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Mains propres, dites-vous ?

27 octobre 2016, 09:45

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Si l’accession de Pravind Jugnauth au poste suprême est imposée à la population par le biais d’une perfide filouterie électorale, notre pays sera, selon les prévisions de Paul Bérenger, alors ingouvernable. L’on peut lire entre les lignes. Cependant, un tel postulat supposerait a fortiori que notre pays soit avant tout bel et bien gouverné. Il l’est sans doute. Mais par qui ? Et comment ?

L’économie est certes une science expérimentale. Mais elle a les mêmes critères de validation que la médecine ou la biologie. Mettant en valeur les liens de cause à effet, l’économie reste et demeurera une science qui requiert connaissance, expérience, habilité et savoir-faire. Or, ici, terre de la pensée magique, d’aucuns pensent que rien ne sert à travailler et qu’il suffit de brailler. C’est ainsi que lors de la dernière campagne électorale, l’économie a été sacrifiée sur l’autel de la démagogie électorale : multiplication d’innombrables billevesées, décuplement de fausses promesses et déferlement de projets de relance irréalisables. De la poudre aux yeux lancée par des politiciens irresponsables. Ainsi maltraitée lors de la dernière campagne électorale, l’économie se venge aujourd’hui. Rien ne va plus. Mais qui récolte les fruits délétères de cette semence démagogique ? La population. Pis encore : les plus démunis et une classe moyenne qui ne demande qu’à émerger. Réjouissant.

Malgré l’annonce en fanfare de la Vision 2030, la grande farceuse, ce gouvernement semble s’être engagé dans une politique à courte vue sur fond de fausse relance qui mène tout droit à un désastre économique et, en amont, à une catastrophe sociale. L’heure est à la rigueur et non au culte du toujours plus pour enfumer les esprits moins avertis. Qui plus est, les délires d’indécisions qui ont ponctué l’action gouvernementale n’augurent rien de bon. Si l’on peut, peutêtre, pardonner ceux qui ont déjà tranché depuis longtemps dans leur tête, mais qui tardent à passer à l’acte, il est cependant moins aisé de donner l’absolution à ceux qui n’ont pas réfléchi avant l’acte. À force d’hésiter entre le seau d’eau et la botte de paille, l’âne finit par mourir de soif et de faim. La double peine.

Or, justement, il nous semble que nous ne sommes pas au bout de nos peines. Le vieux routard qu’est Paul Bérenger l’a plus que flairé : le pire ou le plus grave est à venir. Car, en tourbillons et en rafales, comme une maudite dépression tropicale, un bien mauvais vent souffle au-dessus de nos coiffes déjà en bataille. Si notre pays n’était il y a peu qu’une instable barque, grevée de promesses non-tenues, lestée de nominations indignes, plombée de tiraillements interministériels, mitée d’incohésion décisionnaire, privée d’un capitaine incontestable et incontesté et secouée par une filouterie électorale, tanguant dangereusement de gauche à droite au milieu d’une mer démontée ; elle ne ressemble aujourd’hui qu’à une frêle embarcation éventrée par les scandales et échouée sur les côtes des dépenses inutiles et suspectes.

L’ignorance et l’incuriosité sont deux oreillers fort doux, dit-on, mais pour les trouver tels, il faut avoir la tête aussi bien faite que Montaigne. La pertinence de ce postulat, emprunté aux «Pensées philosophiques» de Diderot, ne saurait cependant trouver écho auprès de ceux qui s’abreuvent aux mamelles de la démagogie galopante et qui, en adeptes du culte de la dérobade, contribuent à réduire la pratique de la politique à un combat d’aveugles dans une impasse. Car il faut être complètement déconnecté de la réalité ou, pis encore, feindre l’ignorance, comme ceux qui jouissent sempiternellement du flux et reflux incessant du grand bleu, pour ne pas avoir la lucidité d’observer la traitreuse infiltration de cellules malignes dans la carapace publique et ainsi constater l’incrustation insidieuse d’une forte déliquescence dans l’administration des affaires publiques.

Ce n’est pas une question d’acharnement médiatique mais de simple bon sens. Au lieu de chercher sans cesse des diversions, de s’embarquer lâchement dans des attaques personnelles, d’enlever la bouse des mains pour mieux la lancer aux autres ou encore d’imputer aux vrais patriotes l’imaginaire pathologie du «nanien pa bon», il est temps que l’on regarde la vérité en face et que l’on s’attaque aux vrais problèmes.

Nous vivons à une époque où l’excès de vigilance vaut mieux que l’abus de naïveté et où les prises de position, aussi dangereuses qu’elles puissent paraître dans une société aussi exiguë que la nôtre, augurent mieux pour le bien commun que l’évitement à des fins strictement personnelles.

Alors voilà : d’Heritage City à Omega Ark en passant par Pedretec et Near Shore ; les affaires ne manquent pas pour comprendre que nous ne sommes plus au temps du relativisme et de la banalisation du mal. Des millions jetés par la fenêtre pour l’éléphant blanc qu’est Heritage City, des signaux inquiétants émanant de la raffinerie flottante Near Shore, des faits intrigants entourant l’«unsolicited bid» Pedretec et des transactions plus que douteuses concernant Omega Ark. Tout cela ne fait pas joli-joli pour un gouvernement qui a promis une cure de désintoxication dans les plus hautes sphères de l’État.

Et si tout cela ne relevait pas uniquement d’un manque de sérieux ou de l’incompétence des uns et des autres ? Les plus rétifs du MSM, du PMSD et du ML ne voudront sans doute pas connaitre la réponse à cette question. Mais il est impératif que nous la posions : nous aurions tort de nier les réalités dès lors qu’elles dérangent ou angoissent certains. En tout cas, si la réponse à cette question rend le pays ingouvernable, comme tente de le suggérer Paul Bérenger, nous serions alors fatalement amenés à croire que l’opération mains propres, qui a tant séduit lors du scrutin de décembre 2014, a pris un sérieux coup de mou.

La vérité est souvent très embêtante. Sinon, comme se plaisait à dire le grand philosophe Michel Audiard, «tout le monde la dirait».

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