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AH-FAT LAN-HING-CHOY Senior Adviser du Premier ministre et trésorier du Parti travailliste : « Le PTr est pauvre »

4 novembre 2012, 07:27

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Il commence par un cigare et termine par un baiser. Entre les deux, ça jure, ça claque, ça provoque, ça esquive aussi. A 57 ans, l’enfant terrible du Prime Minister’s Office ne s’est pas assagi. Rencontre avec un tumultueux brut, comme ses diamants.

Vous étiez passé où, vous et vos quatre smartphones ?

( Tendu, il passe ses nerfs sur un stylo) Une réunion politique qui n’était pas prévue. On a une heure de retard, je n’aime pas ça. Vous voulez boire un café ? Regardez, je fais moi- même le café et on me traite de gran nwar …

Elle est injuste, cette réputation ?

 Je m’en fous. Ou kontan mwa ou pa kontan mwa, dilo lor bred sonz. Mo kone ki mo ete .

Cette distance, vous l’avez toujours eue ?

Non, quand j’ai commencé en politique, les ragots m’affectaient. Aujourd’hui, j’ai la peau si dure que plus rien ne me touche.

Votre revolver est à portée de main ?

Pourquoi cette question ?

Simple mesure de précaution.

Non, il n’est pas là. De toute façon, je ne m’en suis jamais servi, c’est juste dissuasif.

Une grande gueule qui préfère l’ombre à la lumière : vous vous reconnaissez ?

( Il rectifie) Une TRÈS grande gueule. Je déteste la publicité, c’est vrai. Etre sous les projecteurs, la télé, les journaux, ce n’est pas mon truc. Un exemple : mercredi, j’étais à Cassis pour le congrès nocturne du PTr, vous avez lu mon nom dans la presse ? Il n’apparaît nulle part, et pourtant, j’ai tout organisé. Je travaille mieux comme ça.

Pourquoi avez- vous accepté cette interview ? Because I’m a fighter ! Un fighter que Dan Callikan a maté est- il encore un fighter ?

( Agressif) Maté, moi !? Ou krwar mo enn dimoun ki bes kalson ?

Il faut croire que oui puisqu’il vous a fait ravaler votre démission.

Jamais de la vie ! Mo nanye a fout ar Callikan. Je ne prends pas d’ordre avec lui. Aujourd’hui, on se fi che la paix, me si dimin li lev ar mwa, mo pou lev ar li.

Au moins, ça vous occupera. Vous faites quoi de vos journées à part poster sur Facebook des photos de vous ?

 Je déteste Facebook, je ne suis pas connecté, ce sont mes enfants qui s’amusent avec.

Liverpool- ManU, beau match ?

Ils ont mis ces photos- là ? J’étais effectivement à Anfield le 23 septembre. Deux jours plus tard, j’étais à San Siro pour voir jouer Milan, avant de retourner sur Londres. Il faut bien s’amuser, non ?

Si vous étiez un joueur de ManU…

Ferguson, pour le côté stratège.

Comment conçoit- il son rôle de conseiller, le stratège ?

Je dis ce que je pense au Premier ministre, pas ce qu’il a envie d’entendre. Ma spécialité, c’est le terrain, mais je suis assez polyvalent. Jack of all trades, master of none .

En valiz larzan , on vous prête quelques talents. Les mallettes sont prêtes pour les élections ?

( Rires) Si l’argent suffisait à gagner une élection, ça se saurait, mais c’est plus compliqué. Des candidats battus qui avaient de l’argent, j’en ai connu un paquet.

Ça se gagne comment une élection ?

 En gagnant la confi ance des gens. Pour cela, il faut créer de la proximité.

Vous voyagez beaucoup. L’argent frais du PTr, vous allez le chercher en classe affaires ?

( Silence) Ça ne marche pas comme ça.

Ça marche comment ?

Je ne vous le dirai pas.

C’est si crasseux ?

