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Jeanne Gerval Arouff joue à pile ou face

27 février 2006, 00:00

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Côté pile : l?enfance lumineuse. Peuplée d?histoires, de légendes. Adoucie par une imagination fertile. Insouciance aux couleurs, aux odeurs marines, à rêver à ce ?là-bas sur la côte sud?. C?est un fait. Chez Jeanne, tout est signe. Tout est construction. Assemblage logique, totem.

C?est ensemble qu?elle nous propose de faire la route. à travers les nouvelles ? publiées dans la Collection Maurice, les extraits d?articles dans l?express et des inédits. Le tout relevé par une riche iconographie, faite de peintures, de photos, de dessins, de sculpture et d?installation. Un tour de Jeanne en 72 pages intitulé Pile / Face. L?ouvrage a été lancé vendredi.

?Entrez donc. N?ayez crainte (?) Ce livre est un univers complet et chaque élément y joue un rôle?, invite le préfacier, Robert Furlong. Il suffit de se brancher sur la fréquence ?sensibilité?. Chose aisée dès que l?on se laisse porter par un style qui aligne à la fois des phrases simples et des idées longues.

Exemple concret : le goût de la mer est venu à Jeanne grâce à la coquille à reprise de sa grand-mère. Entre les mains de l?enfant, le coquillage retrouve son univers premier. S?échappe de celui des chaussettes trouées et des chemises déchirées, pour retrouver ?l?alphabet de la mer (quand) elle se soulève, se ride, se plisse, se froisse, se savonne?? la suite va de soi. La Nef, maison de corail devient un immense château de sable. Qu?est-ce qu?un poète alors ? ?Je me suis dit qu?il habitait une huître. Qu?il était une perle.?

Dès qu?il suit ce raisonnement, le lecteur sent à quel point il fait bon associer des images, qu?il aurait jusque-là crues incongrues. Le monde en prend une toute autre dimension. Il s?élargit. Du coup, cela réchauffe le c?ur de fêter son anniversaire le jour du Golden Gate Bridge Golden Jubilee. ?Ses structures et mes os ne font qu?un.? Ce n?est pas tous les jours que l?on associe l?anniversaire de l?humain, à celui de sa chose. Avec Jeanne, c?est l?inhibition qui s?en va. Le lecteur se surprend à dire : ?Pourquoi pas ??

Côté face : les turpitudes de l?existence. Dites avec poésie. Dites avec des mots qui ne laissent pas planer le doute. Dites en créole, dites en français, sans que cela ne gêne la compréhension.

?Mwa, monn plen ar sa lavi sufle pukni-la,? dit sans détour cette orpheline de mère recueillie par une Tantinn pas méchante dans le fond, mais minée par la misère. Un manque si aigu que la tragique héroïne en est réduite à dormir sur un ?lili lakordkoko.? Allégorie appropriée pour la pauvrette tourmentée ? physiquement par les douleurs de la menstruation ? et moralement par la Tantinn qui la gronde sans cesse.

Jeanne fait aussi vivre et ?mourir? Sommeil. Étudiante brillante promise à un bel avenir, elle a le tort de manquer d?ambition, alors qu?elle ?vient d?une famille de lauréats.? Sommeil rêve d?être facteur, la ?messagère du bonheur.? Sommeil ne s?éveillera aux dures réalités de la vie que pour disparaître de son domicile.

L?écriture de Jeanne, elle, ne disparaît des lignes que pour refaire surface dans son écriture picturale, à la palette aussi variée que l?est l?atmosphère de ses contes.