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L?affaire Sun Trust

28 janvier 2004, 00:00

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Avant les élections de 1995, un contrat fut conclu au nom de l?Etat mauricien avec le Sun Trust portant sur la location de bureaux sur trois étages du Sun Trust Building pour un loyer MENSUEL de Rs 640,320, soit un loyer ANNUEL de Rs 7 643 840.

Le gouvernement mauricien était alors dirigé par Sir Anerood Jugnauth et le Sun Trust était dirigé par Sir Anerood Jugnauth. Les chèques étaient tirés par le gouvernement à l?ordre de Pravind Jugnauth. Les autres gérants du trust étaient des membres de la famille Jugnauth dont Lady Sarojini Jugnauth.

Apres l?arrivée au pouvoir de l?alliance Parti travailliste-MMM en décembre 1995, le gouvernement avait le choix entre continuer à occuper un immeuble, qualifié de bâtiment de la honte pendant la campagne électorale, jusqu?à l?expiration du bail en 2002 ou résilier le contrat. Le gouvernement Travailliste-MMM opta pour la résiliation du contrat.

Le Sun Trust a réclamé des dommages de l?ordre de 45,2 millions de roupies représentant la somme qui aurait dû être versée par l?Etat pour la période restante du bail. Au cours du procès, les seuls témoins appelés par le défendeur, c?est-à-dire le gouvernement MMM-MSM, étaient deux Secrétaires permanents. L?intégralité des dépositions des témoins de la défense est reproduite dans le jugement rendu par la Cour suprême. Le juge explique : ?I shall for that purpose reproduce verbatim the totality of the evidence adduced by them on behalf of the defendant in view of its brevity and its insignificance in countering the plaintiff?s case.?

Le juge souligne également : ?There was absolutely no evidence to contradict or to question the plaintiff?s claim regarding the loss and prejudice suffered as a result of the cancellation of the contract nor was there an iota of evidence adduced by the defendant that could show that plaintiff?s claim for damages is excessive and should be reduced.?

Dans les circonstances, la cour a ordonné à l?Etat de payer au Sun Trust la somme de 45,2 millions de roupies réclamée par le plaignant.

Dans l?hypothèse où la réclamation était fondée en droit eu égard aux stipulations expresses du contrat de bail, il convient d?analyser sur le plan politique les dispositions de ce contrat.

Contrat en béton

La clause 13 du contrat prévoyait qu?en cas de résiliation du contrat avant l?expiration du bail, l?Etat paiera au Sun Trust, au cas où ce dernier ne parviendrait pas à trouver un autre locataire, la totalité du loyer pour la période restante; ou, au cas où le Trust trouverait un autre locataire mais obtiendrait un loyer inférieur à celui payé par l?Etat, la différence entre les deux loyers.

C?est donc un contrat en béton qui fut négocié par le gouvernement dirigé alors par Sir Anerood Jugnauth et le Sun Trust dirigé par Sir Anerood Jugnauth.

Il faut se demander si on retrouve cette disposition dans tous les contrats de bail signés par l?Etat à l?époque ou, si cette clause en béton ne figurerait que dans le contrat signé avec le Sun Trust. Au cas où cette clause se trouve dans le contrat standard, il faut que l?Etat revoie sa politique. Au cas où cette clause ne figure que dans le cas du bail du Sun Trust, l?Etat doit expliquer aux Mauriciens la justification de cette disposition très avantageuse au trust dirigé par le Premier ministre d?alors.

Le Sun Trust a affirmé devant la Cour suprême qu?il n?a pu trouver de locataire entre 1996 et 2002, malgré tous ses efforts dans ce sens. Le trust n?est même pas parvenu à trouver un locataire qui paierait moins que l?Etat. Il n?y avait aucun preneur sur le marché. Comment donc expliquer que des locaux qui avaient pu être loués à un loyer MENSUEL de Rs 640 320, soit un loyer ANNUEL de Rs 7 643 840 avant 1995 n?ait trouvé aucun preneur entre 1996 et 2002, même à un loyer inférieur ? Est-ce que les données relatives au marché de l?immobilier avaient changé si radicalement après 1995 ou est-ce que ce sont les données politiques d?avant 1995 qui expliquent que le propriétaire avait eu plus de chance avant1995 qu?entre 1996 et 2002 ?