Pas du tout. Le Parti travailliste est pauvre, il n’y a qu’à voir l’état de notre QG, la pluie s’infi ltre partout.

En 20 ans, on n’a pas dépensé une roupie pour le rénover. Le peu d’argent que nous avons, on le dépense sur le terrain.

Le trésorier sans trésor, vous n’avez rien trouvé de plus crédible ?

 Nous n’avons ni les barons sucriers du MMM, ni les douze étages du Sun Trust. Le PTr vit de la générosité de ses donateurs.

Combien de donateurs ?

Plusieurs dizaines de milliers. Quand nous avons besoin d’argent, c’est moi qui démarche ces gens- là, qu’ils soient à Maurice ou à l’étranger.

C’est une affaire de connexions. Je n’en dirai pas plus.

Trois noms suffiront.

Vous êtes vraiment fou !

 Le plus généreux, c’est qui ?

Le monsieur lui- même ( il montre un portrait de Navin Ramgoolam) .

Et vous, êtes- vous généreux ?

Je pense, oui.

Combien avez- vous investi de votre fortune personnelle au PTr ?

 Ce n’est pas vos affaires. Vous avez demandé à Rajesh Bhagwan combien il avait mis dans son parti ? Vous avez demandé à Nando Bodha ?

Dix millions ? Vingt ? Plus ?

Nanie a fout ar ou . C’est entre moi et mon leader.

Vous faites toujours du business ?

 Non, je vis de mes rentes. Mes cliniques privées en Angleterre m’ont rapporté suffi samment d’argent.

Il est loin le temps où les hosties servaient de repas…

 Je n’oublie rien. Mon père vendait des brèdes au bazar, ma mère fabriquait des couronnes de communiants, sept frères et soeurs, c’était la misère. A la maison, le principal sujet de discussion concernait le repas du soir, on se demandait ce qu’on allait bien pouvoir manger.

En 1966, vous aviez 11 ans, la famille s’installe en Angleterre à la recherche d’une vie meilleure. L’école, ce n’était pas votre truc…

Vraiment pas. Dès que j’ai eu l’âge légal, c’est- à- dire 16 ans, j’ai commencé à travailler. De toute façon, mes parents n’auraient pas eu les moyens de me payer des études. Il fallait avancer, alors j’ai enchaîné les petits boulots.

J’ai été maçon, livreur de journaux, conducteur de chariot élévateur… petit à petit, j’ai eu mes propres affaires. Je crois dans le travail et la méritocratie, ce sont des valeurs essentielles.

Vos diamants, vos signes extérieurs de richesse, c’est une revanche sur les années de plomb ?

 Ce n’est pas une revanche, c’est une élévation. J’aime les jolis bijoux, particulièrement les diamants []]] Il en porte quelques dizaines aux doigts, aux oreilles et autour du cou, ndlr]. Sur cette bague, il y a neuf diamants. Chez les Chinois, le chiffre 9 est synonyme de bonheur.

Mon but n’est pas d’impressionner les gens. J’ai de l’argent, je me fais plaisir, le reste je m’en fous. Si demain je ne peux plus acheter de cigares, j’arrêterai de fumer. Si je dois remplacer le whisky par la bière, pas de problème.

Vous dites croire en la méritocratie, vous n’en seriez pas plutôt le contre- exemple parfait ? Votre dernière promotion est intervenue à la suite de graves accusations sur votre gestion à la Stade Trading Corporation ( STC)

… Accusé ne veut pas dire coupable.

C’est votre défense ? Pas très convaincant…

 ( Agacé) Vous croyez que j’avais le pouvoir de décider seul ? J’aurais bien aimé, mais ce n’était pas le cas.

