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Françoise Botte décrit l?Iloise

20 janvier 2006, 00:00

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La presse d?il y a 25 ans rend compte du troisième et dernier volet de l?étude de Françoise Botte sur la communauté et la femme îloises. Il concerne plus particulièrement les traits caractéristiques de la Chagossienne, de son rôle matriarcal au sein de sa communauté et de ses problèmes d?emploi, de logement et d?insertion dans la société mauricienne.

Les femmes représentent plus de 50% du peuple chagossien. Elles incarnent l?autorité tant au sein du foyer qu?à l?extérieur. Le mariage civil n?apparaît pas essentiel à leurs yeux. La quasi-absence d?autorité civile ou religieuse explique en partie cela. Elles considèrent que l?union libre leur offre une meilleure garantie de liberté et d?indépendance. Elles découvrent tout juste à Maurice l?importance légale du mariage civil qui représentait peu de choses sous les cocotiers chagossiens. La moitié des mariages civils recensés ont été décidés et ratifiés à Maurice. Si l?union libre se révèle un échec, le concubin doit vider les lieux, abandonnant femme et enfants qui continuent ainsi à bénéficier de la protection de la doyenne de la famille.

Chez les Ilois, la tradition veut que la mère de famille est la première responsable des besoins familiaux. Les hommes y contribuent s?ils le désirent. Ils peuvent pareillement dépenser le salaire de leur labeur dans le jeu, la boisson, la cigarette. Aux Chagos, le décorticage des noix de coco n?a jamais fait peur aux femmes. Elles ne souffrent d?aucun complexe d?infériorité physique par rapport aux hommes.

A Diégo Garcia, l?après-midi du samedi et la journée du dimanche sont consacrées aux loisirs y compris de généreuses consommations de boissons alcoolisées. L?Iloise ne donne pas sa part aux chiens. De violentes disputes ont souvent lieu sous l?effet de l?alcool. L?autre distraction, que l?Iloise partage volontiers avec son compagnon, est la pêche.

Le matriarcat chagossien s?explique en particulier par les conditions de travail. L?homme doit en principe travailler jusqu?au coucher du soleil. Il rentre tard chez lui, exténué. Il ne prend de ce fait aucune part aux travaux du ménage et se réfugie volontiers dans l?alcool et les bras de Morphée. L?Iloise travaille jusqu?à 11 heures ou midi. Elle a, de ce fait, davantage de temps, à consacrer à son foyer et à ses enfants.

La Chagossienne se distingue de la Mauricienne par sa façon de s?habiller : large jupe à fleurs aux couleurs chatoyantes, foulard du même tissu noué derrière la tête pour se protéger du soleil.

Les Iloises se retrouvent complètement désemparées à leur arrivée à Maurice. Les hommes trouve plus facilement un emploi mais en acceptant d?aller travailler à Saint-Brandon. Elles doivent se débrouiller pour nourrir la maisonnée avec une allocation mensuelle de Rs 15 (l?équivalent de deux jours de salaire pour un travailleur agricole à la fin des années 1960). Elles sont en butte aux fonctionnaires et aux Mauriciens qui abusent de leur désarroi en prétendant vouloir les aider. Habituées au système de troc, elles connaissent mal la valeur de l?argent et se laissent aisément berner par des mercantis. Certaines d?entre elles cherchent la protection d?un compagnon et protecteur mauricien. Chercher un emploi n?est pas non plus de tout repos car la plupart d?entre elles sont illettrées. Le créole chagossien n?est pas le même que le créole mauricien. Cela crée des problèmes de communication. Les plus chanceuses parviennent à obtenir des emplois à temps partiel comme bonnes à tout faire ou lavandière. Elles doivent parfois remettre une partie de leurs salaires à des intermédiaires. Elles ignorent pratiquement tout des lois du travail et des relations industrielles à Maurice. Quand elles se rendent compte qu?elles ont été bernées, elles peuvent devenir agressives à l?égard des Mauriciens.

Quand l?argent vient à manquer au sein de la maisonnée, l?Iloise doit se résoudre à la dispersion de ses enfants auprès de compatriotes moins infortunées. L?illettrisme des parents n?encourage guère l?envoi des enfants à l?école. Celle-ci complique encore leurs problèmes financiers en raison du matériel scolaire requis.

Leur dépaysement est grand dans un territoire mauricien leur apparaissant immense par rapport à l?exiguïté de leur île natale où on ne perd de vue pratiquement personne. Un point positif : comprenant les difficultés plus grandes à Maurice, elles comprennent qu?elles ne peuvent avoir autant d?enfants qu?autrefois aux Chagos. Elles acceptent facilement d?avoir recours aux méthodes de parenté planifiée.

Françoise Botte recense 23 Chagossiennes, âgées entre 18 et 35 ans, qui ont recours à la prostitution pour pouvoir élever décemment leurs enfants.