manque de respect envers les ancêtres, il voit dans cette profanation la mort lente de la culture chinoise, très attachée au culte des morts. «Cela me fend le coeur. Les jeunes ont déjà du mal à suivre nos traditions. Ce type de vandalisme ne peut que les en éloigner davantage», se désole-t-il.
 
Il regrette aussi que dans un futur proche, les Mauriciens d’origine chinoise se voient obligés d’abandonner un rite important à leurs yeux pour opter pour l’incinération. «Ce serait mieux que nous ayons recours à l’incinération désormais. Cela évitera bien des soucis…», martèle-t-il.
 
En attendant qu’adviendra-t-il du mort arraché de son caveau mardi ? Selon certaines informations, des membres de la communauté chinoise de Maurice tentent de communiquer avec sa famille, qui se trouverait à l’étranger.
 
Nous avons sollicité le ministre des Collectivités locales, Hervé Aimée, qui précise qu’un officier se rend tous les jours sur les lieux. Il ajoute qu’une partie du cimetière a été nettoyée mais que la police objecte à ce que le mort soit remis dans le caveau «pour les besoins de l’enquête».
 
Il compte cependant entreprendre les démarches nécessaires pour que le corps soit levé et s’organiser pour rencontrer des Mauriciens d’origine chinoise afin de discuter de ce qui peut être fait pour arrêter la profanation des tombes.