Je faisais partie d’un board []]] il y siège toujours, ndlr] composé d’une dizaine de directors , nous prenions les décisions ensemble. On veut me faire porter le chapeau parce que je suis le conseiller du Premier ministre. Il est où le rapport Badhain ? S’il y a des preuves contre moi, pourquoi M. Soodhun ne les remet pas à la police ? Parce qu’il n’y a rien, juste des palabres, des inventions. Soodhun, enn komik sa. ( Bordée d’injures)

Jeudi, M. Soodhun a porté plainte contre vous pour diffamation...

Vini papa, avoye to plint !

Il vous demande Rs 25 millions...

Vini…

Vous avez été moins gourmand en le poursuivant pour Rs 10 millions. C’est le prix de votre réputation ?

 Ce n’est pas assez.

Si vous remportez chacun votre procès, vous lui devrez Rs 15 millions.

Pas de problème, je les ai.

Pourquoi vous ne poursuivez pas Megh Pillay ?

Megh Pillay ?

Dans un document que l’express s’est procuré, Megh Pillay vous accable...

Où est le dossier ? ( On lui fait lire des extraits publiés par l’express dans son édition du 8 septembre 2011. Il ricane, dément) . Si mo pourswiv tou kouyon ki ekrir kiksoz mal lor mwa, mo pa pou fi ni zame.

M. Pillay est un kouyon ?

 Il est très intelligent.

Faudrait savoir. Quand il écrit que vous aviez l’habitude de « by- pass all procurement rules » , c’est le kouyon où le génie qui tient la plume ?

 ( Il crie) Bullshit ! Bullshit ! ( Un homme lui apporte un colis) Ah, j’attendais ça ! Ma fi lle m’envoie des cadeaux de l’Angleterre… Un téléphone !… La paire de savates du Groucho Club que je lui avais demandée ! Ma fille Liberty travaille dans un pub de Soho pour payer ses études. Fode pa donn bann zenfan tou , je veux qu’ils aient les pieds sur terre. Enfant, leur père se brossait les dents avec du charbon.

Allons- y au charbon. Vous êtes très proche de Navin Ramgoolam et d’Arvin Boolell. Pensezvous que le second succèdera au premier ?

C’est possible, mais le Dr Navin Ramgoolam est là pour beaucoup de temps encore. Il y a beaucoup de prétendants à sa succession, vous savez, et pas seulement le Dr Boolell.

Au hasard, Vasant Bunwaree…

 Anil Bachoo, Lormus Bundhoo, Rajesh Jeetah… Après tout, les gens ont le droit de rêver. Cette discussion, de toute façon, n’a pas lieu d’être. Le leader, c’est Navin Ramgoolam.

Il y a encore quelques semaines, vous négociiez le transfert d’Ashit Gungah au PTr. Pourquoi avez- vous échoué ?

Diman Ashit Gungah ki li ti pe rode pou vini…

 Trop gourmand ?

 Ce n’est pas le mot exact. Disons qu’il réclamait quelque chose que nous n’étions pas en mesure de lui offrir.

La direction de la Mauritius Duty Free Paradise, c’est toujours d’actualité ?

( Il fait la moue) J’ai la capacité de diriger cette boîte, et d’autres boîtes du pays, mais c’est le Premier ministre qui décide. Et pour l’instant, il estime que ma place est ici.

Forcément, cela lui permet de vous contrôler…

Pourquoi faudrait- il me contrôler ?

 Pour éviter que vous ne mettiez la panique.

( Rires) Parce que j’ai cette réputation aussi ?

Vous craignez qui dans la vie ?

Je ne crains que Dieu.

Etes- vous croyant

Oui.

Vous croyez que Dieu croit en vous ?

 ( Rires) J’espère !

Le paradis, dans votre cas, c’est quand même mal parti…

Vous êtes un saint, vous ? Tout le monde commet des péchés, nobody’s perfect. But some people are declaring themselves whiter than white .

Sinon, quand une femme vous dit « mon trésor » , vous traduisez « mon trésorier » ?

( Rires) Je ne traduis rien, j’attends juste un baiser.

 
 Entretien réalisé par Fabrice Acquilina