?Source of Funds?

L?Etat mauricien exige depuis quelque temps le respect le plus strict des normes internationales relatives au blanchiment de l?argent. Tout un arsenal juridique a été mis en place pour que les fournisseurs de services et notamment les banques et institutions financières vérifient la provenance de l?argent (SOURCE OF FUNDS) avant toute transaction. L?application stricte de ces normes par les régulateurs crée d?énormes difficultés tant pour les opérateurs que pour les consommateurs ou les investisseurs. Cependant l?Etat mauricien s?apprête à payer une somme de 45 millions de roupies à un co-contractant sans lui demander de préciser la provenance des fonds ayant servi à la construction de l?immeuble loué à l?Etat. En d?autres termes, au cas où un co-contractant chercherait à rentabiliser un bien acquis de fonds dont la provenance n?est pas connue, il existe des circonstances dans lesquelles l?Etat accepterait de payer plusieurs millions de roupies alors que des institutions financières pourraient être sévèrement sanctionnées si elles acceptaient par exemple un dépôt de quelques centaines de milliers de roupies sans exiger des explications sur la provenance de cette somme.

L?application stricte de la règle concernant le ?SOURCE OF FUNDS? pose des problèmes particuliers aux opérateurs offshore et de nombreux investisseurs étrangers se plaignent de la rigidité de ces règles. Comment donc expliquer à ces opérateurs et ces investisseurs que l?Etat paierait la somme de presque deux millions de dollars pour une transaction immobilière sans poser de questions sur la provenance de fonds ayant servi à l?acquisition de l?immeuble en question alors qu?un investissement de quelques milliers de dollars seulement pourrait être rejeté au cas où des explications suffisantes n?auraient pas été fournies et que des procédures contraignantes n?auraient pas été suivies ?

Une escroquerie intellectuelle tend à faire porter la responsabilité du paiement des 45 millions aux dirigeants travaillistes de l?époque. Si le gouvernement travailliste avait continué à permettre la rentabilisation, aux frais des contribuables, d?un bien acquis de fonds dont la provenance n?était pas connue, ce gouvernement aurait commis un crime. Il a su assumer sa responsabilité.

A la suite de la réclamation du Sun Trust, le ministre des Finances, Pravind Jugnauth, demandera à ses services d?émettre un chèque de 45,2 millions de roupies aux trustees de la famille en vertu d?une disposition d?un contrat signé entre le gouvernement dirigé par Sir Anerood Jugnauth et le Sun Trust dirigé par Sir Anerood Jugnauth.

Au moment où la population mauricienne fait face à des difficultés énormes, l?Etat, qui n?a produit ?absolutely no evidence to contradict or to question the plaintiff?s claim regarding the loss and prejudice suffered as a result of the cancellation of the contract?, versera donc Rs 45,2 millions à un trust contrôlé par une famille. L?Etat qui n?a pas estimé nécessaire de produire ?an iota of evidence? that could show that plaintiff?s claim for damages is excessive and should be reduced? versera Rs 45,2 millions à une composante de l?alliance gouvernementale, dirigée par le ministre des Finances.

Financement public de la campagne

Aux termes de la loi, un trust est créé à l?intention d?un ou de plusieurs bénéficiaires. Selon l?acte formel créant le Sun Trust, le bénéficiaire du trust est le MSM. Les membres de ce parti sont donc les bénéficiaires du pactole qui leur sera versé par le gouvernement dirigé par Paul Bérenger. Ils exigeront sans doute des comptes du trésorier de leur parti quant à l?utilisation de chaque sou constituant ce pactole qui leur est accordé par les contribuables. Au cas où l?argent servirait à financer la prochaine campagne électorale du MSM, l?Etat s?engagerait déjà dans le financement de partis politiques avant même la prise de toute décision formelle dans ce sens. Au fait, puisque le MMM ne cesse de répéter qu?il ira aux prochaines élections avec son fidèle partenaire, le MSM, les 45 millions serviront-ils à la campagne du seul MSM ?

Osera-t-on encore parler de free and fair elections et de level playing field ?

Milan Meetarbhan

Porte-parole du Parti travailliste pour les questions légales)